Le Moustique Volume 3 - 11%" édition Novembre 2000 - ll a juré sur la Bible qu'il n'avait pas eu de relations avec Monica et il a menti au peuple américain. A cause de cette main levée sur la Bible, il doit absolument donner sa démission. Le mari se rassoit, satisfait de sa performance. La vieille dame renchérit : - Oui, s'il n'avait pas juré sur la Bible, cela n'aurait pas eu d'importance. La, voyez-vous, il s'est parjuré. Il n'a plus le droit d'étre notre Président. Pierre fait la moue, il n'a pas l'air convaincu. Alors, le mari se léve complétement cette fois-ci, carre les épaules ; I'air grave, il tend de nouveau la main droite trés haut d'un geste imposant et répéte avec emphase : - ll a juré sur la Bible, et il a menti au peuple américain. Impardonnable ! C'est un sacrilége ! Maintenant il doit donner sa démission. Il se laisse retomber sur sa chaise, str de son fait. La vieille dame conclut : Les Etats-Unis sont fondés sur la moraie, ce n'est pas comme les vieux pays d'Europe ! Nous nous devons de conserver I'héritage religieux, les valeurs qu'ont apportées nos ancétres, les Péres Pélerins arrivés sur le Mayflower. C'est cela notre force, notre grandeur. Pierre et Aline n'insistent pas. Ils passent au nombre d'enfants. Le couple se rengorge. Lui, déclare, en regardant sa femme avec la satisfaction du devoir accompli : - Nous avons huit enfants et treize petits-enfants, hein Mary, ca nous fait une belle grosse famille ! Aline compatit en silence tandis que la vieille dame ajoute d'un air tout a fait réjoui : - Et je pars dans quinze jours voir mes autres soixante enfants. Cette fois, Aline et Pierre écoutent, abasourdis. Ces américains, quand méme! Elle les regarde, les yeux malicieux derriére ses grosses lunettes rondes, sa bouche mince étirée en un long sourire. Elle savoure la surprise de ses interlocuteurs. Elle explique : - Oui, comme chaque printemps, je pars ; cette année, pour six semaines en Haiti ou je vais travailler auprés de mes soixante chers petits dans un dispensaire, tenu par notre communauté religieuse. L'an dernier, j'étais au Guatemala. Aline pense qu'eux n'ont pas envie de visiter ces pays ol régnent les maladies, la pauvrete, l'insécurité politique, et cette vieille grand-mére s'en va travailler |a-bas, comme si de rien n'était. Chapeau ! Aline n'a plus envie de se moquer. Pierre demande : - Et a part cela, a quoi occupez-vous votre retraite ? Tout les matins, de bonne heure, je vais a l'église. Et puis, avec treize petits-enfants, j'ai toujours a faire. C'est aussi moi qui suis en charge du jardin, du potager, des fleurs, pendant que Henry répare nos maisons ou en construit de nouvelles. Content de lui, ce dernier renchérit : - Oui, je n'ai pas le temps de m'ennuyer a garder en bon état nos propriétés ! Mais, en été, nous aimons profiter des baignades, nous aimons beaucoup l'eau tous les deux ; Mary nage avec un masque et un tube, moi, je fais de la plongée. Ces Américains ne doutent vraiment de rien. Aline qui les imaginait confits dans leur dévotion, ratatinés au coin de la cheminée ! > Page 4