6 Le Soleil de Colombie, Vendredi 10 Juin 1977 ENTRETIEN AVEC: Ginette Duplessis, soprano Propos recueillis par Marc BELIVEAU Qu’est-ce qui décide une artiste du Québec a se rendre a Van- couver? — Ilya sans doute le goit de laventure, l'intention de dépas- ser les cadres du Québec. Ayant déja réalisé une foule de projets au Québec — émissions radio- phoniques, récitals, etc. - je voulais explorer un autre coin du pays, toucher le Canada anglais. Arrivée ici depuis aofit 1976, je m’étais donné une année pour connaftre le milieu et si je regarde ce qui s’est passé, j’ai été assez occupée, beaucoup plus que je ne l’avais imaginé au départ. I] faut ajouter que Vancouver est une ville qui se réveille de plus en plus sur le cété artistique au Canada. Le ballet, la musique, Je chant et le théatre sont de plus en plus florissants et la qualité de pro- duction est souvent comparable aux réalisations provenant de Toronto ou de Montréal. Ainsi, pour un artiste lyrique du Québec, il existe peu de frontié- res? — Certes non, et bien le contrai- re. Parmi les plus belles voix au Canada, beaucoup viennent du Québec. Pour ne citer que quel- ques noms, il y a les Forester, Simoneau, Jobin, Alarie... Le Québec au point de vue lyrique a peu a envier. Par exemple, dans les années ‘50, |’interpréte mozartsien le plus recherché n’était nul autre que d’origine québecoise. Les artistes lyriques du Québec ont une attitude trés sensible vis-a-vis de l’art. Notre caractére latin, le climat froid du Québec, un faciés frangais et américain... sont autant d’élé- ments qui différencient un chan- teur québecois. Par leur diffé- rence culturelle, leur facon de se vétir, de s’exprimer, la sonorité de leur voix, les artistes lyriques ont vraiment quelque chose a apporter. Pour un artiste lyrique, quelle est l’importance de la langue maternelle? — Il est certain que dans mon cas, interpréter des auteurs francais me plait énormément. Toutefois, pour un artiste lyri- que, chanter dans une langue étrangére est comme une secon- de nature. Son oreille apprend peut-étre les langues plus facile- ment? L’allemand et l’italien sont des langues trés lyriques. Le francais quant 4 lui se chante plus difficilement. Avant la lan- gue, il y ala mélodie qui, elle, est de tous les pays. L’artiste lyri- que est avant tout un musicien. Les artistes lyriques doivent-ils choisir . entre l’opéra et le — En général, chacun de nous expérimente ces deux genres de représentation qui sont fort différents en soi. Lors d’un récital, ce que personnellement je préfére, l’artiste doit établir un contact intime avec son public. Quand celui-ci interpréte par exemple une mélodie d’envi- ron § minutes, i] lui faut créer dans ce court laps de temps un intérét et un dénouement dans © Yexécution. Tout récital étant composé de diverses mélodies, l'artiste en choisit le genre, les . piéces qui.répondent Je plus a sa wr Wee hs Be sa 4? Aa SF a ak personnalité musicale. Il y a une satisfaction trés gratifiante a retirer. En ce qui touche !’opéra, ily a tout un sens théatra] qu’decepte de jouer l’artiste lyrique au départ. A l’opéra, i] y a une histoire, un déroulement de I’ac- tion, des décors, des costumes, etc. Tout ce cété extérieur fait de l’'artiste un personnage lyri- que au sein du cadre de la représentation théftrale. Le pu- blic doit apprécier et la qualité d’exécution et le travail de mise en scéne et |’intérét suscité par la piéce elle-méme: Les enregistrements sur disque ou a la radio plaisent-ils a tous les artistes lyriques? Avec les répétitions et les possibilités de se reprendre, les enregistrements a la radio par exemple peuvent donner une qualité d’exécution peut-étre su- périeure, dans certains cas at- teindre presque |’excellence. Toutefois, sans la présence du public, l’artiste peut ressentir une restriction intérieure. Lors d'un récital, l’artiste fait un don total de lui-méme A son public. Cette relation intime qui s’éta- blit