\ X1, 27 NOVEMBRE 1970, Hommage a Jean Giono Par Claude Bouygues Il est mort, il y a quelques semaines, a l*%dge de 75 ans, emporté par une attaque cardia- que, Il faudra que ceux pour qui il représente quelque chose s*habituent douloureusement au silence. Jean Giono avait une fagon particulierement rassuran- te d'imposer sa présence: il é- crivait. Il écrivait sans cesse, sans l’agagante manie de s’en expliquer qui habite les jeunes romanciers d’aujourd*hui, et avec toujours plus de maftrise: son ‘dernier roman, L’lris de Suse, paru ]’an dernier chez Gallimard, a été salué avec raison comme un chef-d’oeuvre, Il sera plus difficile qu’on ne croit de com- bler le vide qu*il laisse dans les Lettres frangaises. Ceux qui l’on connu ou qui ont lon- guement parcouru ses oeuvres en conviendront aisément. Pour les autres sauheitons que les quelques lignes qui suivent leur donnent une idée de l*homme et de l’oeuvre. Les débuts de la carriére lit- téraire de Jean Giono remon- tent 4 1929, année ot Grasset publie Colline, que Gide salue comme un roman tonique porteur d*une bouffée d’air frais dans l’atmosphére lourde et troublée @e l’époque. Un de Baumugnes et Regain suivent bientdt, en 1929 et 1930, deux romans ou court le méme souffle panique. Romans ‘‘de la terre’? a-t-on dit alors et répéte-t-on inlas— sablement depuis. En fait, il faudra ,bien se demander hon- nétement un jour si les grands avertissementspaniques de la Tri- logie (les trois romans cités plus haut dans ce paragraphe), puis les invitations a vivre mieux contenues dans Le Chant du Mon— de, Que ma Joie demeure, Ba- tailles dans la Montagne et les divers essais parus jusqu’en 1939, sont uniquement un long poéme en prose et 1l’expression d'une attitude naive etrétrograde en face de l*intellectualisme de 1%époque. En généreux qu’il était, Giono a été poussé par le dé- sarroi des jeunes, vers 1935, a jouer l’air d’un engagement a se ‘désengager’’, pourrait- on dire. Et ce fut l’expérience du Contadour, ferme abandonnée d’un hameau de Provence oti des” gens de tous bords venaient en- tendre le **Mage de Manosque” leur parler un langage insolite: celui du retour 4 laterre, C’était 1a,, toutes proportions gardées, une expérience que ne dé- Savoueraient pas les hippies sin— céres d*aujoued*hui. Giono, du reste, n’a jamais été dupe: com- ment s’imaginer que la France, 1’Europe d’alors pussent s’acco- moder du retour a la nature? On a pris sottement pour de la subversion ce qui n’était, de sa part, ‘qu’une exhortation a vivre libre’?, comme le dit un de ses critiques. La France de Vichy le met en prison pour défaitisme et celle de 1944, celle des Ré- sistants, lfinterne, au fond .. o pour le méme motif! la fide- lité a un idéal quel qu’il soit, se paie toujours fort cher. Aprés la deuxiéme Guerre mondiale, paraissent des textes d’un genre entiérement nouveau, presque tous sous le titre gé- néral de Chroniques, et parmi lesquels il faut citer le chef- d’oeuvre: Le Hussard sur le Toit, paru en 1951, C’est un nouveau Giono que celui des Chro- niques, beaucoup plus sflr de son art, de son style, et beaucoup plus distant. C’en est mainte- nant fini des cantiques a la joie, des semonces, des explosions lyriques et de la polémique; au lieu de cela, de profondes in- cursions dans l*histoire et de saisissantes études psychologi- ques. Angelo, héros du Hus- sard sur le Toit, chevauche au milieu d’un pays ravagé par le cholera (€pidemie de 1838, en Provence) sans jamais perdre sa morgue aristocratique ni le sens de l’admiration de soi, ce qui le rapproche des grands hé- ros stendhaliens, Tringlot, ban- dit dangereux, voleur des grands chemins, héros. de L’Iris de Su- se, revient sur les lieux de ses crimes, la Provence, et devient bandit d’honneur et d’amour pour les beaux yeux d’une jolie folle devenue veuve 4 la suite d’une tragédie. Il n’y a pas loin de lui a certains héros célébres du Far-West et, de fait, bien des romans de Giono feraient d’excellents scénarios. Mais, ces rapprochements, nous les fai- sons, non pour’ souligner les dettes de notre auteur ou indi- quer ses sources . . faux pro- blemes!, . , mais bien plutét pour situer ses romans et don- ner a beaucoup, nous l’espérons, envie de les lire. Fréquenter Giono est une ex— perience d’un genre particulier. Ses premiers romans, jusqu’en 1937, sont, en tres gros, une apologie de la vie simple, loin des villes et du bruit, C’est assez dire qu*ils devraient atti- rer un grand nombre d’entre nous, enfants, , ou prisonniers,. « d’une ville et qui vivons inten- sement le drame de la pollution sous toutes ses formes, Ceux de la seconde maniére (1945 4 sa mort)sont, toujours en trés gros, un heureux mélange d’in- trigue policiere, de cure de jou- vence dans lair pur des mon- tagnes et de commerce avec la démesure: grandes passions, grands forfaits, violence, grands