ee en waveiee VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 14 juillet 1989-- 17 Récit d’un tour du monde. Caen, «cité bénédictine» Par Jean-Claude Boyer Caen*, 0. de la France), préfecturé du Calvados, au confluent del’Orneet del’Odon. Matin du. 30 aodt 1984. En arrivant alagare, jem’étonne du tarif des consignes automati- ques: 8 francs (1$) pour 24 heures, alors que celles de Cherbourg (d’ow' je viens) ne Codtent que 3 francs pour 5 jours! ll n'y en a plus de disponible. Je vais porter mon Sac ados al’AJ. Le soleil brille, glorieux, et je suis de joyeuse humeur. A la petite auberge de Caen, comme a celle de Cherbourg, il ne reste plus de carte de membre pour les «plus Agés» ; On miaccepte donc encore “comme si j’en avais une. En sortant, j’entends un passant dire €2sa compagne: «Quoi? Tu prends cela pour des _arti- Chauts? Autant prendre mon cul pour une tasse de café!» Pittoresque curieusement pla- cé. Avant de partir ala découverte delaville, jetons un rapide coup d’oeil sur ses origines. Com- ment ne pas sourire en lisant dans un dépliant: «Caen ne remonte qu’au Moyen Age»? J'habite la troisiéme ville du Canada qui n’est méme pas centenaire! Depart et d’autre du chateau (Xle s.) s’élevant au - Coeur de lacité, se dressent les célébres églises (Saint-Etienne et Trinité) des abbayes bénédic- tines fondées au Xle s. par Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde. C’est a la suite d’une levée d’excommunication (le pape s'est opposé a leur Mariage €@ cause de_ leur lointaine parenté) que furent érigés ces prestigieux monu- ments, autour desquels s'est développée la ville. Un mot également sur la bataille de Caen. Le 6 juin 1944 (un mois avant ma naissance), pluie de bombes. La ville prend feu. L'abbatiale Saint-Etienne sert de refuge. Onze jours plus tard, ilne reste plus rien des quartiers centraux. Heureusement, les plus beaux vestiges du passé sont en partie épargnés. Avant de me rendre aux abbayes, je vais visiter |’église Saint-Pierre (Xllles.), que vante mon guide. Conservée au milieu d’un quartier neuf, cette église a l’air d’un énorme bijou démodé. Elle fut grandement favorisée par les libéralités de riches bourgeois. Ornementation luxueuse. Son imposant clo- cher (78m), édifié en 1308, a été abattu au cours de la bataille de Caen, mais il a bien fallu le reconstruire, lui, le «roi des. clochers normands». Porche flamboyant sans rosace. Abside remarquable par la richesse de son décor Renaissance: pina- cles en chandeliers, vases, balustrades aux opulents rin- ceaux, pilastres sculptés. Su- perbe harmonie des formes! L’intérieur est tres composite. Simples croisées d’ogives. Le déambulatoire abonde en sculp- tures flamboyantes. Certains chapiteaux présentent des scénes tirées des bestiaires de l’€poque et des romans de chevalerie. Le Phénix au milieu des flammes, Samson brisant la machoire du _ lion, Virgile suspendu dans son panier, Lancelot et sa dame, la licorne poursuivie par des chasseurs... Une scéne me frappe plus que les autres: un pélican se déchire la poitrine de son bec pour nourrir ses petits. J’y pense, ce symbole de |’Amour divin décorait un autel de la cathédrale (aujourd'hui incen- diée) de Mont-Laurier (Québec) - maville natale. Une énorme clef pendante, au centre du choeur, contient une statue de saint Pierre. J’admire une frise de style gothique flamboyant au décor exubérant et délicat de fleurs et de feuillages. Chaque chapelle posséde une vodte trés ouvragée ; leurs clefs pendantes donnent I’impression de vérita- bles stalactites. En quittant ce lieu vénérable, je tente de régler tout de suite un vulgaire probleme de toilette: je dois me procurer un petit transformateur qui me permettrait d’utiliser mon rasoir sur le courant 220. (Je réaliserai beaucoup plus tard que mon appareil peut fonctionner sur les deux