Régimes car ils sont un reproche permanent de leur dégénérescence et il faut se débarrasser d’ eux. Staline fit juger et exécuter de nombreux militants communistes lors de « purges » dans les années 1930. Les démocraties ont sans doute fini par triompher des horreurs inhérentes aux systémes totalitaires et ont combattu avec succés le nazisme; quant au communisme, il s'est écroulé au bout de soixante-dix ans d'existence. Mais les démocraties se sont alors identifiées 4 la morale. Parce qu’elles faisaient ce qui était juste, elles ont voulu ériger leurs valeurs démocratiques en principes universels. Comme elles se prennent pour I'incarnation du bien et qu’elles possédent la puissance militaire, elles peuvent imposer leur choix politique et moral devenu le seul valable. Une vision unique s'empare de la pensée collective. Le moralement correct en est un exemple. A leur tour, puisqu’elles agissent au nom du bien, il est justifié pour les démocraties de larguer des bombes et de tuer des dizaines de milliers de civils innocents comme a Hiroshima et 4 Nagasaki, et plus récemment en Yougoslavie ot. Vaclav Havel, écrivain et président de la République tchéque parlait de « bombes humanitaires ». (On pourrait ajouter qu’en Irak on tue avec des bombes dites « propres »). Toujours au nom du bien, les démocraties agissent comme les états totalitaires contre lesquels elles luttent. La victoire sur la barbarie se gagne donc au moyen d’une autre barbarie. Todorov montre les dangers de toute idéologie. Il méle a cette étude touffue l'histoire de quelques personnes qui ont été les victimes du nazisme ou du communisme mais ont gardé assez de lucidité pour résister au mal sans se prendre pour I'incarnation du bien. Ces gens ont connu des destins dramatiques : Vassili Grossman, Margarete Buber-Neumann, David Rousset, Primo Levi, Romain Gary et Germaine Tillion. Le récit de la vie de ces étres d'exception sont des exemples concrets de résistance aux idéologies et montrent 4 quel point il est néfaste de s'enthousiasmer pour des causes dont les effets apportent destruction et mort 4 un grand nombre d'individus. En conclusion, Todorov pense que les actes de bonté individuels sont plus utiles que les tentatives d'appliquer de grands principes qui en fin de compte sont toujours trés destructeurs. Un bien gros livre pour en arriver finalement a |’ idée si succinctement exprimée sur |’autocollant que j’ai lu l’autre jour a l’arriére d’une voiture : Practise random acts of kindness! Paul Genuist. Victoria, C.-B. Tzvetan Todorov, Mémoire du mal Tentation du bien, Robert Laffont, Paris, 2000, 358 p. 13