P. B _ la disparition du Jean-Claude Arluison Gerry Decario Le choix de Pierre Valliéres Pendant que l’opinion officielle s’obstine a les réduire au rang de simples criminels de droit commun, ceux de_nos compatriotes dont le nom a été associé 4 la violence con- tinuent, comme bien d'autres, a s’in er. Souvent, leur réflexion est rendue plus péné- trante Tacuité des difficultés rencon- trées. I arrive méme que, contredisant les catégories étroites des autorités en place, elle débouche sur des conclusions inattendues. Nos. lecteurs auront pris connaissance, dans Le Devoir d’hier et d’aujourd’hui, du texte trés dense oi Pierre Valliéres explique le cheminement oy la conduit a souhaiter } : LQ. Ce texte est capital: la voie qu’il ouvre bréger le chemin qui reste a parcourir avant que le Québec soit ae fixé sur son destin. Sans préjuger des conclusions que ren- dront les tribunaux dans certaines causes: pencalies, ‘on peut dire, sans exagérer, que ierre Valliéres a été depuis quelques an- nées |’un des principaux avocats de I’action violente dans notre milieu. Méme si sa fiche ne compte qu’une condamnation (d’ailleurs portée en appel) pour crime de droit com- mun, Valliéres, par ses écrits, a été l'un des plus influents inspirateurs de |’action entreprise sous les auspices du FLQ. Valliéres devait, en septembre, se pré senter devant la Cour pour répondre 4 des accusations issues de la crise d’octobre. Au lieu de répondre 3 |’appel, il fit publier un communiqué annoncant qu’il avait décidé de passer dans la clandestinité. A peu prés tout le monde s’attendait, a la suite de cette décision, a ce que Valliéres s’engage définitivement dans la violence. Peu d’esprits résistérent sans doute a 1a tenta- tion de le relier de prés aux nouvelles ma- nifestations de violence qui ont surgi ces derniéres semaines. ' : Or, pendant qu’on le jugeait ainsi, Pierre Valliéres procédait 4 une analyse inapitoyeble de l'action des derniéres années. Coupé de toute publicité, n’ayant pas a se soucier de Yimage que projetterait de lui telle déclara- tion-ou tel comportement, il pouvait, pour la premiére fois depuis longtemps, entre- prendre ‘‘une autocritique radicale, une re- mise en question totale du felquisme, sans émotivité, sans parti pris, sans aucun souci de préserver son image publique, mais plu- tot avec la seule ambition d’étre le plus lucide et le plus objectif possible, le plus honnéte et le plus désintéressé possible’. Le résultat de cette révision est clair, sans équivoque. Ayant jaugé les forces en résence au Québec, ayant sondé oer e pouls de l’opinion, “ayant redécouvert terre ferme’, Valliéres décide “‘de rompre tout lien avec le FLQ ainsi qu’avec le mode d’action politique qu'il incarne’”’. Considé- rant que ‘agitation armée ne peut plus étre, dans le contexte actuel, que ‘‘contre-révolu- tionnaire’, il conclut que le FLQ ‘‘n’a plus aucune raison d’étre aujourd’hui’. Il invite le FLQ “a se saborder comme groupe (s), comme sigle, comme mythe, comme me- nace terroriste, comme théorie et comme pratique’. Nous ayons toujours considéré, au De- voir, que la violence doit étre exclue au Qué- bec aussi longtemps que pourra s’effectuer par la voie démocratique la poursuite d’ob- wee politiques et sociaux compatibles avec le respect de la dignité humaine. Méme si Valliéres entend continuer a promouvoir une. conception du destin québécois qui n’est pas nécessairement la notre, nous nous réjouis- sons de constater qu’il entend désormais le e Soleil, anciennement Le Soleil de Vancouver, fondé en 1968- et L’Appel, fondé en 1965, est un journal indépendant publié chaque semaine par Le Soleil de Colombie Ltée, Case Postale 