Le Moustique Volume 4 - 12° Edition ISSN 1496-8304 Décembre 2001 gravade, bravoure et bavardage.,. Des plages de sable blanc succédent aux rocheux estrans ; emportés par notre 4lan, nous filons comme le vent. Au détour d’une large baie, un fin filet d’eau érugineux s’échappe de la forét comme un suintement organique. C’est le ruisseau Kalide. Naguere, un village de pécheurs Pacheenahts, aux longues baraques de planches, existait 4 cet emplacement. J’essaie d’imaginer ?'alignement de leurs canoés colorés, les gens, habillées de leurs amples vétement tressés dans |’écorce des thuyas et coiffés de leurs chefs coniques en laiche nattée. Il n'y a pas si longtemps, on utilisait la laiche de nos marais pour nouer la paillasse des chaises. On ne voit plus de ces chaises. Du village, il ne reste rien non plus. Et la cote est déserte. Mais pas pour bien longtemps. Aprés deux kilométres d’une marche rapide, on tombe sur un important campement. Aussitét, on ralentit le pas car, la, au milieu des campeurs, parlant, gesticulant, plein de verve endiablée, on reconnait le guide aux mollets carrés. Aussit6t, on se courbe, on se fait aussi petits que les moins hautes des tentes ; presque a croupetons, on se méle a la foule. Avec une voix que la sangle de son sac rend rauque, tellement ma fille s’écrase pour disparaitre dans le sol, elle me crache : « II n’est pas question qu’on loge ici ce soir ! Il est loin le prochain camp ? » A voix basse, alors qu’il y a assez de bruit dans le camp pour ne pas entendre le grognement forcené d’un grizzli, je lui réponds : « Il en a bien un, mais c’est a plus de deux kilometres d'ici. » - Allons-y, me dit-elle. Le courage n’est jamais qu’une question de motivation. Alors que l’'avance pénible dans le sable et la chaleur de la journée l’ont épuisée, j’aurais dit vingt kilometres que ma fille aurait montré le méme enthousiasme. Toujours penchés en avant, on se faufile entre les tentes. C’est que la plage est coupée au nord par une masse rocheuse et qu’un sentier large et tres confortable se découpe a l’orée de la forét. N’importe quel chemin conviendra, le tout est de passer inapercu. Sans encombre, on rejoint le couvert et l'on emprunte le sentier vers le nord. Au bout d’une centaine de métres, il disparait brutalement. Tous les petits chemins adjacents donnent sur des toilettes. - On est dans les communs, dis-je, contrarié. Peut-étre le sentier est-il plus a l’intérieur de la forét. On emprunte chacune des voies latérales, sans succés. On aura visite toutes les facilites du camp ! On file a l'autre bout du sentier ; il s’arréte a une étroite riviére. C’est la salle de bain ! Aprés avoir couru, toujours courbés, dans les deux sens et a plusieurs reprises, force nous est de constater qu’on ne trouve pas la sortie du camp. Je me retiens de dire qu’il nous faudrait un guide pour nous diriger car j’imagine ma fille manquer totalement la subtilité du trait. Je me résous a aller aux renseignements. Je n’ai pas besoin d’inciter ma fille A rester cachée dans les broussailles. Tout en surveillant le guide du coin de |’osil et toujours penché en avant, je m’approche prudemment d’un couple de campeurs un peu plus &gés. Je demande au monsieur s'il peut m’indiquer le chemin pour Carmanah.