8, Le Soleil de Vancouver, 25 mai 1973 | Le Jardin par André CHOLLAT Il était une fois, au temps de la préhistoire, a- lors qu’une végétation luxu- riante recouvrait la plus grande partie des terres, ct que les animaux sauvages é-, taient maftres des terres, des mers et des airs, il était une fois....un homme sage! Mais ce n’est pas un conte de fée, bien que cela ait commencé de la méme maniére. Ce genre d’homme n’é- tait qu’au stade de son appa- rition (@tre bien faible en comparaison de la plupart des animaux qui vivent .au=.; tour de lui). -.-et la loi de 1l’é@poque: MANGER ou ETRE MANGE. Cet homme vit en-_tri- bu: nomade 4 la poursuite du gibier (ou poursuivi, com- me gibier). Pour se proté- ger, il vit dans les caver- nes; pour manger, il chasse, et, étant plus faible ou moins rapide, il développe son ha- bileté et aussi son intelli- gence; .plus «malin, :ilisera done plus fort! Il apprend 4 connaftre les bonnes plan- tes et les mauvaises, soit imitant les animaux ou peut- étre par instinct. Le retour de la chasse n’est pas toujours bon et Qui ne connait pas les ger- mes de féves de soya que Von mange en abondance dans les plats chinois ? On peut, de fait, faire germer et manger toutes sortes de grains: l’alfafa, le blé, Vavoine, l’orge, le millet, le seigle, ect... Mais aussi les graines de soleil, de moutarde, de ra- dis, de tréfle, de féves de lima, de pois chiches, de cresson, eCt... On emploie ces germes frits ou bouillis et ils rem- placent aisément n’importe quel légume dans n’importe quelle recette. Et c’est ex- trémement nourrissant tout en étant trés économique. Faire germer les grai- nes ne demande aucun ma- ie Sh . ANS! bien souvent l’homme est blessé. Il sait se soigner a- vec les plantes et faute de gibier, il mange des raci- nes, des fruits , des baies. (Bien des animaux, de nos jours, l’imitent -en cela).. En raison des mauvais jours ( mauvaise saison ou incapacité de chasser) , il fait provision de fruits et de racines quand il en trouve. Toujours par instinct, com- me le font de nombreux a- nimaux ( écureuil, chien, fourmi), ilenterre sa cueuil- lette pour la garder au frais et la cacher en sécurité. ‘Un: jour; € sa surpri- se , il découvre ses réser- ves changées en plantes; les fruits ont pourri mais les graines ou semences ont germé, les racines ont don- né de nouvelles plantes, a- vec une production nouvelle de racines. : Je n’irai pas jusqu’a dire que ce jour-1a, l‘hom- me ‘‘sage’’ (homo sapiens) était né, mais ce jour-1a, il” y a des milliers d’années de cela, unhomme SAGE appre- nait A imiter la nature, de- venant par ce fait notre an- cétre Jardinier! Bon Naturage. “teriel particulier. Pour qu’- elles germes, il suffit de les placer dans un endroit hu- mide mais pas mouillé. La méthode la plus sim- ple est de remplir au tiers un bocal, puis de le refermer avec un tissu mouillé retenu par un élas- tique. Le pot doit étre gardé al’obscurité, Aa une chaleur de 45 degrés environ. Il est aussi nécessaire de rin- cer les graines en germina- tion pour éviter la forma- tion de moisissures diverses Signalons que les germes contiennent un maximun de vitamines environ entre 60 et 80 heures aprés le dé- but de la germination. semaine derniére, Nous étions arrivés, la 4 Ves- sor fabuleux du livre, gra- ce A l’invention miraculeuse de ce brave Gutenberg. Bi- entot, il y eut dans chaque foyer, au moins un livre, ne fot-ce qu’un livre religieux. Puis la multiplication des livres s’accéléra avec la vulgarisation, la démocra- tisation de l’instruction. Au Québec, le premier journal publié en frangais fut la Ga- zette littéraire de Montréal, qui. parut en1778. L’éditeur en fut Fleury Mesplet. De ses presses , sortit égale- ment le premier livre en francais. Auparavanttousles livres lus au Canada étaient importés de France. La lit- terature francaise eut des débuts difficiles chez nous. Aujourd’hui, on évalue a cing cent mille le nom- bre d’ouvrages qui sont pu- bliés chaque année dans le onde. Ce qui fait environ sept milliards de livres lan- cés sur les marchés, dans les librairies. Prenez enef- fet les librairies. Chaque petite ville, chaque petit vil- lage a sa librairie. Montai- ne, entre parenthéses, par- GS) Shute tam Sie oS eee Se ee ¢ So od | “La _pret jére chose qui frappe le voyageur en arri- vant 4 Istambul, ce sont les minarets. Ils pointent vers le ciel, par groupes, Ou isolés, suivant l’importance des mosquées auxquelles ils ap- partiennent. Certaines en ont plus de cing, comme la Mos-~ quée bleue ou Sainte Sophie. Leur petit diamétre et leur hauteur démesurée les font ressembler 4 des crayons émergeant de 1l’immensité grouillante de la ville. Quel- le animation dans les rues ! Que de gens et quel va-et- vient de véhicules de toute sorte, allant: de la grosse voiture américaine 4 la charrette tirée par un che- val. Le tout dans un con- cert assourdissant de klac- sons et de sirénes de ba- teaux. Car il y ala mer. Elle est présente partout. D’un coté, le Bosphore. Puis la ville di- ” visée en deux par un bras de mer appelé la Corne d’Or, les deux parties étant re- liées par des ponts dont l’un le Galata Bridge est, 4 mon sens, l’endroit le plus vi- vant de la ville. Il d&verse un flot humain vers le Grand