8190, Bureau L, ecteur-Rédacteur en chef ; cteur administratif : HEBDOS DU CANADA eter Allard rigitte Clerc permettra peut-tre d’a- ~ Vancouver 14, ‘Myriam Bennett Robert Bennett Roger Dufrane A.A. Hards Ladislas Kardos Jennifer Lulham Carmen Primeau Jean Riou ‘Emma Thibodeau faire dans la voie démocratique. Valliéres écrivait déja dans ‘‘Négres blancs d’Amé-. rique’’,.que, ‘‘dans un pays comme le Queée- bec, un permanent clandestin ne peut sub- sister mre sans la complicité du peuple’. L’expérience des quinze derniers mois I’a convaincu que la voie choisie par le FLQ avait déja trop duré: c’est ce que sen- taient aussi de nombreux observateurs. Il faut lui savoir gré de l’avoir dit dans des termes qui ne laissent de place pour aucune ambiguité. e Dans l’immeédiat, la décision de Pierre Vallires posera un probleme aigu 4 deux catégories de personnes:. ceux avec qui ul fut intimement lié ces derniéres années et ceux avec qui il souhaite pouvoir s’associer dans la poursuite de. cette ‘‘libération poli- tique et sociale des Québécois” 4 laquelle il entend continuer d’oeuvrer.’ Méme si le FLQ ne fut jamais, comme le note Valliéres, une organisation vraiment structurée, méme s’il ne fut jamais composé que d’un nombre plutot réduit de cellules assez faiblement équipées, sans liens organi- ques entre elles, sans noyau directeur et sans véritable stratégie, il incarnait dans no- tre milieu une mystique de la violence dont la séduction débordait largement ses effectifs immédiats. Pour un felquiste avoué, il y en avait des douzaines d’autres en puissance. Dans le texte que nous avons publié hier, Valliéres écrit ‘‘qu’il y a beaucoup plus de felquistes qu’il n’en a jamais rencontré’. Cela est profondément vrai. Le FLQ a sé duit beaucoup de ern par le lien immeédiat qu’il établissait entre la pensée et l’action. Autant les actes qui ont amené des dizaines de ses membres devant les tribunaux |’avaient irrémédiablement com- romis aux yeux d’une grande majorité de Québécois, autant ils avaient donné nais- sance, dans certains milieux, 4 un verita- ble culte autour de la personne de leurs auteurs. L’appel de Valliéres suffira-t-il a con- vaincre ces militants et sympathisants du FLQ de la futilité de l’agitation armée? On le souhaite vivement, dans l’intérét supérieur du Québec. Valliéres nous prévient que “per- sonne ne Foie a ni n’a jamais possedé, au sein du FLQ, le moindre pouvoir réel de dé- cision”. Il se pourrait, en conséquence, que son appeal soit rejeté comme étant le ait d’un lépreuve. La force et la cohérence des ar- guments que Valliéres invoque a l’appui de sa nouvelle interprétation de la situation québécoise nous portent, néanmoins, 4 espé- rer que le contraire se produira. Les parti- sans de la violence doivent se tendre comp- te que, dans le contexte actuel, leurs initia- tives aberrantes ne peuvent contribuer qu’a fournir des prétextes additionnels 4 un pouvoir qui ne souhaite rien de mieux que de pouvoir écraser définitivement les for- ces réelles d’opposition. S’ils veulent s’obstiner contre toute raison dans une voie que réprouve maintenant celui-la mé- me qui les y a introduits, ils feront le jeu de ceux qu’ils prétendent combattre. : devine, 4 cet” égard, le désarroi qu’ éprouveront sans doute des compagnons de lutte qui ont accepté de lourds: sacrifices ‘pour suivre Vallieres dans la voie qu’il avait accréditée. A ceux-la, Valliéres pourra facilement répondre qu’il a lui-méme porté _Sa lourde part d’épreuves et que ce n’est pas lui, mais la situation qui a change. ® L’aspect le plus étonnant de |’autocriti- que de Valliéres est sans doute la conclu- C.