page 10 , L’APPEL ») Janvier 1968 tat. Mais leur grande chance est d’avoir habi- té une ile, ce qui leur a évité tant de désastres et la destruction certaine. Napoléon par exem- ple, aurait fait flotter le tricolore sur le palais Buckingham si ses armées avaient pu mettre le pied sur leur sol. Par contre les Anglais ont pu attendre le moment propice, ils avaient le choix du champ de bataille et celui du jour ot eux seraient préts. Avec les Prussiens de Blicher qui avaient décimé “les glorieux fous” des dra- gons, des cuirassiers, les hussards et de la garde impériale, “Waterloo was a cinch.”’ Et que dire de Hitler, si la Manche ne l’avait empéché de lancer ses blitzkriegs foudroyan- tes pour broyer les réveurs du “Rule Britan- nia”? L’Angleterre a été vraiment admirable par la suite d’assister avec les Américains, a l’envahissement de la France pour la sauver des Boches (quoiqu’ils n’avaient pas le choix). Les Anglais avec raison se sentent fiers de leurs accomplissements, selon leur point de vue. Par contre, les Francais avec qui j’ai parlé, ont un point de vue trés réaliste d’aprés eux. Ils affirment avec force qu’ils auraient mieux aimé subir les vagues de bombardements et ne pas avoir eu a subir la botte allemande dans le coeur de leur pays. Ils auraient préféré aider les Américains 4 sauver l’Angleterre si les réles avaient été changés, et combattre, non sur leur sol, mais sur un sol qu’ils leur aurait fallu dévaster pour la délivrer. La gloire au- rait été plus noble, les sacrifices moins atroces et les droits 4 la reconnaissance, irrévocables. La France semble avoir perdu plus avec ses grands hommes qu’avec ses petits. Le roi soleil a manqué des chances inouies. N’y avait-il pas par exemple, prés de 500,000 Huguenots en France qui le suppliaient de les laisser émigrer en Amérique, aux bords du lace Michigan, et ce 4 leurs propres frais, avec leurs propres na- vires, car ils formaient la classe la plus puis- sante, la plus riche, la plus intellectuelle du peuple frangais. Sans le refus brutal de Louis XIV, ce demi-million de Francais aurait con- quis toute l’Amérique, des Aztecs aux Esqui- maux, qui d’aprés les estimés, comptaient a peine 200,000 ‘braves’’ parmi les innombra- bles tribus d’Amérique. Un empire frangais im- mense, inconquérable, a été perdu d’un seul coup. A la place, ces Huguenots puissants ont renforcé les Hollandais, les Allemands et les Anglais, ils ont créé multiples industries et contribué d’une fagon majeure aux forces des ennemis de la France. L’histoire rappelle amé- rement cette bataille of une armée francaise faisait face &4 une armée allemande composée totalement de Francais huguenots avec un seul général allemand en téte. Et Napoléon, qui a perdu des conquétes frangaises et qui a vendu la Louisiane pour $10 millions! L’innocent, aujourd’hui on parlerait francais de 1’Acadie aux bayous de la Nouvelle Orléans. Les Anglais auraient pu profiter davan- tage de leur victoire au Canada toutefois. Ils auraient pu étre plus cruels, mais Dieu merci, ils se sont arrétés en temps. Un bon ami offi- cier du HMCS Discovery me demandait un jour: “Be honest, Gaston; suppose that you reverse history ; that the French had conquered Canada over English settlers; that you would now have two thirds French and one third English in Canada; do you think that we would still speak English?” Je ne pus résister & la tentation du silence avec un sourire mo- queur, lui donnant une réponse sarcastique mais bien amicale. Je lui offris plut6t une autre comparaison: “John, lui dis-je, supposons que les Anglais avaient défriché un pays en Amé- rique du sud, entiérement peuplé d’Anglais, et que par la suite le Kaiser avait envahi et subjugué ce pays. Que penserais-tu si, deux cents ans plus tard, on demandait 4 ces mémes Anglais d’endosser l’uniforme teutonique pour se battre pour la gloire de l’empire allemand? Et penses-tu que ces Anglais devraient parler allemand aujourd’hui?’ “Fair answer’’ me ré- pondit-il, “let’s change the subject and talk about girls now.” “That’s a deal’’ lui dis-je avec soulagement. J’aurais demandé aussi, si les quelque 10,000 anglais 4 la conquéte, auraient pu, sdils avaient voulu, imposer leur langue sur les 60,000 défricheurs. J’aimais mieux quit- ter un sujet inutile qui m’aurait aussi mené a lui demander pourquoi les habitants du Québec avaient eu 4 se faire appeler les “troupes bri- tanniques’’ en 1914, et aussi au début de la deuxiéme grande guerre. Est-ce que la majori- té doit aussi prendre la gloire de la minorité? Les Anglais de leur c6té, pensent avec ran- cune A Lattitude anti-conscriptionniste québe- coise lors des deux guerres mondiales et je dois maintenant avouer aprés avoir passé 20 ans parmi eux que je déplore ce manquement de nos représentants politiques qui ont si mal a- visé leur électorat. Ca n’a pas empéché “la va- leur de foi trempée” de prouver que “son bras sait porter l’épée’’, mais les “brillants exploits’’ n’ont pas eu tous les “fleurons glorieux” bien mérités. En 1957 j’étais aux quartiers généraux a Ottawa avec quelques amis, quant un Lieute- nant commandant me demanda: “Gaston, I don’t believe in this nonsense about the rights of the minority. The majority should rule and to hell with the minority.’’ J’acquiesai 4 sa grande surprise et il répéta pour s’assurer que j’avais bien compris. “Verne is right’’ dis-je au groupe, “last night I was just reading in the Ottawa Citizen that in Africa there are 6 million natives being ruled by a hundred thousand Englishmen. This is sheer nonsense, Verne, you’re right, the majority should rule.” “That’s not what I meant’’, de murmurer mon chum. Un Commodore encore souriant reprit Vassaut et déclara: “Nevertheless, Gaston, ano- ther nonsense in this country is this business about two languages. You must realize how much easier it would be for all of us to speak only one language.” “I agree Sir’’ lui-dis-je. “But I said only one language, Gaston?’’ “T heard you, Sir, and I too realize that we should have only one language.’’ Il se passa un moment de silence, puis soupconneusement, le Commo- dore me demanda avec précaution : “Which one, Gaston?” Les discussions n’avaient pas toujours de