Les Indiens Tlingit et Lapérouse Lituya est un mot composé de la langue Tlingit signifiant "le lac dans le point", l’endroit étant ainsi nommé en raison des eaux presque entiérement entourées par une ligne de terre continue. Sur les cartes du 18e et 19e siécles, le lieu est reporté sous les divers noms de "Port Frangaise"® "Altona", "Alituya", "Ltova" et, aussi, "Lituya". Comme partout ailleurs chez les _ peuples primitifs, les Tlingit attribuaient 4 la Nature une vie spirituelle et ainsi pouvaient rendre compte de nombreux mystéres qui entouraient leur existence. A leurs yeux, le glacier était l'enfant des montagnes, né dans des régions aux neiges éternelles. Quand le soleil jette son regard destructeur sur le glacier, les parents prélévent des rocs sur leurs pentes et les éparpillent 4 sa surface pour le protéger. Un jour, ils virent les esprits guerriers 4 l’aurore scintillante jouer dans les cieux les plus hauts. Quand la nature était bien disposée, l’esprit de l’arbre et le roc étendaient leur ombre sur les eaux tranquilles. La légende de Lituya parle aussi d’un monstre vivant dans les profondeurs et habitant les cavernes de l’océan non loin de l’entrée de la baie. On le connait sous le nom de Kah Lituya, "L"homme de Lituya". Il déteste toute incursion dans son domaine. Ceux qu’il attrape deviennent ses esclaves et se transforment en ours qui, du haut de leur observatoire sur les chaines élevées du Mont Fairweather, annoncent l’approche des canots et, avec Vaide de leur maitre, empoignent la surface des eaux et lagitent telle un drap en faisant monter les vagues de la marée, engouffrant ainsi les imprudents. On peut voir combien ce phénoméne avait quelque chose de séduisant aux yeux des Tlingit pour qui la seule mort redoutable était celle par noyade. La fin, qui pouvait survenir de n’importe quelle autre maniére, était acceptée sans broncher par 1|’Indien Tlingit, avec une parfaite résignation. Mais sa croyance fruste en une vie future, tiéde et agréable, requérait que son corps soit incinéré; alors que si perdu dans les flots, l’esprit de l’Indien Tlingit demeurait 4 jamais sous la sujétion de quelque esprit malfaisant. N * Liauteur se référe ici A au Port des Francais (Note du trad.) 4 Cette légende de Lituya est illustrée par une pipe en bois sculpté (voir fig.1) ’ de belles proportions, qui fut obtenue en 1888 du chef de la famille Tuck-tane-ton de Hoon-ah Kow. Celui-ci affirmait que cette baie se trouvait sur son terrain de chasse héréditaire. L’objet en question n’était utilisé qu’a Voccasion de cérémonies particuliéres - au cours de réunions du clan en l’honneur des morts ou lors de la discussion d’importantes questions d’intérét public. L’une des extrémités montre une figure en forme de grenouille aux yeux incrustés de coquille d’aliotis représentant l’Esprit de Lituya. A l’autre extrémité se trouve Tours esclave assis ‘sur son arriére-train. Ensemble, ces motifs tiennent l’entrée de la baie. Les deux crétes couvertes de cuivre sont les vagues qu’ils viennent de créer et sous.lesquelles se trouve un canot en cuivre et deux occupants qui viennent d’étre engouffrés dans les profondeurs. Quand en 1786 Pérouse * se trouva, au cours de sa reconnaissance de la céte Nord Ouest, au Sud-Ouest de la baie de Bering, dans les parages du Mont Fairweather, il rapporta Vexistence d’un chenal s’ouvrant sur la cdte. Ses bateaux remontérent celui-ci et La Pérouse qualifia le le navigateur francais La site comme mouillage possible. Le lendemain, alors qu’il venait 4 peine de s’approcher de l’entrée de la baie, le vent se leva et en dépit du fait qu’il ralinguat 7 Illustration reproduite avec l’aimable autorisation de M. George G. Heye; la pipe fait partie de sa collection. * Tl faut lire Frangois Galaup de Lapérouse et non La Pérouse. Cette convention d’écriture a été adoptée par lAssociation Lapérouse conformément a la maniére d’écrire de Lapérouse lui-méme. Le Chronographe Printemps-Eté 1987 Volume IV:1-2