AVRIL 1994 Le Procrés Alena : un accord prometteur suite de la une est un marché d’avenir. Certains hommes d’ affaires ont déja évalué les bénéfices de ce nouveau _ partenariat: 4500 exportateurs se sont rendus auprés _ du__bureau commercial de V’ambassade du Canada Mexico en 1992. Les milieux d’affaires canadiens ont eu derniérement un ambassadeur prestigieux : le premier ministre, monsieur Jean Chrétien a, lors de sa visite de trois jours au Mexique, cherché a intensifier les relations commerciales avec ce nouveau partenaire commercial. Un atout pour la croissance économique La plupart des études économiques ont démontré que les trois partenaires sortiront vainqueurs de la constitution de ce grand marché nord-américain de 360 millions d’habitants. Cependant l’ampleur de ces répercussions positives variera d’un pays a l’autre. Ainsi d’aprés une étude de l’Agence pour le Commerce des Etats-Unis, les gains pour le Canada seront faibles acourt et moyen termes : le produit national brut (PNB) canadien ne _ devrait augmenter que de 0.5%, et l’emploi seulement de 0.6%. Deux raisons justifient ces maigres bénéfices: 1) Il existe déja un accord de libre-échange avec les Etats- Unis 2) Les investissements canadiens au Mexiquesont faibles. A premiére vue, les perspectives de ce traité semblent positives. A long terme, la croissance canadienne sera favorisée et les entreprises canadiennes auront un accés privilégié 4 un marché de 85 développement. A trés court terme, les risques anticipés ne se sont pas réalisés. Que va-t-il se passer a moyen terme : les entreprises canadiemnes vont-elles étre attirées par les faibles coiits de la main-d’oeuvre et une réglementation laxiste de V’environnement ? Qualité versus prix de la main-d’oeuvre La question posée est comment va-t-on pouvoir concurrencer un pays ou le salaire minimum est un dixiéme du salaire minimum canadien ? Cette inquiétude a ses fondements, surtout dans l’industrie manufacturiére, et plus précisément, comme I'indique le tableau 3, dans |’industrie de l'automobile et du vétement. Il est vrai que les ouvriers peu spécialisés seront les grands perdants de 1°ALENA (les pertes sont estimées aux alentours de 6,000 emplois). De toute évidence les industries de main-d’ oeuvre vont s’installer au sud du Rio Grande pour profiter du faible cofit du travail (1$ de ’-heure en moyenne) et développer un peu plus le phénoméne des “usines tournevis” ou “maquilladoras” qui emploient déja plus de 500 000 ouvriers. Un ouvrier canadien non qualifié pouvait trouver jusqu’a présent un emploi bien rémunéré en usine. A partir de 1995, ‘ seulement 33% des emplois dans ~ le secteur des piéces détachées de l’industrie automobile seront des postes pour employés non qualifiés, soit une réduction de 50% des postes disponibles. L?ALENA n’est pas complétement responsable de cette tendance. Il ne faut pas oublier que le Canada est membre du GATT. Les droits de douanes baisser méme si l’accord avec le. Mexique n’avait pas été signé (ils sont passés de 12% en moyenne en 1950 a 5% en moyenne en 1988). De plus, avec un salaire horaire de 1$, un droit de douane de 10% maximum, comme cela était le cas avant le ler janvier, n’augmente ce salaire que de 10 cents. Nous sommes toujours trés loin des 10$ ou 12$ dollars de l’heure, du salaire moyen canadien. Le cofit de la main- d’ oeuvre n’est qu’un des éléments que les entreprises doivent prendre en compte lorsqu’elles décident de s’installer au Mexique. Le deuxiéme élément, non des moindres, est la qualité des ouvriers et leur productivité. La productivité du travailleur canadien est supérieure acelledutravailleur mexicain pour deux raisons: - une formation supérieure -plus de machines et de capital a la disposition de chaque travailleur. La main-d’oeuvre canadienne cofite plus cher parce qu’elle est plus productive Il faut que les chefs d'entreprises tiennent compte de cet élément, avant tout démantélement de leur usine, s'ils ne veulent pas subir la méme expérience que Fleck Manufacturing, une entreprise de piéces derechange, qui aprés avoir déménagé au Mexiqueadirevenir — sur sa décision, du fait de la faible qualité de la main-d’oeuvre mexicaine. L’avantage comparatif du Canada sera dans les industries a forte valeur ajoutée, oi, d’aprés les prévisions, environ 12 000 emplois supplémentaires seront crées suite a la libéralisation des ‘millions d’habitants en plein canadiens auraient continué a échanges avec le Mexique. Y Tableau 3 Les Perdants et les Gagnants Industrie automobile Industrie textile Agriculture Services & habillement financiers - Perdants / | Certains perdants Perdants Gagnants Gagnants Certains gagnants : Condition | LeContenuNord- Le Contenu Nord-Améri- d'exemption | Américain obligatoire | cain obligatoire : les aux droits de | passe de 50% produits doivent étre faits douanes _| &62,5% sur une uniquement de fibres, de période de 8 ans. fils et de tissus provenant d'Amérique du Nord. Raisons Risque de La plupart des produits Ouverture du marché mexicain délocalisation de canadiens contiennent certains construc- surtout des matiéres ‘ premiéres en provenance fue ee a Merue: de l'Europe et de I'Asie. Accés au marché © Les produits canadiens mexicain pour les seront défavorisés par fabricants canadiens | rapport a ceux américains de piéce de rechange.