Bazar qui vie aussi intensé- ment. La, j’ai pu déguster sur une place ombragée le vrai café turc. Pierre Lotti disait que les plus beaux couchers de so- leil au monde étaient ceux qu’il pouvait voir du petit café qu’il fréquentait A la pointe extréme de la Corne d’Or. Je l’ai vérifié en m’y rendant par un bateau avec des amis, et jen’ai pas été décu. A un certain moment, l’atmosphére apris une tein- te dorée qui semblait se dé- poser sur les parois des toi- tures des maisons, sur les arbres, sur l’eau et, dans le lait de sa librairie. Il vou- lait dire sa bibliothéque. De nos jours, les salles de lec- ture des librairies et cel- les des bibliothéques ne sont jamais désertes. Dans tous les cas, on assiste en ce moment 4 une recrudescence de l’industrie de l’imprime- rie. Les livres de poche ont en effet permis la diffusion a prix modique, de nombreux ouvrages jusqu’a maintenant trop chers pour les petites bourses. Moi, ce que j’aime, c’est le silence de ma chambre et un bon livre. La-dessus je suis intraitable. Fermez- moi-ce téléviseur ‘achalant’. Eloignez les enfants trop bruyants, et fermez-moi les fenétres qui donnent sur la rue, sa pollution par la pous- siére et le bruit. Voila, j’y suis. Commengons la lectu- re. Jusqu’A une heure avan- eée de la nuit, je vais voya- ger. Voyage autour de ma chambre , comme écrivit quelqu’un. Avec un livre d‘ a- venture, un livre d’anticipa- tion, un bon Simenon (hélas, Maigret n’aura plus d’aven- tures, son auteur a pris sa “ UN SOIR A ISTAMBUL . plus parler de peur de rom- pre cet enchantement. C’était émouvant de penser que le celebre auteur de Ra- muntcho, Pécheur d’Islande, mon frére Yves avait vécu la, au début du siécle. Je sentais qu’il allait se passer quelque chose, en ces lieux pleins de souvenirs que nous contemplions. de tous nos yeux. C’est 4 ce moment que le patron du petit bistrot ou nous étions installés nous a appelés pour nous montrer une scéne que je ne suis pas prét d’oublier. I] nous a con- duit dans une cours entouree d’un préau. Sur les cotés la~ téraux du préau, des chaises étaient alignées. Du cOté pan lequel nous rentrions, une estrade attendait des musi- ciens. Et, au fond, tronait un grand lit décoré de guir- landes multicolores, de fleurs, de lumiéres, de ba- niéres et de drapeaux turcs. Un enfant trés pale reposait dans les draps blancs, laté- te appuyée sur un coussin et une jeune femme vétue de noir lui éventait le visage. A gauche’ du lit, une dizaine de femmes d’ages divers, les tantes et les grand’méres é- taient assises les unes 4 cO- té des autres. A droite, c’é- tait le méme nombre d’hom- mes, avec leurs grosses moustaches et leur costume -austére des dimanches. Un homme plus jeune - le pére du petit gargon - s’est ap- proché et nous a souhaité la bienvenue. Il nous a fait comprendre que nous lui fe- rions beaucoup d’honneur si nous voulions assister a la féte qui allait avoir lieu et qui était donnée 4 l’occasion de la circoncision de son fils. Découvrant l’enfant, il nous _a montré avec fierté l’objet . Pelectronique et 4. WEN DEPLAISE A McLUHAN retraite) je me propose de m’évader, de me reposer. Le sommeil, aprés un bon livre, est facilement trouvé. Je ne sais pas si vous 6tes comme moi, mais le livre pour moi, c’est une chose sacrée. J’en suis entouré, ils débordent de partout. Jusque dans ma_ salle de bains. Enfin que faire sans le livre. Quant 4 Monsieur McLu- han, qui prétendit il y a quelques années, fasciné par le jazz- band de l’audio-visuel, que le livre allait laisser la place au message de l’ima- ge moderne, électrifiée et multipliée grace aux techni- ques des média, je pense qu’il n’y a jamais eu au- tant de livres d’imprimés qu’en V’An de Grace 1973. L’année 1972, d’autre part fut la premiere du Livre International, ce qui signi- fie que le livre est en bon- ne santé, il me semble. Ne vous en déplaise, M. McLu- han, nous allons lire, et c’est tant mieux!!! Louis- Paul Béguin. A de l’opération entoure de co- ton taché par le rouge du sang Bien sQr, nous avons accep- té. Les invités sont arrivés, environ une centaine et cha- cun portait un petit cadeau, qu’il déposait sur le lit. Je suis vite allé acheter quel- ques friandises et je les ai ajoutées aux autres pré- sents, ce qui a beaucoup tou- ché nos hdtes. Tout le monde était heureux de nous voir participer a la féte. Il y avait un grand’pere qui ne nous quittait pas des yeux et chaque fois que nous nous re- tournions, il nous Souriaitet nous faisait un signe de téte. Nous étions l’objet de toutes les attentions et l’on nous a méme présenté un jeune homme qui parlait anglais pour que nous puissions mieux communiquer. Puis les hommes seuls ont dansé le folklore. Comme je m’étais assis, aprés de nom- breuses danses, et que je les regardais en spectateur, ils sont venus me demander de me joindre 4eux. Lentement, ils m’ont enseigné les pas, assez simples d’ailleurs, et me voila, pour couronner la soirée, lance dans un cres- cendo de mouvements pour terminer entranspirant par une sorte de sirtaki endiablé. J'ai découvert ce soir laun aspect de la Turquie quim’a permis de comprendre que dans tous les pays du monde on trouve des gens simples, bons, et que le coeur n’apas de frontiere. André Cantié.