permet de gofiter plus profondément la personnalité musicale de l’artiste. A l’occa- sion, la présence du public peut permettre 4 l’artiste un dépasse- ment de lui-méme. La musique pop est-elle un ennemi pour la musique de genre “classique?” — Pas vraiment, mais 1a, il faut établir des différences. Par exemple, un amateur et un “connaisseur” de musique pop peuvent devenir des fervents de musique classique. En fait, cela dépend avant tout. de l’attitude de la personne face a la “Musi- que”. Dans les deux cas, musi- que “pop” et musique classique, il peut y avoir du respect, en est-il de méme pour le jazz et d’autres formes de musique. On peut apprécier la beauté des lignes mélodiques, I’harmonie. La musique “pop” a cette diffé- rence qu'elle s’adresse au sens. L'amplification des sons des instruments vient. “chercher” le spectateur, qu'il le veuille ou non. Il y a ainsi des expériences sensorielles auditives plaisantes et déplaisantes. La musique classique parle a |’fme. L’audi- teur doit faire silence en lui-mé- me, écouter et jouir des beaux sons. Il est difficile de ne pas aimer une belle voix. Savoir écouter de la musique classique, c'est savoir s’écouter soi-méme et dans cela, il y a une question d’apprivoisement. Il y a un autre point qui contient une réelle importance sur les moeurs des amateurs de musique. [art dit populaire, la musique pop par exemple a été Yoeuvre de promoteurs en mar- keting. Cette musique que l'on . dit “facile d’approche”, ce n'est répétition - souvent que sa constante a4 la radio qui nous apprend a l’accepter. Bien plus, la radio peut passer des heures a produire des sons de toutes sortes sans que |’auditeur n’ait vraiment écouté une mélodie. Dans cette optique. cet art de facilité ne peut-réellement. se... hohe mesurer aux dix années de formation qu’a nécessité un ar- tiste pour qui l'art contient une transcendance. Quels sont les compositeurs que vous aimez le plus interpréter? — Plus la connaissance musicale _d’une personne s’élargit, plus il ressent des affinités avec des compositeurs en particulier. Ai- mer chanter des oeuvres d’un tel compositeur, c’est si intimement lié avec la découverte de sa personnalité musicale. Pour ma part, les oeuvres de Schubert, Schumann, Strauss et Wolf m’enchantent. Aimer chanter de leurs oeuvres, c’est en méme temps approfondir ma connais- sance de ces compositeurs. Quant a la musique francaise, sa finesse, sa couleur et la subtilité de ses sonorités produisent en moi un ravissement et c’est avec une sorte de “complicité” que jaime chanter Ravel. Debussy, Chausson... Et pour votre récital au Play- house, vous chanterez des mélo- dies qui ont été écrites pour vous.. ~ Chanter des mélodies qui ont été écrites pour soi, qui ont été écrites par quelqu’un connais- sant ma personnalité musicale... ca correspond a ]’intention de donner le meilleur de soi-méme a GINETTFE DUPLESSIS, Soprano son public. Ie cycle de mélodie intitulé “Les clartés de la nuit” a été écrit par Jacques Hétu, qui est professeur de musique a l'Université Laval 4 Québec. C’est pour moi une merveil- leuse opportunité d'interpréter cette musique de Jacques Hétu qui est l'un des compositeurs les plus marquants du Québec. Pour le public vancouverois. ¢a sera une premiére de |’oeuvre: “Les clartés de Ja nuit.” Lors de notre récital au Play- house, Roland Richard et moi- méme nous sommes entendus pour donner un récital composé entiérement de mélodies fran- caises, ce quiest trés rare. Ce choix de piéces entiérement francaises sera notre contribution al’esprit de la Francoféte. RECITAL GINETTE DUPLESSIS ROLAND RICHARD Au Queen Flizabeth Playhouse Le 22 Juin, a 20h30 WINNIPEG TORONTO VANCOUVER VANCOUVER OS TARIFS ONT BAS VANCOUVER EDMONTON ALLER SIMPLE os ae ALLER SIMPLE “a 3. ALLER SIMPLE MONTEZ! Ces prix correspondent au tarif . rouge, aller simple, en voiture coach. Renseignez-vous auprés de‘votre agent de voyages ou au bureau des Ventes Voyageurs VIA CN.