T.e Moustiaue ! ... Pacifiaue

ressemblons le plus aux étres que nous traitons
d'inférieurs ?

— Ma foi, parce que l’on mange, boit et dort
comme eux.

— Non! Ce nest pas ce a quoi je pense. En tant
qu’humains, on est arrivé a une sophistication
certaine en ce qui regarde le boire et le manger.
Quant a dormir, il suffit d’essayer certains de ces
lits réputés orthopédiques que |’on trouve sur le
marché, des lits a dégodter les Japonais de leur
propre culture.

-— En ce que nous ayons des organisations
sociales trés développées ?

— Les animaux peuvent avoir des sociétés trés
complexes, certaines parfois poussées a des
extremes qui ne nous conviendraient pas;
pensez aux abeilles ou aux termites par
exemple. Non, non, ce a quoi je me référe c’est
ce que jappelle l’'antagonisme bipolaire des
nécessités.

— Diable! Voila une expression qui ne va pas
vous concilier les gens de tout a I’heure.

Le serveur, qui nous apporte avec
inquiétude le second cognac, nest pas
davantage rassuré par ce qu’il entend. ;

— Croyez-moi, c’est simple au contraire.
Prenez un lapin dans son terrier: s'il est trop
courageux, il se fait manger par le renard ; s'il se
terre, il mourra d’inanition. Nous sommes tous
confrontés, en permanence, a un_ choix
impossible ot deux attitudes sont inévitables et
cependant incompatibles. Le lapin doit étre a la
fois assez fou pour prendre le risque de sortir et
assez raisonnable pour ne pas le faire. Si vous
voulez percer dans votre métier, il y a tellement
d’obstacles difficiles a franchir qu’il vous faut une
foi totale et absolue. Si vous avez cette
conviction inconditionnelle, vous percerez, pour
autant que vos choix soient judicieux. Mais,
alors, comment en juger si vous n’avez pas
esprit critique, ce que vous interdisent vos
certitude et totale confiance en vous.

— Autrement dit, il nous faut choisir entre ne

rien faire et étre sar alors de n’en rien tirer ou
foncer et compter sur la chance pour aboutir.

— C’est un peu cela, oui ! La vie est une loterie
ou l’on peut tout perdre, quoi qu’on fasse.

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Volume 7 - 5e Edition

ISSN 1704-9970 Mai 2004

— Un comportement intermédiaire n’est pas
possible ?

— Nous nous y essayons tous, mais toujours
avec des résultats médiocres. C’est comme les
partis du centre en politique, ils ne font que
rarement de grosses bétises, mais ne réalisent
pas davantage de grandes choses. Ce sont les
extrémistes, les révolutionnaires qui provoquent
les catastrophes les plus effroyables, mais qui
aussi, parfois, changent le monde.

— Soit! Mais alors, quel est le rapport avec ce
qui vous est arrive? Ce conducteur s'est
comporté avec vous comme un animal, j’en
conviens, mais plut6t que de philosopher, ne
vaudrait-il pas mieux de porter plainte ?

Ce téte-a-téte que je révais d’avoir tout a l'heure
avec cet homme_ impressionnant, je ne
l'imaginais pas tourner de la sorte. J’aurais sans
doute mieux fait de l’emmener a Ihdpital et
demander aux médecins de vérifier si ce coup a
la téte ne lui a pas ébranleé la cervelle.

— Par pusillanimité, beaucoup renoncent
avant méme le combat et c’est I’échec assuré,
car pour les animaux comme pour les humains,
ne pas avancer, c’est toujours reculer. Par
contre, pour réussir, l’'audace, ce comportement
en quelque sorte extrémiste, est naturellement
choisie. C’est le « Sans risque on n’a rien » des
croyances populaires.

— Il est difficile pour la plus grande majorité des
gens -d’étre a la fois fonceurs et réfléchis, si je
comprends bien, et, cependant, c’est ce qui’il
faudrait, n’est-ce pas ?

Un peu de sang lui coule du nez alors qu’a
présent, il a le visage completement tuméfié et
violacé, mais il en est pas moins complétement
emporté par son sujet. L’alcool doit sans doute
endormir la douleur sans trop affecter ces
facultés de langage. Je comprends a présent
pourquoi la philosophie n’a pas grande presse
auprés du public: il en faut des phrases pour
expliquer un coup de poing !

— Maintenant, savez-vous en quoi,
ressembions le moins aux animaux ?
—Euh!...

— Il me semble que vous lachez pied. Un petit
cognac ? (a suivre)

Jack Blacke

nous