eS “Le train”, 1963. : Michel Simon (“Le vieil homme et !’enfant’’, 1966) il faisait peur. Une victime non repentie du star-system PAR LUC PERREAULT MICHEL SIMON est mort. Il avait 80 ans. Il avait lage du cinéma. Sa premiere apparition sur l’écran, un soir a “Ciné-Club”, restera tou- jours gravée dans ma mémoire comme l’un des moments de joie in- tense, une jubilation comme seul le cinéma, le vrai, peut parfois — trop rarement — provoquer. C’était il y a une dizaine d’années. Comme’ beaucoup de Québécois je dé- couvrais un classique du cinéma qui n’a ‘pas veilli d’une ride: ‘‘Boudu : photo Keystone sauvé des eaux” de Jean Renoir. Michel Simon était Boudu. Avec la complicité de Renoir il avait trans- formé le personnage secondaire d’une mauvaise piéce de boulevard en un clochard anarchiste qui, sauvé du sui- cide par un. libraire parisien, repre- nait gout a Ja vie en envoyant prome- ner toutes les conventions sociales et les valeurs bourgeoises dont le li- braire Lestingois constituait la vivante incarnation. Tourné en 1932, le film n/’avait, trente ans aprés, rien perdu de sa tranquille férocité. Boudu mangeait des sardines qu’il portait 4 sa bouche avec ses doits, se servait des rideaux comme essuie-mains, crachait sur les livres du _ libraire, embrassait sa femme ét couchait avec la bonne. En trois ans Simon: devait donner ses meilleures performances d’acteur dans trois films qui furent autant d’é- checs: “Boudu sauvé des eaux’’ et “La chienne” de Renoir et “‘L’Ata- lante” de Jean Vigo. Si Yon excepte quelques réles qui sortent de l’ordinaire, particuliérement dans les films qu’il tourna avec Mar- cel Carné et Sacha Guitry (en parti- culier ‘‘La vie d’un honnéte homme”),. ‘la carriére de Michel Simon a subi aprés: ces échecs une éclipse au ci- nema dont on ne peut trouver uné ex- plication que: dans le caractére intran- sigeant du comédien et le cOté vague- | ment anarchiste que Pintividu qu'il était pouvait suggérer. auprés d’un pu- Malahat ila Leia liluleddidel adit ECOLE ST-SACREMENT. 3020 Heather, Vancouver, C.B. - Jardin d’Enfants: Programme d’Immersion en Frangais Grade 1 4 7: Programme Bilingue - Tél: Bebe IZU ou 876-6894 - | if Le Soleil de Colombie, le 4 juillet 1975, 5 blic francais. au-scandale facile. Physiquement, on le sait, ’homme - Wavait rien- pour rassurer. "Paul Guth tracait de lui en 1951 le portrait sui- . vant: “Le menton’ forgé. a coups de mar- ‘-teau lui remonte jusqu’au milieu du visage ef semble se démantibuler aux ‘charniéres des mots; ‘ses joues se ‘ gonflent en’ deux ballons de chair entre lesquels s’enfouit le losange de la: bouche qui.s’ouvre et se ferme en coulissant. Le rire, découvre un cercle ‘de dents minuscules au centre duquel flotte la Jangue qui écrase ou délivre ta parole, source’ ou bouillie (...) Au- dessus du nez de boxeur, cassé, blindé de - plaques de chair, régne la‘ grace... Bref, il faisait peur. Tl incarnait hélas Pimage trop- pré- cise d’une société qui, lorsqu’elle se mirait & travers le miroir que lui ten- dait le cinéma, n’en attendait en re- tour qu’une vision embellie, terne au besoin mais laide, jamais. Depuis Vére du parlant, le cinéma franéais a vu se succéder des généra- tions de jeunes premiers au physique avantageux depuis Jean Marais jus- qu’a Gérard Depardieu en passant par — Alain Delon. Le culte de Ja vedette répond a des besoins précis du public. L’acteur au cinéma, plus qu’au théa- ive qui s’adresse a une élite, doit se plier a Yimage que le public se fait de lui s’il veut réussir. C’est ce moule que Michel Simon a rejeté, 11 n’a pas voulu rester cantonné dans le personnage de Cloclo, le héros de “Jean de la lune” que Simon avait incarné en 1931 et qui avait remporté un immense succés commercial. “Jaurais di conserver le person- nage de Cloclo, déclarait un jour le comédien, et .je jouerais Cloclo au- jourd’hui, et 4 80 ans et 4.90 ans. Le ‘public est un enfant qu’il faut diver- tir. On lui apporte une poupée, il veut voir ce qu’elle:a dans le ventre. Illa brise aprés V’avoir serrée dans. ses bras durant des années, il en trouve une autre.” L'amour du cinema Mais Michel Simon portait le ci- néma en grande estime. Contraire- 4'LAtalante”, de Jean Vigo, 1934. ment a ces grands -comédiéns qui ont fait du-théatre par amour’ et du-ci- néma par nécessité, il a joué dans des mauvaises piéces pour” pouvoir continuer a tenir au cinéma.ces réles qui- n’attiraient personne. Le drame, c'est qu’il ne trouva plus (ou de moins. en moins) ces metteurs en scene comme Renoir, Vigo ou Gui- try qui privilégiaient le travail du co- médien plufét que la technique ciné- matographique. Le meilleur de lui- méme, Simon Ie donna dans des oeu- vres qui misaient avant tout sur l’im- provisation. Pour “La Poison” de Gui- try, Simon avait exigé qu’on ne tourne qu’une seule prise de chaque plan. Tourné en onze jours, le film avait obtenu un succés remarquable. De méme, la rencontre Simon-Vigo devait donner avec “L’Atalante” des résultats d’autant plus _convaincants que Je comédien se sentait secondé et orienté dans la voie d’expression qui convenait le mieux a son personnage. Cette facon de travailler devait trés tot disparaitre du. cinéma francais des années *30 pour ne réapparaitre qu’a- vec la nouvelle vague et la nouvelle génération des cinéastes — et encore, : d’une maniére souvent timide. Michel Simon ne fut redécouvert comme grand comédien qu’aprés la guerre dans les ciné-clubs. Il avait patienté trop longtemps. Mais ce co- médien toujours jeune était devenu sur la fin de sa carriére le symbole de toute une génération qui se recon- naissait dans Boudu. Chez nous, Michel Simon devait re- cevoir en 1967 lors d’un passage mé- morable a Vémission “Le sel de la se- maine” animée par Fernand Seguin un accueil qui, semble-t-il, devait le tou- cher profondément. Cet homme extré- mement sensible, un peu. cabotin peut-étre mais resté fidéle a lui- .méme. avait réussi 4 toucher la corde sensible des téléspectateurs.. Sans doute le moment serait-il venu pour que la Cinémathéque québécoise ou Radio-Canada organise une rétro- spective Ja plus compléte que possible de.ses films. Dans ces films surtout ceux qui~furent a Pépoque les plus mal accueillis, il demeure singuliére- ment présent et vivant. LIN TL LE a a aT EX ‘SOLEIL’ LE RENDEZ—VOUS DES FINES BOUCHES ! PAUL'S RESTAURANT Plats canadiens et européens Cuisine de qualité 4 des prix abordables 4621 E. HASTINGS: RS wm: 208-6905 é LA ee GOP aes: SO eh aanmin Mean ee Se ct ar Sieh ON, aan NDS OME