Bonheur passager Bonheur passager... par Jean-Pierre LACHANCE (extrait d’un recueil commencé 4 l’occasion de son dix- huitiéme anniversaire, mais jamais terminé...) L’horrible cauchemar, la ville... batie sur papier usé, mais attirant l’argent ; assassin de pauvres malades. ‘Grouillante de chefs-d’oeuvres plastiques les plus vils, constituée de jeux artificiels of Satan dirige toutes ses folles charades. Monstre hallucinant, attirant, bien aimé, la cité a toujours vécu en effroi permanent, sans cesse rongée par des parasites bizarres que l’on se plaft 4 surnommer : humains, bétes rares... Certains n’espérent que par le temps, d’autres que par des récoltes bancaires depuis longtemps semées. Démoralisé par cette animation exaspérante, Julien explose de rages violentes, soudainement aux prises avec une subite maladie : le désir d’un naturel paradis, celui de l’air campagnard... La montagne majestueuse se dresse, envoftante, couronnée d’une auréole brumeuse, le pic aux cimes enneigées devient terre promise. Ses flancs aux formes complexes, enchantent, peuplées d’une nature heureuse. L’exil nécessaire tire A sa fin... La périlleuse ascension débute, laborieuse. Visant une corniche ombragée, l’alpiniste en herbe se risque hardiment. Les rocs épars, vestiges d’avalanches tumultueuses, — les parois glissantes, traftresses Agées, vétues de leurs fausses capes de mousses diverses... Un bouquet sauvage permet une station méritée. Piége naturel merveilleux, une crevasse étroite, sinueuse, mais profonde, laisse une vision irréelle, bienheureuse ; de cette cavité fantastique apparaissent quelques veines terrestres effritées sous le poids de l’érosion, des averses. Les pins majestueux aux frondes grandioses ; offrent abri 4 une colonie d’oiseaux sauvages. Voila que surgit la magnifique corniche dominant la campagne, la cité si riche. Du haut de sa montagne vaincue, heureux, sage, il admire le ciel presqu’atteint, enfin il respire... Libéré des engrenages fous de la ville lointaine, il s’abreuve de cette naturelle fontaine jouvengale. Il pourra vivre détaché de ses peines, Architecture ecologique L'une des premieres difficul- tés que l'on rencontre lors- u’on essaye de parler de l’ar- chytertute au. Muéhec, c'est cellé de lui trouver un rap- port avec des références con- ues capables de |’expliquer historiquement. Mais pour peu qu'on veuille bien se débar- rasser de cet esprit de cata- logue, et sacrifier l’histoire ‘pour s'attacher aux résultats du présent, il y a beaucoup a dire. Et la premiere chose, ‘c'est que le Québec me sem- ‘ble étre une terre d’élection pour une architecture nouvel- e Tl y a 36,000 architectures nouvelles partout et en mé- me tenips, toutes plus sensa- tionnelles les unes que les au- tres et je ne vais pas ajou- ‘ter la mienne. Mon pro s est plutot de dire que le Suébec se préte _particulierement bien a des tentatives d’ar- chitecture moderne parce que ‘celle-ci_n’aurait pas a vain- cre un style ‘bien établi, une tradition ancrée dont les moeurs d’habitation auraient . du mal a se défaire. L’originalité de — l’archi- tecture québécoise n’est pas tant dans ses manifestations formelles que dans le fait que ces ‘formes survivent de nos ‘jours, en tous cas dans leur ‘esprit: sa simplicité, son ab- sence et méme son dénuement ornemental, sa conception is- -sue du “besoin d’organisation hysique et conditionnée par es ressources disponibles, font de l’architecture québé- - coise une architecture qui n’a pas évolué depuis la période pionniére. Il y a de multi- ples raisons a cette sorte d’'immobilisme, ou de blocage ‘(c'est selon) et elles sont pour la plupart d’ordre socio-éco- HoTalae: mais aussi cultu- rel. : : Melvin Charney: ‘Pour une -définition de l’architecture au Québec”: L'architecture québécoise ‘est le résultat d’une ‘‘attitu- de face au batiment qui, durant la période romane de ’histoi- ‘re de l'Europe occidentale, a , permis