Suite de la semaine derniére II - Désastre a Lituya Par Alexandre Spagnolo Simple capitulation Mars 1782. La Pérouse a bord du “Sceptre” 74 canons et deux frégates armées, Fleuriot de Langle sur “L’Astrée”, La Jaille sur “L’Engagement”, 250 hom- mes de combat, 40 artilleurs, 4 batteries de canons, des mortiers, etc. Trois fortifications visées au Nord-ouest de l’actuelle province du Manitoba, baignée par les eaux de la Baie d’Hudson, sur une longueur de 1000 kilométres, le Fort Prince of Wales, le Fort Churchill et le Fort York Factory. L’attaque et l’assaut furent ‘foudroyants, curieusement sans coup férir, sans résistance. Envoi de deux délégués, drapeau en téte, sommant le Gouverneur de la région, Samuel Hearne (1745-1792) dese rendre avec ses hommes. Ce dernier fit ouvrir les portes, se livra 4 La Pérouse a la condition de garder précieuse- ment ses manuscrits, son journal, désir qui -lui fut accordé sur-le-champ. Pas de pillage, pas de poursuites de fuyards, les €normes approvi- sionnements sous contrdle, pas de prisonniers, mais ordre de faire sauter les fortifications, bastions, etc. de la Hudson Bay Company dans toute la région. Mission accomplie, embarquement sur les navires respectifs, Samuel Hearne 4 bord du “Sceptre” de La Pérouse. Samuel Hearne Ce gouverneur n’était pas un homme de guerre, il avait bien servi, tout jeune, dans la Marine Royale Britannique, mais, hom- me de science, chargé d’explorer les régions alors inconnues de la Baie d’Hudson pour le bénéfice de sa compagnie: cela le mena a la découverte de Coppermine et VYOcéan Arctique par voie de terre, le premier homme blanc a s'y rendre. En France, La Pérouse réussit a le faire libérer, alla méme 4a lui donner un navire anglais précédemment capturé afin de se rendre dans son pays d’outre- Manche. L’année suivante, sa compagnie le renvoya au Fort Churchill rétablir les postes détruits, il y oeuvra quatre années (1783 a 1787) quand des ennuis de santé Vobligérent a prendre une retraite anticipée. Mourut 8 ans plus tard, blamé par ses pairs a cause de son comportement peu héroique envers son agresseur: c’était un scientifique non un guerrier. La Pérouse avait soutiré de Hearne la promesse qu'il publierait aussitét son journal, sa compagnie s'y opposa, il conte- nait trop de relevés importants de la topographie de la région, des données climatiques, les us et coutumes des aborigénes, la faune et la flore, etc. trop susceptibles d’attirer des naviga- teurs étrangers, la Hudson Bay Company tenait trop a son monopole: d’ailleurs, les récits du Capitaine Cook avaient bien attiré La Pérouse, son cadet de 13 ans a tater de 1l’exploration. Toutefois, la publication eut lieu en 1795, deux ans plus tard (1797) une traduction par le Gouvernement frangais. : a a es ae Le Soleil de Colombie, vendredi 16 janvier 1987 - 11 Le tragique destin de La Pérouse Des années plus tard, un navigateur anglais déclara que La Pérouse avait été humain et méme magnanime envers les vaincus, envers Hearne, qu’on lui devait une certaine reconnaissan- ce pour son comportement, Vhistorien E.W. Allen en fait autant dans son ouvrage. Quant a La Pérouse, son souverain voulait défaire ses ennemis, non les massacrer. Louis XVI devait se souvenir des horribles événements surgis en Nouvelle-France et Acadie sous le régne de ses prédécesseurs, Louis CIV et Louis XV, par laction de l’impérialisme d’Al- bion. Le grand dérangement L’affreuse déportation de 1758, sous Louis XV, de plus de 12,000 Acadiens des régions qui sont actuellement la Nou- velle-Ecosse, le Nouveau-Bruns- wick, ]’'Ile du Prince Edouard et le Maine (U.S.A.) afin de donner asile a plus de 60,000 Loyalistes, citoyens des Treize- Colonies qui voulurent demeurer fidéles 4 la Couronne d’Angleter- re. Les Acadiens furent sommés de préter allégeance a ladite couronne, ils voulurent tout au plus demeurer neutre en cas de conflit Angleterre-France, sur- tout durant la Guerre de Sept Ans. Devant le refus au Conseil d’Halifax, les “French Neutrals” ainsi appelés furent l’objet d’un acte de déportation, pour eux “Le grand dérangement’, disper- sés dans les colonies britanniques, © Québec, vallée de l’Ohio, la Louisiane, Iles de la Madeleine, voire la Bretagne. Le navigateur Louis-Antoine, comte de Bougainville (1729- 1811), compatissant, avec ses deux navires, 140 hommes de bord, prit une centaine de ces malheureux, afin d’amorcer aux Malouines (Falkland d’aujour- @hui) 1l’établissement d’une colonie francaise, en fondant Fort Saint-Louis. - Partant de 1a, rechercher des archipels, iles, pouvant servir de bases pour la _ reconquéte éventuelle du Canada, cite E.W. Allen. Minés par les maladies infec- tieuses, la malnutrition, le milieu inhospitalier, ces déportés ne vécurent pas longtemps. L’attaque du Fort de Louis- bourg (le Gibraltar du Québec) en 1758, lenvahissement du Québec de 1759, par les efforts combinés de la flotte de ]’Amiral Charles Sanders, avec le capitai-, ne James Cook, commandant le vaisseau “Mercury” et l’armée du Général James Wolfe. Pourquoi? Agrandir l’empire britannique, détruire autant que possible la présence francaise dans le monde. : Nous devons au _ magistral