-R. . Tél. 266- omme qui aurait été brisé par: ‘au cours’ des derniers mois. Si Coupon dabonnement. Le Soleil 266-9422 Abonnement oO Réabonnement [] Boal. B © 0 0 0 oe ccccccceccvccccccsedecoccede ADRESSE 3 0 0 0 0 oo cecccccccccccevcccacenve: WELLE 5 2 55 00 0 ceccces PROVINCE 2 cccccccces DATE ¢ cccccccccccccose Boite Postale 8190 Station L Vancouver, 14, B.C. sion qu’il en tire 4 l'appui du Parti québé cois. Certains felquistes, tout en abandon- nant la violence, ont déja conclu a la néces- sité de créer un parti de gauche radical, a tendance ouvertement marxiste et révo- lutionnaire. Valliéres conclut, au contraire, ‘que c’est au Parti québécois “que revient, a ce stade-ci de la lutte, et peut-étre pour plusieurs années, la responsabilité de diri- ger litiquement la lutte de masse’ du peuple quéebécois en vue de sa libération. e premier mouvement de maints pé quistes sera de redouter cet appui dange- reux. Valliéres n’aurait-il pas con¢u, avec ses amis, lobscur dessein de s’infiltrér dans le PQ afin de se servir de celui-ci poe promouvoir ses prone objectifs? Et e PQ r’aurait-il ea eaucoup a craindre, pour sa respectabilité, d'une bénédiction portée par un homme qui, hier encore, le définissait comme un instrument steérile et dépassé? Le PQ accueillera avec prudence lap- pel de Valliéres c’est ainsi qu’il faut inter- es le message laconique publié hier par . René Lévesque. La voie électorale a ses exigences délicates: rien ne saurait les faire oublier. Il y a, par contre, dans |’ana- lyse de Valliéres, une rigueur et une sincé- rité incontestables. Alors que des esprits superficiels, pour des raisons tantét senti- mentales et tant6t intéressées, se sentent pressés de classer le PQ au rang de “parti comme les autres’, Valliéres a percu avec justesse qu’il y a beaucoup plus, chez René Lévesque et le PQ, que le simple dé sir d'un changement de gouvernement ou de régime, qu’il y a aussi le désir profond d'un réaménagement substantiel des rap- ports économiques, sociaux et politiques au sein de la société québécoise. Tiraillé par des tensions internes, le PQ, il y a quelques semaines, paraissait menacé d’éclatement. Voici qu’aprés avoir apparemment résorbé ses divisions, il se voit appelé par l’un de ses adversaires dhier 4 une fonction unificatrice encore plus large. Les sceptiques pourront souri- re, [Il se pourrait’ néanmoins qu'il y ait dans cet appel de Valliéres le germe d’une unité qui pourrait ensuite entrainer un im- portant bond en avant. Aucun mouvement de libération nationale ne peut réussir sans | déployer une grande capacité de ralliement et de rassemblement d’eléments tres divers. Pour le PQ, la facon dont il réagira a l’ap- pel de Vallieres pourrait étre, dans cette perspective, trés pies Pour le pouvoir, l’autocritique de Val- liéres comporte aussi des lecons. Si l’appel de Valliéres est entendu, le pouvoir ne pour- ra plus se réclamer d’un fantOme pour jus- tifier ses propres abus et son impuissance. Il devra s’adresser enfin a ses adversaires réels, sur le terrain du débat démocratique. Les assassinats de réputations, les équivo- ques, les allusions empoisonnées, les faux prétextes, les recours abusifs 4 la force policiére deviendront plus difficiles. Quand il n’aura plus de fantome a combattre, le pouvoir devra davantage engager le debat autour des problémes réels qui se posent au Québec. Il devra renoncer, lui aussi, a une violence us subtile, mais non moins réelle, 4 laquelle il a facilement succombé devait étre compris,*les chances d’un re- glement démocratique de la question québé- coise s’en trouveraient considérablement accrues. Claude RYAN r lan : $6.00 cela » EK Yay Nay _ is ade aa RY co) ea ee ee date