| et mexicains. et chiens, le café. tomates. Calendrier de la suppression des taxes sur les exportations mexicaines vers le Canada Depuis le 1er janvier 1994 : Les meubles, les appareils téléphoniques, les films et 6quipements pour appareils photos, les machines, le porc, les aliments pour chats Avant le 1er janvier 1999 : Les camionnettes, les machines- outils, les produits dérivés du caoutchouc, les pommes de terre, le chou, les framboises, le mals, le biD6, I'orge. Avant le 1er janvier 1994 : L'habillement, les chaussures, les jouets, les tomates fratches, les jeunes carottes, le chou-fleur surgelé, les asperges, les fraises, les oignons verts, les fleurs coupées, le concentré de Les Mexicains redoutent ‘autant la qualité de la main- d’oeuvre canadienne, que les Canadiens redoutent les faibles coats de la main-d’oeuvre mexicaine. Des lois pour protéger fenvironnement a appliquer Un rapport d’Environne- ment Canada, publié en octobre 1992, a fait le point sur le risque de délocalisation des entreprises suite al’existence d’une réglementation de l’environnement plus laxiste au Mexique. Il semble que cette relocalisation au sud du Rio Grande ne se produira pas, pour plusieurs raisons. Premiérement, une législation protégeant!’ environne- ment existe au Mexique. Elle n’a pas été rigoureusement appliquée depuis son adoption ; cependant, cette tendance devrait se renverser dans un avenir rapproché. L’avantage comparatif que le Mexique offre en ce domaine va disparaitre Amoyen terme. Aucune entreprise ne va entreprendre un déménagement vers le Mexique, avec les coiits que cela suppose, pour bénéficier d’une législation temporairement favorable. Les cofits risquent de dépasser les bénéfices résultant de cette stratégie. Deuxiémement, le développement des échanges commerciaux avec le Mexique devrait permettre 4 ce dernier d’augmenter son PNB et d’avoir un accés privilégié 4 de nouvelles technologies. Ces deux facteurs ont un effet positif sur la protection de l’environnement : le Mexique passera du stade de pays en voie de développement a celui de pays développé. Cette évolution se traduira par le développement de son secteur tertiaire, non polluant. Troisiémement, les entreprises canadiennes les plus polluantes semblent avoir une attitude positive envers les standards de protection de l’environnement. Ainsi d’aprés les conclusions d’une étude de Dun & Bradstreet Canada, les réglementations de protection de l’environnement ne semblent pas affecter la compétitivité des entreprises canadiennes. 60% des entrepreneurs affirment que les effets de ces mesures réglemen- taires sont neutres, tandis que 28% sont favorables 4 ces mesures car elles améliorent leur compétitivité. Constitution d’une zone de libre-6échange a petits pas Les répercussions de cet accord, quelles qu’elles soient, ne seront pas pour demain, puisque certaines dispositions du texte ne prendront effet que dans quinze ans, quand aura été éliminée la totalité des barriéres tarifaires et douaniéres entre les trois pays(tableau 4). Cette période permettra aux différents partenaires de s’adapter a la nouvelle donnée compétitive. Le Canada et les Etats-Unis auront le temps de restructurer leurs industries. Le Mexique aura le temps de mettre en application un tissu réglementaire propre a protéger son environnement et les droits des travailleurs mexicains. L’ALENA est une voie innovatrice permettant d’intégrer les pays en développement a la croissance économique et d’aider ces pays a accéder plus rapidement au stade de pays développé. Espérons que ce traité sera 4 la hauteur de ses ambitions. Le Chili a d’ailleurs déja déposé sa candidature en vue d’un élargissement de l’accord a de nouveaux partenaires. Le Mexique de son cété a signé un premier accord de libre-échange avec le Costa Rica et un deuxiéme accord avec le Venezuela et le Pérou. En attendant, nos hommes d’affaires canadiens devront apprendre l’espagnol et s"habituer a une différente culture de l’entreprise et des affaires. ie