ouvrage de l’écrivain américain Francis Parkman (1823-1898) intitulé “Frontenac, New-France | under Louis XIV” Publication Beacon Press-Boston (1880) de remarquables citations. Lituya [Alaska] La Pérouse a 45 ans, dans la force de l’Age, ayant gagné ses épaulettes, recut un ordre de mission de Louis XVI et de son Ministre de la marine, le Maréchal Charles, marquis de Castries, de se rendre au Nord-ouest de l’océan Pacifique dans la région de ]’Alaska et du Détroit de Béring, afin de se rendre compte au sujet du mystérieux probléme de !’existen- ce d'un passage nord-ouest (Pacifique-Atlantique) dans les régions polaires, hantise des amirautés européennes. Even- tuellement, jeter les bases d’établissement de postes de relais, de traite de fourrures, 1a ot: les Russes descendent de la Sibérie et les Espagnols montent du Mexique, se regardant anxieusement qui va occuper la région cétiére si riche: pourquoi par les Francais, 1a aussi? Premier aodt 1785, La Pérouse quitta le port de _ Brest, commandant le navire 1’Astrola- be, d’Escure, la Boussole, avec La Borde Marchianville longérent les cétes de I’Ile de Vancouver, comme le firent les capitaines J. Cook, en 1778, G. Vancouver, en 1791, le Marquis de Roquefeuil, plus tard, en 1817, pour rencontrer le Chef Maquinna. Aprés un bien long voyage, arrivée en 1786, dans la région de Yakutat, Mont Saint-Elias, Port des Francais, Lituya, connue pour sa fosse géologique, la pire de la croite terrestre, sujette a des tremblements de terre, . des raz-de-marée. La, a leurs yeux stupéfiés de surprise, se dessinait a flancs de montagnes rocheuses de lave volcanique, une superbe baie, celle de Lituya, trés dangereuse, car on y pénétre par un goulet d’étranglement qui prend en traitre. La Boussole, l’Astrolabe jeté- rent l’ancre assez loin, d’Escure, la Borde Marchianville, fascinés par cette baie enchanteresse sur deux chaloupes, dix-neuf mem- bres des €quipages, décidérent de pénétrer dans le goulet d’étran- glement, sans l’aide d’un pilote aborigéne, et ce, malgré les avertissements de La Pérouse. On ne sait, ni comment, ni pourquoi, le ciel déchainé, des tourbillons, un maelstrom, un raz-de-marée, un ressac, quoi encore, les chaloupes et les hommes jetés sur les rochers en aiguilles acérées, les corps ~ déchiquetés, les chaloupes en morceaux. La Pérouse venait de perdre deux officiers, deux amis, dix-neuf membres de _ son équipage, tous dévoués, ses deux meilleures chaloupes. Désespéré, il fit €ériger un monument commémoratif por- tant une plaque et les noms des victimes de ce malheur. On donna lenom de La Pérouse a un glacier du Mont Crillon (3,924 métres) Alaska. Deux siécles durant, Lituya tomba dans les oubliettes de Vhistoire. Mais... Mission de recherche En juillet 1978, le gouverne- ment francais avait appris que le cénotaphe de Lituya aurait disparu ou sérieusement endom- ~ magé, par les aborigénes ou par les Russes, @ une €poque lointaine. On sait que l’Alaska a été vendue aux Etats-Unis, en 1847, pour la somme de 7,500 $ soit deux cents l’acre, On chargea le Commandant Jean-Pierre Bousquet avec l’Aviso-Escorteur “Amiral Char- ner.’ 180 hommes 4 bord, d’aller se rendre compte de la véracité de l'information et prendre des mesures pour la _ restauration éventuelle du monument. Le 25 juillet 1978, escale aVancouver ; Jean-Pierre Joanni- dés, secrétaire général de l’Alliance francaise, mit son auditorium a la disposition de M. Jean-Jacques Galabru, Consul général de France et Madame,. pour une réception en l"honneur du Commandant Bousquet, ses officiers et une cinquantaine de membres de l’€quipage. Nous avons réussi a nous entretenir quelques instants avec l'invité de marque sur sa mission, et également quelques mots sur l’Aviso “Amiral Charner” l’hom- me de la glorieuse épopée de la France sur les mers et les océans. Que trouva le Commandant Jean-Pierre Bousquet a Lituya en 1978? Nous ne l’avons jamais su. Mission au Kamchatka Louis XVI, un passionné de la géographie, voulut mettre la J s "g : ( A See! 4 France dans le décor du monde; il avait dans une piéce, une immense carte des régions du sud asiatique, des mers du sud, fles et presqu’iles, etc. s'intéressait a l’Australie, mais déja occupée: il avait sous la main, [Jillustre marin, géographe, Pierre Claret, compte de Fleurieu. Ministre de la marine, il lui pointait du doigt soit sur l’immense carte ou le globe terrestre, des régions intéressantes, tout ceci finit par aboutir 4 organiser une expédi- tion de grande et longue envergure, des années, avec l'indispensable La Pérouse, dont la femme, Louise-Eléonore at- tendait toujours ses retours... trés rares, par ailleurs. La Pérouse, l’homme a qui on confiait les meilleurs navires de la Marine francaise, dont ]’Astrola- beet La Boussole. Ses escales, trés nombreuses: Brésil, Chili, Ha- waii, Manille, Formose, Corée, Japon, Ile Sakhaline (ex-Russie et Japon) et la _ péninsule volcanique de la Sibérie, le Kamchatka. La Pérouse, en prévision d’un © long séjour dans cette région — russe, avait engagé un interpréte rencontré ala Cour de Versailles, le jeune Jean-Baptiste Barthélé- my, baron de Lesseps (1766- 1834). Joa, cli cpa i