VOYAGES «lt’s a long way to Tipperary...» ' Par Jean-Claude Boyer Killarney, centre de villégia- ture du sud de l’Irlande, 12: septembre 1984. Un jour nouveau s’ajoute a la quinzaine de milliers déja vécus. Je me sens tout a fait reposé et... ‘affamé. La salle 4 manger du Bed & Breakfast est si accueillante et le petit déjeuner si copieux et délectable (crépes, bacon, confiture maison...) que je n’en finis pas de remercier mon hétesse. (Elle me_ fait penser amameére, ce qui negate rien.) Excellent début de journée. Sac vert au dos, je me rends a la gare prendre le train pour Limerick, grand centre indus- triel sur le Shannon - le plus long fleuve di’Irlande. Je m'installe par hasard, dans un wagon de premiére classe, avec. un couple agé de Seattle, membres actifs de la WORLD CHRISTIAN ASSEMBLY. Ils commencent, avant méme le départ du train, 4 me raconter des faits «historiques» sur l'Irlande et |’Angleterre reliés a la Bible. La harpe des Irlandais est en fait celle de David... Jésus iui-méme s'est rendu en Angleterre avec son grand- oncle Joseph d’Arimathie. Marie aurait été, pardon, a été - inhumée en Angleterre. L’Ap6- tre Paul lui-méme... Cela suffit. J’ai enviede dire aces exégétes, comme les Athéniens a saint Paul qui leur parlait de la résurrection des corps: «Je vous entendrai la-dessus une autre fois». Ladame attend pour prendre une photo de nous deux que son mari ait fini d’essuyer scrupuleusement ses lunettes. En arrivant a Limerick, j’hérite de leur carte. Au-dessus des. numéros de téléphone, cette parole du Christ: «Vous serez mes témoins jusqu‘aux contins de la terre». A\’endos, les titres de deux livres de référence. lls sont convaincus, ces Améri- cains, comme les témoins de Jéhovah, de collante mémoire. Dans la gare, des sons aigus de fldte 4 bec nous percent les . Oreilles. Un vieil original ne s’arréte de «jouer» que pour lancer des bétises. L’Américai- ne se signe! Je quitte ces bons chrétiens pour prendre le prochain bus menant au célébre- chateau de Bunratty (15 km), sans doute cité dans la Bible. Plus tard, j’apergois Bunratty, petit village ol se dresse, au bord d’une riviére, !’imposant chateau du XVe s. Et m’y voila. Le billet. d’entrée, couleur métallique, représente un che- - valier en armure; inscription sur le bouclier: Bunratty Castle & Folk Park. Demi-tarif pour étudiants. La visite guidée commence. Enorme donjon a trois étages, renforcé par une tour a chaque angle. Chapelle omée de platres sculptés du XVile s. Lit & baldaquin aux colonnes joliment travaillées, beaux meubles antiques, foyers, tapisseries, tableaux, bois, porte-cierges ouvragés, assiettes décoratives... Grande salle ot toute l’année sont organisés des banquets médié- vaux avec la participation d’un ensemble vocal et instrumental en costumes d’époque. Bien installé sur un tréne finement sculpté, j’offre ma téte royale a l'oeil de mon appareil-photo, clic!, et remercie le touriste bienveillant. Ce chateau médié- val est considéré comme le plus complet et le plus ahthentique d’Irlande. Derriére le monument se trouve le «Folk Park of Old Bunratty», sorte de village- musée des traditions populaires delarégion de Shannon au XIXe s. Habitations pittoresques entiérement meublées: chau- miéres de pécheurs, petite ferme, vaste demeure, minus- cule maison d’une seule piéce (comme celles d’avant la Grande Famine), forge et, enfin, la Shannon Farmhouse, authenti- que maison de ferme, qui devait 6tre démolie pour permettre l’extension de l’aéroport de Shannon. Ce «musée» de la Vieille Irlande, enrichi d'une collection compléte d'outils et d’objets de la vie quotidienne, est de surcroit animé par des artisans en costumes tradition- nels qui font revivre avec bonhomie le tournant du siécle. Je reprends.. ici quelques détails griffonnés, péle-méle, en style télégraphique. A l’extérieur: toits de chaume, murets de pierre blanche, brouettée de tourbe rouge; un ane attend son... son. A l’intérieur: étonnante collection de machines agricoles, attela- ges de _ chevaux; vieilles poutres, foyers, paniers remplis de tourbe séchée, huches, vieux bibelots, lampes, horloges... Je souris aun Sacré-Coeur brdlant d'amour dans son _ cadre démodé ou debout dans son platre. Une boulangére pétrit sa pate avec une énergie obstinée alors qu’une compagne prépare la cuisson. Une autre empote des galettes, qu’elle me fait goater, bien entendu. Hmmm! Je demande aces ménagéres de bien vouloir se parler en gaélique. Elles s’exécutent, amusées. Du souahéli & mon Oreille. Fort gentilles, ces Irlandaises, mais je ne parviens pas a les convaincre que le frangais est la seule langue officielle au Québec. De retour a Limerick, je me proméne a loisir dans |’artére principale O’Connell et dans des rues transversales, toutes rectilignes. Maisons de brique rose. Prés d'un pont, je m’arréte devant la Traity Stone, pierre sur laquelle aurait été signé le fameux traité de Limerick (1691), garantissant, entre au- tres, la liberté de culte. Sur l'autre rive du Shannon se dresse le noble chateau King John (Xille s.); il porte encore les traces de boulets orangis- tes. Enfin, visite rapide de la cathédrale St. Mary ot j’admire de superbes — miséricordes, saillies sculptées sous l’abat- tant des stalles. Je retourne ensuite a la gare attendreletrain pour Tipperary - symbole de la patrie irlandaise. Un dépliant touristique laissé sur un banc rappellel’époque ot Limerick s'est enrichie grace au commerce atlantique, ses hau- tes luttes pour I’indépendance et le r6le prédominant de son port et de l’aéroport de Shannon dans sa vie économique. Et hop!, en train. (En réécrivant ces lignes de mon journal, je me rends compte que je suis descendu non pas a Tipperary mais a Limerick Junction, sans avoir noté pourquoi.) ; ‘Fin du trajet en auto-stop. Quelques minutes di’attente. Une vieille voiture sur le point d’agoniser s'arréte. «Good afternoon». Conversation bana- le. Le chauffeur a la figure criblée de taches de rousseur et le sourire étroit. «J était en train de siffler ‘It's a long way to Tipperary...’ [La route est longue pour TipperaryP, lui dis-je amicalement. «Je n’aime pas cette chanson, réplique-t-il. Les Irlandais la détestent. Elle rappelle la domination britanni- que.» En arrivant dans la petite Ville, jen parle a une passante. «Ce nest pas vrai, me dit-elle. Cette chanson a méme servi de théme lors des célébrations de la semaine derniéren. Le meilleur endroit pour m/infor- ‘mer au sujet des AJ, selon la jeune dame: le «priest house» (presbytére). J’y vais de ce pas. - Unprétre 4gé, en soutane, me conseillede me rendre a Bansha (10 km) en auto-stop, m’indi- || quant le chemin. J’ai tét fait de |) m’installer au bord de la route, |: appuyé contre mon sac a dos |! pouce | | gauche au vent. Ciel nuageux. |) planté dans le sol, Je me surprends a siffler de ‘nouveau la célébre chanson de marche. Une voiture modeme s’arréte. L’obscurité enveloppe tout rapidement. Et me voila bientét a un kilométre seule- ment del’auberge. Mais tout est déja plongé dans |’obscurité et -le chemin a suivre se faufile a] travers une forét. Des chiens aboient, rageurs. La fatigue, la faim, la difficulté de trouver la «maudite auberge», la lourdeur |. grandissante de mon sac et, oui, quelque peur ont vite raison de ma joie de vivre. Ce n’est qu’aprés avoir frappé a trois portes, malgré les «Beware of Dog» (chien méchant), que je || parviens al’auberge de Bansha. | | Elle est accueillante, propre et | - bon marché (2,50$). Il n'y a que des jeunes gens. Un routard irlandais a la gentillesse de moffrir un potage au poulet, un autre, deux tranches de pain. Il ne m’en faut pas plus pour reprendre godt a la vie. Je m’endors, ce soir-a, en chantant Aamoi-méme, commeil | m’arrive souvent, un de ces vieux airs qui ont meublétant de soirs d’hiver de mon enfance: «Pourquoi rester morose devant les prés en fleurs? Puisqu'il y a A vous de donner. des roses, il faut croire au bonheur.» | Cy ~ au Soleil! Publication d’un rapport sur les perspectives -del’industrie aquicole canadienne OTTAWA ... Le ministre des Péches et des Océans, Tom Siddon, a annoncé aujourd'hui la publication d’un rapport intitulé Les perspectives a long terme de l'industrie aquicole canadienne, préparé par la société d’experts-conseils Price Waterhouse. «Le rapport confirme I’opinion que je professe, a savoir que l'industrie aquicole au Canada a ._ beaucoup de potentiel, a déclaré M. Siddon. Il s‘agit d'une industrie qui est jeune et vitale et en pleine expansion.» Le ministére des Péches et des Océans élabore actuellement une stratégie concernant | ‘aqui- culture afin de promouvoir le. développement soutenu de l'industrie aquicole au Canada. Dans le cadre de cette stratégie,: la Direction générale de ‘analyse économique et com- merciale du ministére des Péches et des Océans a demandé a la société d’experts- conseils Price Waterhouse d’évaluer!a production aquicole du Canada jusqu’a l’an 2000. Le développement commer- cial de l’aquiculture a ete fulgurant, particuliérement au cours des derniéres années. Cette croissance a été alimen- tée parl’espoir de profits élevés. Dans son rapport, Price Waterhouse examine trois scé- narios pour le développement de I’aquiculture. En effet, trois types de croissance possibles (faible, modérée et rapide) sont présentés pour chacune des grandes espéces_produites commercialement au Canada: le saumon, la truite, les huitres et ‘les moules et chaque scénario comprend des prévi- sions au niveau dela production .et de l'emploi. Les prévisions les plus modestes font état d'une production s'échelonnant a partir d’une base de’ 18 000 tonnes métriques en 1988 jusqu’a 50 000 tonnes d’ici I’an 2000... soit une augmentation d’environ 170%. Les plus audacieuses font état d'une production totalisant 107-000 tonnes métriques d'ici |’an 2000. L’aquiculture crée de plus en plus d’emplois dans les régions cétiéres et élcignées. Price Waterhouse estime que d'ici l’'an 1995, l’élevage du saumon, des huitres, des moules et de la truite engendrera entre 1 800 et 3 200 postes a plein temps et, d'ici |'an 2000, on s’attend a ce qu'il y ait entre 2 100 et 5000 emplois dans le _ secteur aquicole. L’industrie comptera probablement deux fois plus d’employés parce que |’aquicul- ture est également une activité saisonniére qui est souvent en mémetemps quel’agriculture et d'autres activités.