personnages, etc. . . Voila qui devrait aussi tenter un large pu- blic. Bref, Giono est un auteur ‘“thygiénique” a beaucoup d’é- gards, On ne trouvera pas chez lui les grandes ‘découvertes” de |’Entre—deux—guerres: la han- tise-de l*absurde, la tentation du désespoir, le parti pris de l’engagement, la mort de Dieu, etc. . . Et c’est précisément ce que lui reprochent certains qui l’accusent, entre autres cho- ses, d’avoir choisi l’anarchie, Ie désordre, le réve et la facili- t€é a une époque de discordes et de luttes qui exigeait, selon eux, plus de présence, Ou du moins, ces ‘‘découvertes”, on les verra "chez Giono jouées sur un mode mineur, Car elles y sont, la structure de ses premiers romans en atteste, Il faut se souvenir que Giono a dit en 1937: ‘*Je ne veux pas traverser les batailles une rose a la main’’, Tout simplement, il y aplusieurs fagons de prendre les armes, Et c’est maintenant qu’il a dis— paru que nous pourrons mieux voir quel combat Giono a livré, Une oeuvre dépasse son auteur de toutes parts, et la vision que Giono a eue de la sienne, si elle était privilégiée, n’est ce- pendant pas unique, Paradoxa— lement, par sa seule présence, un auteur fait trés souvent obs— tacle au déchiffrement de son oeuvre, et Giono ne fait pas ex— ception a cette régle. On sera peut-@tre surpris de la vaste signification de cette oeuvre, Car c’est maintenant, plus que jamais, qu’on va parler de lui, parler sur lui, engager avec son eou-1 vre un dialogue enrichissant, eput-@tre interminable. Rien de plus. vrai que ces mots qu'il nous écrivait quelques jours seu- lement avant sa mort; *‘Je suis temporel.”? La chorale d OBERNKIRGHEN Un public enthousiaste a applaudi la chorale d’Obernkir- au Queen chen, samedi soir, Elizabeth Theatre, Chacun a ete conquis par la pureté merveilleuse de ces voix enfantines et 1’har monie par- faite de 1*ensemble. ~ Meilleurs voeux au ole PH IL 'S GROCERY 2580 ALMA ROAD Limage Canadienne ~Francaise. En général, les Canadiens de 1?Quest se représentent les Ca- nadiens frangais sous une ima-— ge quelque peu déformée, Les titres de la presse des derniéres semaines n’ont certainement pas arrange les choses, A vrai dire, la majorité des Canadiens n’apprécient pas la chance :qu’a ce pays de possé- der deux cultures distinctes. Les possibilités que présente cette situation sont pratiquement il— limitées, mais les habitants de Colombie Britannique eae de bons Canadiens de ]*Ouest!) en ont peu profité, Par exemple, il y a un an, un jeune chanteur du Québec ren- dait visite 4 Vancouver. Ro- bert Charlebois est un artiste extrémement talentueux, mais, en raison de la *barriére cul- turelle’? il est plus ou moins inconnu dans 1’Ouest. sulte que l’audience fut faible et sa visite se solda par un échec. En dépit du nombre as- sez considérable de francopho- nes dans le Sud de la provin- ce, son concert passa inapercu, Dans ces conditions, les pro- ducteurs de spectacles devien- nent tres prudents lorsqu’ils’agit d*‘*importer’? des artistes qué- becois. Ils élargissent .ainsi le fossé qui sépare les Canadiens anglais des Canadiens francais. On peut penser que la teélé- vision pourrait fournir un sup- port a un échange entre les deux cultures, mais comme on le sait, la situation est beaucoup trop Il en ré- inégale. Les telespectateurs du Québec voient de nombreux pro- grammes anglais (ou plutdt amé- ricains) alors que ceux de 1’Ouest sont limités 4 une ou deux pro- ductions canadiennes francaises, Les pertes subies dans des cas comme celui-ci sont importantes, mais, surtout, le malheur est que les habitants de Colombie Britannique n’ont pas 1’occasion d’apprendre 4 connaftre les Que— becois, Pourtant, l’été dernier, cer- tains résidents de Vancouver ont eu cette chance, En raison de l*insuffisance de l*emploi offert aux étudiants, nombreux sont les jeunes québécois qui ont eu le loisir de voyager et de parcou- rir le pays en auto-stop jusqu’a la cote Ouest. Ceux qui, a Vancouver, ont eu le bonheur de les rencontrer les trouvé- rent sympathiques et brfilants d*’une jeune vitalité. Ces jeu- nes gens constituent I’une des plus précieuses ressources du Canada, elle ne doit pas @tre gachée ou exploitée et, ceci étant, les habitants de l1’OQuest ne peu- vent se permettre de décourager de tels voyages, I] est éga- lement d*importance vitale que des échanges culturels soient or- ganisés avec le Québec. Apres tout il appartient au peu- ple canadien de résoudre ses pro- pres problémes et l*unedes meil- leures solution est d’adopter et d’étre fier du biculturalisme car I*ignorance mutuelle ne peut faire que du mal, NICK COLLIER Va em ee ee ee ae eae ae ( ENSEIGNEMENT DE QUABLITE TRADUCTIONS SOIGNEES " | CONVERSA | ECOLE DE LANGUES | 1603, 4@me Avenue Ouest Prix raisonnables. 736—5401 | i ae te ee ee A a BuprnCe: WER Mee) Go ee ee ak ny ee) See ee ee =