page 12 L’APPEL Juin 1967 Nos badauds se rencontrent encore une fois —Tiens, bonjour! Ca va toujours? —J....! C’est une surprise. Il y a déja des mois que je ne t’ai revu. Ca va, moi; et toi? —Bien, merci. Il y a du changement depuis la derniére fois! Nous nous rencontrions sous la pluie d’hiver et aujourd’hui, tout est fleuri, le soleil est radieux et le printemps est déci- dément installé. —TII est vrai qwil ne perce pas souvent, le soleil, durant notre mousson. C’est peut-étre pour cette raison que la nature est si gale quand il fait son apparition. As-tu bien des projets pour l’été? —J’avais envie d’aller 4 l’Expo. . . Tout le monde semble s’étre donné rendez-vous 1a-bas. —Une chance quwil y a l’Expo! —Comment ¢a? —CA va remplacer les fétes du Centenaire! —L’Expo, ce n’est pas pour célébrer le Cen- tenaire ! —Je le sais, mais bientét personne ne le saura plus. —vVoyons, personne ne le saura plus. . . Tout le monde sait bien qu’il s’agit d’une exposition universelle. Les pays qui participent ne sont pas venus au Canada pour célébrer un cente- naire! —Observe un peu la publicité... Est-ce qu’on n’appelle pas Expo l’événement prin- cipal de l’année du Centenaire? Un événement qui, ouvertement, était boudé jusqu’a récem- ment comme tout événement qui porte la signa- ture: inventé 4 Montréal; n’est-il pas, main- tenant, & cause de son succés, le GRAND SPECTACLE CANADIEN? —Qu’est-ce qu'il y a de mal la-dedans? Ce serait bien la premiére fois que toute la popu- lation se serait ralliée autour d’un seul point. Méme au sujet du hockey nous sommes divisés entre Montréal, Toronto et nos clubs qui por- tent pavillon américain. —Ne me parle pas trop du Hockey. C’est devenu le symbole du continentalisme et l’i- mage de ce que l’on pourra devenir si nos apétres d’un marché commun avec les Etats- Unis triomphent: 2 contre 10. —Pour revenir au Centenaire, tu n’as pas Vair enthousiaste! —Oh! moi, cd ne m’inspire pas beaucoup... Et puis, je n’ai pas ’impression d’étre le seul; méme les comités, chargés d’organiser les fétes ne semblent pas trop savoir ce que ¢a signifie. Tu as eu connaissance des paroles du maire Campbell, de Vancouver, 4 ce sujet? —Il a raison, si ce comité avait pour fone- tion d’organiser la féte c’était a lui de le faire. —tha féte? La féte de quoi? C’est 1a tout le probléme. Une féte e’est spontané. Ce n’est pas quelque chose que l’on décréte, comme ¢a, a grand renfort de publicité. Il y a cent ans que l’on vit sous un régime confédéral; et puis aprés ... Sais-tu qu’il y a autant d’interpré- tations du mot confédération qu’il y a de pro- vinces et de territoires au pays? Cent ans, ¢a doit sonner un peu faux pour des provinces qui auront bientét quatre cents ans. Cent ans, e’est un peu artificiel quand son drapeau a a peine trois ans et que d’un hymne national on n’a guére adopté que la musique. —Tu vas passer pour un séparatiste si tu continue. Tu sais la réputation qu’on a faite au premier ministre Johnson pour avoir dit sensiblement la méme chose. Ceux qui ont accusé Daniel Johnson se posent encore la question: qu’est-ce qu’étre un Canadien? Johnson, lui, ne se la pose pas. C’est ca la différence. A —Toi, te la poses-tu? —Non plus, mon cher. Je serais bien em- bété de me découvrir une autre identité. Trois cents ans de retour en arriére e’est trop loin. —Ne viens pas me dire qu’on ne t’a pas encore recommandé de devenir un Canadien, tout court, sans trait-d’union! lait étre vraiment Canadien pour faire cette —C’est justement ce qui prouve qu'il fallait chercher une identité, nos fenétres s’ouvrent trouvaille de Expo. Quand on a fini de se & Vunivers; avec ou sans trait-d’union. R.P. Nuit d’été A la tombée de la nuit, Alors que l’on croit toute chose endormie, La nature en ce moment souveraine Manifeste la vie qui l’habite. Du haut d’un arbre fier, Un rossignol solitaire Lance son chant nostalgique Dans l’air encore tiéde. Et sa voix perlée, Qui se répand dans la nuit d’été, Semble vouloir se prolonger AN anabitle og A Un concert de grillons indisciplinés Vient s’ajouter avec obstination A la vocalise du virtuose. Les mille petits cris Qui s’élévent de la profondeur des hautes herbes Donnent a la nuit un air de féte. Et je médite sur cet heureux mélange Ow la vie palpite et vibre De concert avec le silence, Le silence d’une nuit d’été. Lucile