1500 militaires FROBISHER BAY, Territoires du Nord-Ouest — Pour les 1,500 militaires qui ont participé durant les der- mieres semaines a l'exercice ‘Pa- trouille Nocturne” des Forces armées canadiennes, dans la -région sud de l’fle de Baffin, dans les Territoires du Nord-Ouest, .le«froid intense a été-le pire ennemi. : Cet exercice, selon Je lieutenant-géné- ral Gilles-A. Turcot, de Saint-Hubert, commandant de la Force mobile, avait comme but. principal d’évaluer la résistance de l’homme et des véhi- cules dans des conditions extrémes afin d’étre en mesure de faire face a toute éventualité, Le lieutenant-géné ral Turcot, qui est l’un des Canadiens frangais les plus haut gradés au Ca- nada, estime que la manoeuvre qui vient de se terminer a été d’une grande utilité pour l’armée. Pour les soldats qui ont participé a cet exercice il ne s’agissait nullement d’un voyage de “‘tourisme’’. Les vents violents qui soufflent conti- nuellement dans cette région proche du cercle polaire, provoquent des froids équivalant & une température de —115°F; il suffit d’un vent de 40 milles 4 ’heure par une journée oti le mercure descend a —35°F. Pour les militaires qui ont passé une dizaine de jours sous la tente, la vie était loin d’étre celle des hotels de grand luxe. L’exercice ‘‘Patrouille Nocturne” qui consistait a déployer dans l’Arctique le 5e Groupement de combat (une unité entiérement francophone) était une grande premiére pour nos forces armées, d’aprés le général de brigade Bernard J. Archambault. C’était la premiére fois, selon lui, qu’un tel exercice avait lieu au-dela du 60e paralléle. Ce déploiement avait plusieurs buts dont un bien politique, celui de montrer 4 ceux qui s’intéres- sent a l’Arctique que le Canada est disposé A assurer sa souveraineté, surtout dans cette partie du pays, dotée d’immenses richesses. Ces manoeuvres ont surtout permis de voir la faiblesse des véhicules uti- lisés par les forces armées dans cette partie du pays. A cause du terrain rocailleux qui, vu de: l’'intérieur d’un hélicoptére, ressem- ble a un paysage lunaire, les véhicu- les traditionnels ne peuvent étre d’au- cun secours. : Méme les gros véhicules chenillés utilisés par les militaires et qui peu- vent circuler dans plusieurs pieds de neige avaient de la difficulté a se frayer un chemin a cause des nom- breuses pierres qui risquaient a tout moment de détruire la bande caout- -choutée des chenilles. Les motoneiges qui avaient fait mer- veille dans des climats plus tempéres ont fait jurer plus d'un soldat durant ces derniéres semaines. Un simulacre de guerre Pour rendre l’exercice plus interes- sant, un scénarioa été imagine au- tour d’une invasion de !l’Arctique par un détachement d'une centaine de sol- dats d’un pays. étranger, la Fantaisie, qui avait installé, pres de Frobisher Bay. de l’équipement. électronique pouvant brouiller le systeme canadien de radar. Cette force ennemie pour les besoins du scénario avait été con- stituée par des éléments du 12e régi- nent blindé, l’ancien régiment de Trois-Riviéres. Ce groupe avait installé son campe- ment a une quinzaine de milles au nord de la ville de Frobisher et le troisiéme bataillon du_22e ‘Régiment avait été chargé d’aller les deloger avec l’aide des parachutistes du ler groupement de commandos. Ces parachutistes, les durs de durs des forces armées, avaient sauté les premiers autour de la piste d’atterris- sage de Frobisher ou ils avaient in- stallé leurs tentes pour ‘‘protéger”’ l'arrivée des troupes. Tous ceux qui ont assisté a ce fameux parachutage n’en revenaient pas. Personne d’autre que les commandos n’aurait voulu se balancer a quelques centaines de pieds dans les airs par des températu- res aussi froides. La marche vers l’ennemi ne s’est pas faite sans peine. Imaginez ce que peut étre une marche, face 4 des vents violents alors qu’il ne suffit que de quelques instants pour se geler une petite parcelle de peau qui n’aurait pas été couverte. © Pour éviter les engelures dangereu- ses, les soldats avaient été invités a toujours sortir en équipe et chacun des hommes devait examiner son parte- naire réguliérement pour déceler rapi- dement un nez ou une joue blanchi par une engelure. Le froid n’a pas été la seule difficulté rencontrée par les ‘participants. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, plusieurs militaires ont été incommo- dés par la chaleur... qui régnait a Vintérieur des tentes. Ces fameuses tentes rondes étaient chauffées par des petits réchauds ali- mentés au naphte. La chaleur attei- gnait facilement 85°F. au faite de la tente alors que la neige au plancher n’arrivait méme pas a fondre. Plusieurs campeurs ont di étre trai- tés pour irritation des yeux causée par la forte chaleur, Selon certains soldats, ces malaises aux yeux seraient le ré- sultat de Ja combustion de naphte ren- fermant trop d’impuretés. Ce probléme fera sirement l'objet d’études puisque le Canada demeure le seul pays a utiliser le naphte alors que les autres armées ont depuis plu- sieurs années adopté le gaz propane comme combustible. La tharghe de la. colonne des fantas- sins, qui a’ duré Six jours, a di étre interrompue a plusieurs reprises a cause du coefficient de froid qui était trop bas pour permettre la continua- tion de la manoeuvre. Méme s’il ne s’agissait que d'une halte de quelques minutes, les hom- mes montaient quelques tentes pour s’abriter. : Lors des haltes pour la nuit, on fabri- quait un mur de neige, suivant les in- structions des éclaireurs esquimaux, afin de se protéger des vents du nord. La marche elle-méme était loin d’étre des plus faciles sur ces terrains. Alors que les bagages étaient transportés a bord des véhicules, les fantassins de- vaient porter leur arme personneile et ce surune quinzaine de milles. Seul ce poids minime devient un lourd far- deau aprés des heures de marche a travers les roches et les collines. Finalement, les forces amies ont été récompensées puisqu’elles ont réussi a “anéantir” Jes envahisseurs. II faut bien dire, toutefois, que les stratéges militaires n’avaient pris aucun risque et que toutes les chances avaient été placées du cOté ami. Il aurait sire- ment été trés mal vu que l’ennemi réussisse 4 gagner la bataille... A part quelques engelures du cdté des fantassins, l’exercice n’a pas été trop couteux pour le personnel. Toutefois, on ne peut pas en dire autant des vé- hicules qui ont montré qu’ils n’étaient pas faits pour ce travail difficile. Ainsi, prés de la moitié des véhicules qui avaient été amenés a Frobisher sont revenus au camp de Valcartier avec des défectuosités mécaniques plus ou moins sérieuses. — Chez les hommes, toutefois, l’hépital de campagne qui fonctionnait 4 l’inté- rieur d’un véhicule chenillé, a pu s’oc- cuper de la plupart des malades ou des blessés. Cependant, dés qu’un mi- litaire avait besoin de soins prolongés, - on V’évacuait vers Frobisher -oi il pre- nait place a bord du premier avion en \partance pour Québec. Au cours de cette manoeuvre un des ~ éléments les moins remarqués a pro- bablement été la part prise par l’avia- tion. D’abord, il a fallu prés de 200 vols des CL30 Hercules, un avion qui porte’ bien son nom, pour amener a pied d’oeuvre et ramener les hommes et les milliers de tonnes d’équipement ét de véhicules nécessaires. Chaque appareil, en plus de plusieurs soldats, pouvait transporter deux véhi- cules, dont un transporteur de troupes blindé pesant prés de 10 tonnes. De plus, des chasseurs tactiques CF-5 assuraient la reconnaissance et la photographie aérienne, tandis’ que des hélicoptéres s’occupaient de l’évacua- tion des blessés et du ravitaillement des troupes. :