courants!)Je tiens Aen trouver un avant mon départ pour l'lrlande - ce soir. Démarches infructueuses. On m’assure que tel magasin spécialisé, loin du centre-ville, en vend. Je m’y rends en auto-stop. Peine perdue. Retour avec un «p'tit vieux» qui ressemble étrangement & mon oncle Baptiste (un original fanatique de la race chevaline). ll ala gentillesse de m’offrir un tour de ville. En vrac: places Guillouard, de la Résistance (statue de Jeanne d’Arc), de la République; avenue du 6 juin, boulevard du Maréchal Leclerc, secteur pié- tonnier; bassins Saint-Pierre (au port); four crénelée Le Roy, vieilles maisons & pans de bois... Mon Caennais se montre enjoué et intarissable. Je descends finalement devant l'un des deux grands ensembles architecturaux qui font |'orgueil de Caen: |’Abbaye aux Hom- mes. Mille mercis. Quelle amabilité! On dit que l’art roman a produit peu d’oeuvres plus saisissantes que la sobre fagade de l’abbatiale Saint- Etienne - commencée en 1066. Pas de porches ciselés, pas de rosaces. Un simple mur-pignon soutenu. par quatre puissants contreforts. Cette austérité est cependant corrigée par le magnifique envol des deux tours gothiques, étroites et hautes, agrémentées de cloche- tons. Je circule autour de téglise et des batiments conventuels, qui abritent au- jourd’hui. le lycée Malherbe: styles différents, abside im- pressionnante, jardins a la frangaise. Pénétrons maintenant dans V'immense nef romane. Large, haute et bien éclairée, mais trés peu omée. Chapiteaux a crochets. et a feuillages. Une _dardin public. belle grille en fer forgé entoure le choeur. Devant le maitre- autel: pierre tombale de Guillaume le Conquérant. Stal- les, orgues, horloge, monu- mental chandelier pascal. Bien! Je me rends ensuite au chateau fort (1060), construit lui aussi par Guillaume le Conqué- rant. Cette. vaste citadelle établie sur une butte a été trés endommagée au cours des opérations de 1944. Elle a été aujourd’hui dégagée et remar- quablement mise en valeur. Les puissantes murailles ont retrou- vé, dit-on, leur allure primitive. Les deux portes d’entrée sont encore précédées de leurs barbacanes (dréle de mot désignant une ouverture pour tirer a couvert). Jolies vues sur Saint-Pierre et lapartie Ouest de la ville jusqu’a |’Abbaye aux Hommes. Que de clochers! A l'intérieur de l’enceinte, grand Suit une promenade jusqu’a la Trinité de |’Abbaye aux Dames (le pendant de |’Abbaye aux Hommes), fondée par la reine Mathilde. Edifice roman aux formes massives, flanqué de deux tours décorées de colon- nettes. Belle abside a quatre étages. En entrant, je me joins discrétement a& un groupe guide. Large nef a neuf travées. Au centre du choeur: mausolée de la reine Mathilde. Je miattarde, téte levée, devant les chapiteaux historiés de |’absi- de: éléphant, oiseaux affron-|O £ tés... La guide emploie un mot nouveau: vodte en «cul-de- fourm, formée d'une demi- coupole. Je renonce aux descriptions détaillées. Disons simplement que je suis «envod-; té». En descendant dans la crypte, on nous prévient de baisser la téte. «Les construc- tions abbatiales, ajoute la guide a la fin de la visite, sont occupées par un hépital.» Elle conclut en faisant remarquer que «/es deux ensembles d'architecture monastique_ té- moignent de la prospérité de l'Etat normand sous Guillaume le Conquérant autant que de la puissance de |'Eglise a cette époque». Je retourne a l’auberge, la téte farcie, heureux de pouvoir enfin me reposer. Il s’en faut de peu que je ne souffre d'une «architecturite». Au souper, appétit féroce. Je me couche t6t, ce soir-la, comme pour imiter la vie bénédictine. Salve, Regina. Le lendemain, dernier jour d’aodt. J’ai fait le tour du cadran! Merci, mon Dieu. Une autre douche glacée me réveille, comme aCherbourg. Retourala gare. Jeme surprends a essayer d'imaginer le nombre de «retours» (gare, aéroport, termi- nus de bus, port, auberge, hétel...) que je vivrai d'ici le retour final a Vancouver, dans un an. Plusieurs centaines, sans doute. Avant de partir, ajoutons quelques faits dignes d’intérét. Caen est la patrie de Malherbe. Son université (1432) est |’une .des plus anciennes de France. Industrie et culture florissantes. Maisons construites en «pierre de Caen»; elles contribuent au visage avenant de la ville. Le sol, en effet, donne des pierres blanches trés renommées, qui servirent ala construction de la Tour de Londres et des cathédrales de Canterbury et de Cologne. Illustres vestiges, espaces verts et réalisations modernes, voila l'image que je garde de Caen. Bréve attente du train pour Paris (225 km). Voyage sans histoire. Arrivé dans la_ capitale frangaise, long trajet en métro jusqu’a Picpus, a proximité de l’Ecole Saint-Michel-de-Picpus ou les Fréres de Sainte-Croix (mon ancienne communauté) ont “gentiment accepté de mettre une chambre a ma disposition au cours de mes trois mois en Europe. Je perds temps et énergie a chercher l’école sur Saint-Michel alors qu’elle est sur Picpus. Je sonne au 47. Le supérieur, Francis Lebeltel (un Breton avec qui j'ai vécu une année de formation a Montréal), n’y est pas. Par ailleurs, j’apprends avec surpri- se qu’lrénée d'Amour, un frére québécois que j’ai également connu, réside maintenant a Picpus, mais il n'y est pas non plus. Je laisse donc a la réception, avec deux sacs d’effets personnels qui ne me seront pas utiles en Irlande, un mot enthousiaste a |’intention de Francis et d’lrénée. Et me voila en route, pour ainsi dire, vers Le Havre ou je prendrai le bateau. Parvenu ala gare Saint-Lazare bien avant l’heure, je vais jusqu’au Printemps. pour tenter de me dénicher un_ petit transformateur que je finis par trouver. Cette séance de magasinage m’a permis de constater jusqu’a quel point les vacances d’été sont bénéfiques aux Parisiens; je les trouvais combien nerveux et «fendants» lors de mon premier séjour au printemps de 1979. Et hop!, en train, direction de la verte Irlande. N’attendez pas la derniére minute. pour renouveler votre abonnement. Faites-le dés maintenant! V6A 2W3 LE SOLEIL DE COLOMBIE 980 RUE MAIN VANCOUVER, C.B. > : ETATS-UNIS 3, CANADA 1. LAméricain moyen donne trois fois plus aux Oeuvres de charité que le Canadien pas parce qu il gagne mieux sa vie. . moyen : le saviez-vous? Et ce n'est A vous de donner. [EN BREF... Le Western Canada Wilder- ness Committee (WCWC) lance une campagne de protection de la vallée de Carmanah, qui s’étend sur 6.700 hectares au sud-ouest de |'ile de Vancouver. Les environnementalistes souhaitent protéger |’écosysté- me de foréts de pluie qu’abritela vallée des entreprises de Mac Millan Bloedel. L’entreprise forestiére, préte a préserver la zone ol poussent des arbres plusieurs fois centenaires, souhaite cependant exploiter les: ressources de la vallée. Elle a déposé une demande auprés du Ministére provincial des Foréts, qui réserve sa réponse pour |l'instant. Le k WCWC fait pression sur les _autorités compétentes, afin que l'intégralité du site soit préser- vé. Les arbres centenaires, dont «le Géant de Carmanah», considéré comme le plus grand arbre connu au Canada (97 métres), dépendent des foréts de pluie environnantes. Selon le WCWGC, I’exploitation forestiére de la vallée mettrait en péril l’équilibre naturel, accentuant notamment |’érosion des sols, ce qui serait fatal aux vieux et grands arbres, a long terme. N’ayant pas trouvé le gouverne- ment provincial assez ouvert a ces préoccupations, le WCWC cherche a attirer |'attention du gouvernement fédéral. C'est pourquoi il suggére aux citoyens soucieux de leur environnement d’écrire directe- ment au Premier Ministre Mulroney ou a Lucien Bou- chard, ou encore au niveau provincial a Bill Vander Zalm.