Ville lunaire par JACQUELINE SANDRE Cest a Il’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris que le projet d’une ville sur la Lune a pris naissance l’an dernier. Il a été mené a bien ‘par trois jeunes architectes frangais J.G. Bauret, M. Cla- rion et J. Hanemian qui se sont adressés aux spécialistes de la recherche spatiale du Laboratoire de Meudon, pour connaitre les conditions spé- ciales que les constructeurs de cette ville rencontreront sur la Lune, et en tenir compte. -Les principales données sont les suivantes: manque d’atmosphére, paysage déso- lé, gravité six fois plus faible que sur la terre, températu- res extrémes entre le jour et la nuit, micrométéorites. et rayons lourds. Le propos de ces trois ar- chitectes est d’essayer, par des moyens parfois astu- cieux, de pallier ces inconvé- nients et de s’adapter a ces conditions inhabituelles pour des terriens, mais ceci en évitant de recréer, dans tout ce qu’il n’a pas de fondamen- talement nécessaire a la vie, environnement proprement terrestre. Un premier projet a été abandonné, qui organisait la vie lunaire a Vintérieur d’un espace entiérement clos et aurait privé les hommes vi- vant dans cette ville de tout contact avec le milieu envi- ronnant. Le projet final re- tient donc la nécessité de laisser € ces hommes des contacts directs avec l’envi- ronnement lunaire. Dans un cratére Cette cité s’implante dans un cratére d’environ 350 mé- tres de diamétre et de 40 métres de profondeur, qui, par sa forme naturelle, en assure la protection contre les météorites rasants. Les éléments de base de cette ville seront fournis par Vengin méme de transport, une sorte de LEM 4 trois pieds, dans lequel arriveront les constructeurs. On peut dire que lalunissage suffira a poser la premiére pierre. Du LEM, sortira une colon- ne verticale télescopique au- tour de laquelle s’acccoche- ront les premiéres bulles en fibre de verre capables de résister a une pression de 5 tonnes au meétre-carré. Dans ces bulles-habitats, en effet, on recrée une atmo- sphére respirable, pour que les habitants puissent évoluer normalement, sans scaphan- dre. Le manque d’atmosphé- re a l’extérieur, crée une dif- férence de pression énorme qui tendrait a faire exploser les bulles, si le matériau qui les compose n’était pas trés résistant. Au sommet de la colonne, sera construite une plate-for- me “parasol”? a partir de la- quelle sera lancée vers le sol une seconde colonne généra- trice de bulles, puis une troi- siéme, une quatriéme, etc.... Cette plate-forme qui, un fois la ville développee dans tout le cratére, la recouvrira entiérement, a un double réle: celui de protection con- tre la chaleur qui est'consi- dérable pendant le jour: spe) | hea On En effet, Vombre que la plate-forme assure a la ville plonge celle-ci a une tempé- rature de —150°C, mais il est plus facile de lutter contre le froid que contre la chaleur. Le second réle de ce toit est de fournir, grace a un re- vétement de césium, I’éner- gie nécessaire au fonctionne- ment de la ville. C’est par une passerelle ou- verte, que les visiteurs, mu- nis de leurs scaphandres, pé- nétreront dans la ville. Aprés avoir franchi un SAS on se trouvera au niveau de la pla- te-forme, celle-ci étant for- mée d’éléments cubiques de 5 métres sur 5, assemblés les uns a cétés des autres, et fermés par un déme. Ces piéces sont occupées par des laboratoires. De cet étage, consacré au travail, on peut gagner les “bulles-habitats” et loisirs par des ascenseurs, la circu- lation horizontale se faisant par télésiége. Chaque bulle- habitat est prévue pour un groupe de trois personnes, qui pourront se reposer ou discuter dans un salon amé- nagé dans la partie inférieu- re de la bulle, la partie supé- rieure,, insonorisée, étant ré- servée aux dormeurs qui se- ront installés dans des ha- macs que chacun hisse a la hauteur désirée. » A Véquateur de la bulle se trouvent des hublots permet- tant de voir le reste de la ville et le sol du cratére. Mais la contemplation de ce spectacle lunaire ne con- stituera pas la seule distrac- tion de Vhabitant de la Lune. Les loisirs De nombreuses zones de loisirs ont été prévues pour lui, non seulement pour dis- traire les chercheurs de leurs travaux et pour maintenir chez eux un certain équilibre psychologique, mais pour promouvoir cette découverte personnelle quils feront d’eux-mémes, des autres et de la vie sur terre. En effet, il faut tenir compte du fait que l'homme est, sur Ja Lunt, privé d’un certain nombre de sensations naturelles et en particulier auditives. On recrée donc de petites enceintes dans les- quelles les hommes pourront, non seulement* entendre les sons et les musiques de leur choix, mais aussi recréer eux-mémes une ambiance nouvelle, en composant leu propre musique. Dans des espaces “olfac- tifs’ hauts de 15 metres, ils pourront composer a volonté des symphonies de parfums de la terre. Mais, sans doute, l’espace loisir qui aura le plus de suc- cés est celui ou, grace au fait que la pesanteur est 6 fois moindre que sur la terre (un homme de 60kg pése 10) on pourra réaliser le plus vieux réve des humains: abo- lir la pesanteur et marcher dans le vide. Les probleémes des condi- tions de vie psychologique, bien qu’importants, n’ont pas été la seule préoccupation de nos trois architectes qui ont du penser au fonctionnement de cette ville et a sa sécuri- té. Aprés l’apport d’atmosphe- re respirable, des moyens de récupération des déchets per- mettent la reconstitution du cycle naturel de vie. Les zo- hes de circulation sont abon- damment ornées de plantes vertes prévues a cet effet. Des laboratoires du vide et des miroirs solaires capteurs d’énergie surmontent la pla- te-forme. : Les fonctions énergétiques et les fonctions de recyclage ne sont pas centralisées, mais réparties dans diffé- rents secteurs de la ville. En cas de catastrophe, elles as- surent. une vie normale dans les autres secteurs de la vil- le, chacun étant isolé des au- tres par des SAS. Pour l’instant, vue le degré d’évolution de la recherche spatiale, ’homme ne ressent peut-étre pas encore ce be- soin d’évasion mais, comme Ya dit un savant Russe: ‘La terre est le berceau de la vie, mais Vhomme ne peut rester au berceau toute sa vie.” La ville que des architectes franc¢ais ont imaginée sur la Lune est implantée dans un cratére, tandis que les bulles qui servent d’habitations sont situées sous une plaque de césium. En surface, on peut voir les miroirs solaires. Du vent dans les voiles tous les jours -6h30 a9h avec Serge Arsenault RADIO-CANADA LE SOLEIL, 16 JUILLET 1971, Vii