le développement de ‘architecture significative de “est pris dans. un cette époque’. nous dit M Melvin Charney, Professeur a V’Ecole d'architecture de I’U- niversité de Montréal (Confé- rences J.A. de Se;be, NO 13- 14), reprenant a son compte Vaffirmation de Gérard Mo- risset:"? ...l'architecture de la Nouvelle-France n/avait tout simplement pas lair roman. elle était une expression inte- ; grale de la tradition romane. de l’architecture occidentale. La comparaison me semble excellente, car Varchitecture — dépend évidemment des atti- tudes fondamentales d’une po- pulation vis-a-vis’ de son envi- ronnement, comment elle s’y integre, —quels services elle attend des habitations qy elle contruit; et il est bien évident que les colons et leur des- cendance n’avaient que faire de palais de marbre, en ad- mettant qu’ils eussent pu les construire. Nous ‘voici donc | dans un. Québec toujours aussi neuf qu’au premier jour, dont il y a tout a tirer, a Tay y a presque tout a faire. me semble que,gvest [4 une position privilégieédont nos architectes devraient se: pré- valoir plus souvent, au lied ‘de. refaire continuellement le jeu de l’architecture commercia- le et industrielle de nos voir sins américains. Une réussite architecturale comme la Pla- ce Bonaventure, dessinée par un bureau montréalais d’ar- chitectes (Afleck, Desbarats, Dima Kopulos, Lebensold et Sise) en est la preuve patente. La pureté des lignes de cette masse de beton imposante, ac- crochée a la céte de ja rue Université a Montréal jn sign parfait, presque, ne sont pas sans naventure, Place rie, ae leur ies me prolongement m nel et pluraliste de; lisme désuet.”” Cela ne mé”sémble pas clair; ce genre de ‘“‘bati- ment public’ me semblait au jouir d’un bonheur parfois nécessaire, d’une paix sereine... dans la cité of tout se bat, s’anime, fonce... Urbanisme, architecture ou écologiesumaine 2. Aprés des recherches méthodiques l’inspection du promontoire résulte en découvertes d’une simplicité utile. Jaillissant d’un rocher aux mousses antiques un infime, pur, cristallin tumulte apportera le précieux liquide, parfois si futile... La foudre démentielle ayant décimé une partie de cette forét sauvage, a laissé un cimetiére de troncs abandonnés. Une caverne plus que spacieuse deviendra l’habitation provisoire, naturelle, de ce jeune ermite en contemplation pieuse devant son domaine aux utilites providentielles... La douce vie champétre transfuse sérénité, quiétude, au jeune esprit presque rétabli. La solitude régnant dans cette contrée ov le silence fait loi n’est que plus appréciée. Ces longues journées passées 4 explorer les abords établis : du campe‘nent apportent franche gaieté, émerveillements multiples devant ces bijoux précieux que la nature a voulu dévoiler 4 ses yeux... La rosée matinale offrant ses diadémes scintillants 4 l’araignée confuse devant le présent, le tapis de mousse spongieuse mariée 4 de vieilles feuilles dont le passé coloré disparaft lentement... Les rochers millénaires dont les formes suggestives animent vivement l’imagination fertile du jeune exilé, devant cette terre sainte ot les fleurs sauvages peignent des folles teintes... La vie rustique se poursuit, saine, facile, donnant joie de vivre, gaieté vraie, active... Dans la nuit parsemée d’innombrables constellations ot 1’oeil se perd en heureuse confusion, le solitaire campeur veille en douce compagnie, les folles flammes, le bois sec craquant parfois, spectacle grandiose pour 1’4me libérée de la ville, de ses lois... Les lueurs peignant d’ombres, de clartés, de soleils Vintérieur du gfte antique, préhistorique, les flammes aux rubis dorés de vermeil, les braises hallucinantes se mourant dans 1’atre rustique terminent ce tableau paisible, naturel, nécessaire... = Mais déja le départ vers l’horizon urbain s’annonce. Avec peine, le jeune bienheureux retrouve bientdt ses fréres ed LE SOLEIL, 17 MARS 1972, IX eee