“C’est quand on doit partir vite qu’on apprecie le mieux la commodite d’Air Canada” Vous est-il arrivé déja de devoir prendre Vavion a toute vitesse? Faites-en ’expérience! Et vous apprécierez alors les multiples commodités d’Air Canada: yy, billets Express, service de réservation permanent, personnel dévoue. inutile pour cela de devenir com- mentateur sportif. Les hommes d’affaires qui voyagent au Canada, comme moi, en savent quelque chose. Ony va? Ony va! ae Mao & be hee AIR CANADA (*) LE GODFATHE Une étrange mythologie s'est greffée autour de la mafia; mythologie principalement ali- mentée par les sporadiques irruptions de violence dont elle est a l’origine depuis nee décennies aux: Etats-Unis Mais de 1a a savoir ce qu’est exactement cette mafia une fois débarassée de toutes les légendes. il y a tout un nonde. Pour le grand public, c'est un milieu secret et fermé, d’au- tant plus terrifiant qu’on igno- re 'exacte étendue de son in- fluence et-de son champ d’ac- tion. Par le biais de la corrup- tion, elle contrdélerait _politi- ciens et hommes d'affaires, c’est un Etat dans I'Etat. vous dira-t-on. et cela ne surprend pas. Mais si l’on devine aisé ment par quels processus elle arrive a survivre a ses ‘‘cri- mes’, si on a tot fait de la considérer comme une ex- croissance démoniaque d'un certain tempérament sicilien, on s'est rarement interrogé sur les raisons sociales de ce phénomeéne en terre ameéricai- ne. Car la Mafia, c'est qu’en méme autre chose qu'un ra- massis de vulgaires truands;, c’est quelque chose de plus. Or, c’est précisément ce quelque chose de plus que nous montre |'extraordinaire film de Francis Ford Coppola, tiré du livre de Mario Puzo, **The Godfather’. Je dis extraordi- naire parce que ce film s'est voulu avant tout ‘‘commercial’”’ (et il fait actuellement telle- ment d’argent qu’on le consi- dére comme un “phénoméne” ~ dans l'histoire du cinéma), qu’il a su l’étre de facon magistra- le sans pour autant faire au- cune concession au goit du jour, je veux dire a la violence. Car ce que nous fait découvrir le film, en délaissant précisé ment. |’élément spectaculaire de la violence, c’est cette sous- culture ethnique dont le cdté ‘mafia’ n’est finalement que l’expression la plus tangible. Comme toile de fond au film, on retrouvera naturellement cette rivalité entre les diffé rentes *‘familles’’; rivalité qui finira inéluctablement par dé boucher sur ces implacables - réglements de compte qui ne manquent jamais de faire la manchette des journaux. Mais a la différence des films de truands qui nous font revivre inlassablement les tueries des années trente et quarante, “The Godfather’ s’emploiera avant tout a nous faire décou- vrir un milieu. Et ce milieu, aussi surprenant que cela puis- se paraitre, il finira par vous coller a la peau, tant 1’obser- vation de Francis Ford Coppo- la se révele minutieuse et jus- te. Le ton du film est d’ailleurs admirablement rendu des les remiéres séquences durant fesqelles on fera connaissance avec la ‘famille’ de Don Vito Corleone. Et quand je parle de famille, il ne s’agit pas d'une quelconque métaphore mais bien de ce noyau central que constituent pére, mére et en- fants, et autour duquel -gravi- teront les ‘‘amis’’. On les verra donc vivre une vie étrangement calme, sans éclat, repliée sur eux-mé- mes par la force des choses, et uniquement réglée par les “affaires’’. Que vient faire la Mafia. la-dedans en’ arrive-t- on a se demander? Comment a-t-elle bien pu prendre nais- sance? C’est alors. que vous revient A la mémoire la toute premiére séquence, extraor- dinaire d’efficacité. La camé- ra effectue -um - remarquable zoom out qui vous laisse len- tement entrevoir, a travers l’épaisse pénombre, le visage de celui qui est venu, en dé sespoir de cause, demander au “parrain” de faire justice. C’est le drame sicilien qui a voulu jouer le grand jeu du ré- ve américain, parce qu’il croit en |’Amérique, mais qui s’est vu brusquement confronter a des traditions qu’il ne recon- nait plus. Il n’y a pas de Jus- tice aux Etats-Unis, vous di- ra-t-il, et les agresseurs de sa fille molestée sont donc restés impunis. La Justice, s’apercoit-il, on la rend soi- meme; a Don Corleone de jouer son role de parrain, Marlon Brando dans le réle du parrain de justicier. C’est la le dra- me qu’exprime Cette sous-cul- ture ethnique. Mais de~quoi est-elle faite? Le reste du film s’emploiera 4 nous le montrer. Au centre, donc, il y a Don Vito Corleone. Vous vous at- tendiez a trouver un homme flamboyant, impulsif; i] vous apparaitra comme wn bon vieux grand-pere, a la voix cassée et faible. fi faut saluer le jeu de Marion Brando qui a su creer icl un personnage absolument extraordinaire dont la puissance, toute in- tériorisée, perce néanmoins a chacun de ses gestes, 4 cha- cune de ses paroles. Un Don Corleone que |’on verra vieil- lir sur l’écran; un Don Cor- leone que l'on sentira meurtri dans sa chair par les balles rivales. Mais Don Corleone n’occupe- ra finalement que tres rare- ment le devant de la scéne; Sa présence ne se fera pas moins constamment sentir. Car autour de lui, il y a tout un petit monde qui évolue. et dont il tire les ficelles. Un monde divisé en deux: celui des affaires qui se réfugie derriere les stores tirés des bureaux, et celui de la famil- le, des femmes et des enfants, monde a part. tenu a |'écart de la vie des hommes, et ja- lousement protégé de |’exté- rieur. Et c’est ainsi que pendant les premiéres séquences on évoluera constamment de I’un a l’autre, de la pénombre a l’aveuglante clarté du jour, des discussions d’affaires a la réception, toute italienne, don- née en l’honneur du mariage de la fille de Corleoné. Un monde surprenant, que 1|’on apprend a connaitre de Vin- terieur; un monde qui nous est décrit sans animosité, mais aussi débarassé de tout folklore. : Ce que l’on découvre alors, c’est un milieu qui discute af- faires avec le meme sens pra- tique de l’efficacité qu’on le ferait, disons, dans les bureaux de la rue St-Jacques. Tout y est réglé avec minutie et rapi- dité; les faux-pas et les indé- cisions étant toujours fatales. Les impulsions, I’exhibition- nisme ne sont pas tolérés. (Suite page 2) LE SOLEIL, 14 AVRIL 1972, XIII hr