JEAN-BAPTISTE MAGASINE Je fais petit a petit, mon apprentissage parisien. J'apprends que pour obtenir un verre biére on doit demander un demi, qu'on dit boisson et non breuvage, une glace et non une creme glacée, que bien froid se dit frappé et qu'on ne demande pas la liste mais la carte des vins. A la pharmacie, on donne une or- donnance et non une "prescription", et l'on ne se plaint pas, aprés avoir trop mangé, de brilements d'estomac mais de brilements a 1'estomac...La—-bas, un bicycle est un vélo, une lumiére rouge un feu rouge et la gazoline de l'essence. Une in- termission devient un entracte, le barbier un coiffeur, la boite téléphonique une cabine... J'apprends tout cela par la méthode difficile, c'est-a-dire non sans humiliation parfois mais restant toujoursfier de parler, comme dit la fameuse annonce, la langue de 150,000,000 de personnes. Mais 1a ou la confusion atteint son comble, c'est dans un magasin a rayons ou je me rends faire quelques achats de Noel. Je veux m'habiller a la francaise de la téte aux pieds. Je commence par demander des bas de nylon pour femmes. La vendeuse me regarde d'un air ahuri. Je finis par lever une jambe et montrer du doigt l'objet de ma convoitise. -— Ah! monsieur veut des chaussettes! -- Mais non, des chaussettes j'en ai, toutes doublées. Ce que je veux c'est ca! --Mais ¢a, monsieur, ce sont des chaussettes! Alors 14, si l'on ne me prend pas pour un ivrogne, je suis sir de Passer pour un hurluberlu. Ma jambe en L'air et l'altercation qui s'ensuit commencent a créer un attroupement. Il faut mettre fin a cette comédie. --Si "ga", ce sont des chaussettes, qu'est-ce-que c'est alors que "ca"? dis-je en montrant un comptoir voisin. --Ca, monsieur, ce sont des pantoufles, laisse-t-elle échapper, complétement ahurie. Revenu au rayon des hommes, je demande 4 voir des gilets. Vous me croirez si vous voulez mais on me montre des vestes, on me montre des gilets... Homme du monde jusqu'au bout des ongles, je feins de tout comprendre mais, en réalité, je ne comprends plus rien. Je voudrais bien aller faire un tour du cété des tissus -- j'habille mieux dans le fait sur mesure -- mais, rien qu'a l'idée d'étre obligé de demander "combien de verges ga prend pour faire un complet", j'y renonce! Il me reste juste assez de place pour vous souhaiter un beau Noel...blanc si possible! Et si mes respectables cheveux gris peuvent me le permettre, je vous ordonne de vous reposer: c'est beau le bénévolat mais, n'oubliez-pas que "charité bien ordonnée commence par soi-méme!!" Le boulot attendra bien jusqu'en Janvier! On se reparle dans l'année toute neuve -- amusez-vous bien! Lyse Hales N.B. ~- Moi aussi j'en veux un ordinateur tout comme celui du pére Noel...