Novembre 1966 Colloque du XXIIe Congrés L’APPEL page 5 QUELLE EST LA LANGUE MATERNELLE DE NOS ENFANTS ? C’est la question inquiétante qui fut posée au terme de la séance d’études du XXIIe Con- erés général de la Fédération Canadienne fran- caise de la Colombie-Britannique. M. Jean-Paul Vinay, linguiste de réputa- tion internationale, maintenant attaché a la Faculté des langues de l’Université de Victo- ria, répondit 4 cette question de la fagon sui- vante: “La langue maternelle des enfants des familles de langue franeaise sera décidée par les parents eux-mémes.” Réponse logique et bruta- le tout 4 la fois, mais si juste. M. Vinay avait fait ressortir de son exposé une conclusion scientifiquement acceptée qui est la suivante: Un enfant qui, a l’age de deux ans, n’utilise pas encore la parole pour commu- niquer ne parlera jamais; la structure de la langue maternelle doit étre fixée avant l’Age critique de neuf ans; dans ce cas Venfant ne Voubliera jamais; et, pour qu’une langue se- conde soit vraiment efficace, il faut qu'elle soit apprise avant l’dge de 14 ans. Toute lan- gue apprise aprés cet age trahira l’origine de celui qui la parle. Le conférencier précisa bien, dés le départ, qu’il ne prétendait pas vouloir donner des so- lutions aux problémes particuliers 4 la Colom- bie-Britannique qu’il connait 4 peine. Mais, les principes généraux qu'il invoqua et les exem- ples qu’il souligna 4 propos d’autres pays bi- lingues sont trés riches de matiére a réflexion. Comme il en a été question plus haut, le congrés s’est inquiété surtout de certains com- plexes des Canadiens frang¢ais qui vivent dans les provinces a influence anglaise prédominan- te. On a été porté a se demander si vraiment Vécole francaise aura comme role unique de fixer les structures de la langue des Cana- diens francais ou, si elle ne devra pas, en plus, la faire apprendre 4 des enfants qui n’ont pas eu la préparation que doit donner le foyer. Il y a aussi cette réaction ambivalente de parents qui appartiennent 4 la quatriéme caté- gorie de personnes. Celle qui a appris une lan- gue aprés l’Age de 14 ans et qui ne l’a jamais maitrisée. Ce complexe mériterait, 4 lui seul, toute une étude. Il est peut-étre responsable de la plus grande proportion de nos pertes. Com- bien de parents nous arrivent de milieux fran- cophones et adoptent immédiatement l’anglais comme langue du foyer, avec le seul prétexte que les enfants doivent apprendre l’anglais au plus vite? La triste conséquence en est que ces enfants perdent rapidement leur langue ma- ternelle et peuvent montrer l’anglais a leurs parents avant trois mois. Quand le moment semble étre venu de retourner en arriére il est trop tard. Une autre attitude de plusieurs des ndtres est contredite par le raisonnement de Mon- sieur Vinay. C’est la suivante: la langue uni- versellement utilisée en Colombie Britannique étant anglais, 4 quoi servirait-il d’insister sur une école dont la langue d’enseignement serait francaise puisque enfant sera appelé a ga- ener sa vie en anglais? Dréle de raisonnement qui dénote des horizons bien limités; mais, il faut en tenir compte. Pourtant, le conféren- cier a donné un exemple de motivation bien concret, c’est celui des positions dans le ser- vice civil fédéral. La grande majorité des bi- lingues qui sont embauchés sont des Canadiens francais de VOuest qui ont étudié dans les deux langues. Il semble qu’entre le choix de posséder une instruction dans une seule lan- gue ou d’en posséder une égale dans les deux langues officielles du pays, il n’y a pas d’hési- tation. Voila un autre point qui a été éclairci du- rant le colloque et que nous n’éluciderons ja- mais suffisamment. Quand il est question d’éco- coles oti la langue d’enseignement serait fran- caise, il ne faudrait pas conclure qu’elle sera le réplica exact d’une école de France ou du Québec. C’est une école qui assurera la maitrise de la langue francaise avant l’Age de dix ans, mais qui ne négligera pas pour autant de pré- parer adéquatement les éléves en anglais. Ce ne sera d’ailleurs pas difficile puisqu’il ne restera qu’a ajouter la partie écrite, l’oral étant déja acquis. Mais, 4 qui revient la décision? Comme le dit M. Vinay e’est 4 nous. La plupart des con- gressistes approuvent sans réserve le princi- pe de lV’école francaise. Mais, la longue tradi- tion d’infériorité qui a été infligée 4 un peu- ple conquis n’a pas été sans élever deg barrié- res psychologiques que nous devrons faire tomber. La tache est lourde mais le défi vaut la peine d’étre relevé. Hotel ROGER Ltée. Hastings et Carrall VANCOUVER 4 Tel: MU1-5948 Taux raisonnables “Ici on parle francais”