de la liberté de l’individu, n’ait pas semblé comprendre les arguments d’un mémoire pourtant si logique?” En attendant l’avion qui devait les ramener a Vancouver, les représen- tants de la F.F.C. rassemblés autour d’un café aussi amer que leur déception, ont tourné et retourné cette question, lui opposant toutes les réponses possibles. “Nous n’avons pas assez expliqué... nous avons trop expliqué... nous avons été trop discrets, il aurait fallu faire une manifestation de masse... nous avons manqué de discrétion, il n’aurait pas fallu parler du tout du mémoire avant de le présenter...” Ces réponses et beaucoup d’autres parfois accompa- gnées d’interjections et d’exclama- — tions peu parlementaires ont fusé longtemps a l’ombre de |’Empress, aussi contradictoires l’une que l’autre. Le vice-président Bergman devait finalement évoquer, avec sa concision de professeur de science politique: “Notre propos était logique, indiscuta- ble... mais pour nous. Mais ce n’était pas la logique de Mme Dailly, ni du cabinet, ni probablement de la majorité de nos compatriotes de langue anglaise.” f Stratégie nouvelle Marc Van Den Borre, dont la déception, ce jour-la, était aussi grande que son enthousiasme et son dévouement communautaire depuis qu'il a pris charge du comité d’éducation, devait sauter a pieds joints sur cette explication et y trouver immédiatement inspiration d’une action a venir, une action nouvelle, globale:“Il importe que le comité de ’éducation, le comité exécutif et les employés permanents de la Fédéra- tion se réunissent dans les meilleurs délais pour évaluer l’échec partiel (Nous avons perdu une bataille mais certainement pas la guerre!) et mettre au point une stratégie nouvelle.” Moins de 24 heures aprés ce triste aprés-midi de Victoria, tous les ar- tisans de l’entreprise avaient retrouvé Vespoir et l'enthousiasme qui déplace les montagnes de préjugés. Et maintenant ? Et maintenant? Une _ journaliste anglophone a_ téléphoné a_ la Fédération pour savoir ce que nous entendions faire aprés la rebuffade de Victoria. ““Avez-vous l’intention d’at- tendre et de voir venir?” Que non, chére consoeur. Si l’on en croit les idées qui foisonnent au siége de la F.F.C. et dans les conversations rassemblant les Franco-Colombiens “activistes”, les mois qui Suivent vont étre, plus que jamais, occupés par Vapplication résolue de la nouvelle stratégie. Un effort global Il est un peu tot encore pour définir ici cette stratégie mais il est toutefois permis d’annoncer qu’elle sera “globale” désormais. Globale quant aux moyens de “faire passer le message”, ce qui ne_ signifie nullement que les animateurs, employés et bénévoles, aient l’inten- tion de tirer a hue et a dia, dans toutes les directions en ignorant |l’objectif ultime et indiscutable: obtenir la mise sur pied d’une organisation scolaire francophone intégrée. La “globalité” de l’effort se situe au niveau de la communication. Et la communauté francophone de Colom- bie a désormais besoin de toutes les énergies propagandistes pour, d’une part, sensibiliser ceux de nos compatriotes de langue frangaise qui nront pas jusqu’ici manifesté un engagement personnel dans le combat a finir. Il importe que tout le monde s’y mette, les jeunes et les moins jeunes, méme ceux qui n’ont pas d’enfants, méme ceux qui n’en ont plus sous leur toit, mMéme ceux qui savent que pour eux, personnellement, “ce n’est pas grave” parce que, a long terme, ils retourneront au Québec ou en Normandie. Il y va d’une responsabili- té collective dans la défense d’un principe hautement défendable. D’autre part, il faut que tous ceux d’entre nous qui ont des amis anglophones eux-mémes _ influents dans leur milieu, si modeste soit-il, leur expliquent et leur réexpliquent sans relache que ce que _ (les Franco-Colombiens réclament de leur gouvernement est bien peu de chose a cété de ce qui est reconnu aux Anglophones canadiens vivant au Québec. II est remarquable de constater le succés d’intérét que l’on souléve, en milieu anglophone colombien lorsque l’on raconte trés simplement: “Savez-vous qu’un Ci- toyen Québécois de langue anglaise peut, a méme les fonds publics, faire éduquer ses enfants, de la maternelle au doctorat, en langue anglaise?” Les plus incrédules n’en reviendront pas de surprise lorsqu’un Anglophone ayant vécu au Québec ajoutera: “On peut méme y vivre toute sa vie sans parler un mot de frangais!” ll faut alors insister sur notre volonté, a nous, de ne pas étre unilingue a ce point, conscients que nous sommes que la connaissance de plus d’une langue est un _ atout culturel, pas une concession politi- que. A force, ce genre d’arguments porte, surtout sur les individus qui ont des prétentions intellectuelles, fon- dées ou non. Car dans cette province extréme-occidentale, nos compatrio- tes de langue anglaise ne sont pas tous aussi obtus que le monsieur qui sévit sur les antennes d’une radio commerciale et disait recemment: “Si on vous donne des écoles, nous allons connaitre une invasion de Québécois désireux de s’installer sur le Pacifique et alors naitra un probléme comparable a celui que connait la Grande-Bretagne au titre de Il’immi- gration des gens de couleur.” : =e a 2 Un choix a faire A propos de “couleur”, un argument est souvent invoqué par nos interlocuteurs anglophones qui rap- pellent que Vancouver, en fait, est bien davantage une ville chinoise. Cela, c’est l’'argument ethnique et numéral a la_ fois qu’il est particuliérement facile de détruire en deux ou trois temps, a _ preuve Vintervention d’un membre néo-cana- dien-frangais qui l’a sorti a Mme Dailly visiblement ébranlée: “Primo: si l’on considére la représentation ethnique, il va se parler, 4 Vancouver, le chinois (les chinois), allemand, le néerlan- dais, le tchéque'_ peut-étre_ et Vukrainien, l’écossais, et un tas d’autres langues qui n’ont guére de rapport avec l’anglais. Secundo: la proportion n’a rien a voir en dépit de cette régle ridicule des districts bilingues a la merci d’un simple glissement des villes-dortoirs. Tertio: lorsqu’un individu décide d’émigrer vers le Canada, un choix lui est proposé dés lors qu’on l’informe sur le caractére historiquement biculturel de ce pays. II lui appartient de devenir ou Canadien-frangais ou Canadien- anglais ce qui ne l’empéche pas, sentimentalement, de rester attaché a sa langue d’origine et de la pratiquer sans pour autant pouvoir invoquer la loi du nombre relatif.” | | | | |