Le Moustique Volume 4 - lle Edition ISSN 1496-8304 | Novembre 2001 ou il y aura a voir et A manger. C’est un cadeau précieux car, dans la famille, le chocolat belge est une religion dont les a adeptes, trés croyants, ne ratent aucune messe, aucune dévotion. En tant qu’espéce eucharistique, j’entends bien sir le seul, le vrai chocolat belge. Pas celui que j’ai découvert, il y a peu, a Vancouver : un baton de chocolat dit "belge", portant sur 'emballage les couleurs de ce pays, mais fabriqué au Québec. ll avait un gout excessivement sucré de friandise américaine et, d’aprés la composition détaillée au dos, il aurait été fabriqué avec, tout spécialement semble-t-il, une "liqueur de chocolat belge"” importée. Qu’est-ce donc que cette sinistre invention ? En tous les cas, une veritable hérésie. On a fait des guerres de religion pour bien moins que cela. Non, non ! Le bout de chocolat qui fond a présent dans ma bouche gourmande est une sorte d’ambroisie que doivent nous jalouser tous les dieux de I'Olympe. Sans étre excessivement sucré, c’est un élixir d’énergie. Il fond a la température du corps ; c’est alors un plaisir sensuel, en plus d’un aphrodisiaque. Et pour rassurer les diététiciens, avec son beurre de cacao pur et raffiné, c’est une délicieuse concentration d’oméga trois et six. J’en parierais bien volontiers ma prochaine tablette de chocolat. Quelques groupes de marcheurs se sont méme arrétés a notre niveau. Je suppose que mon état de sainte volupté a dd les surprendre, sans doute méme, les intéresser. J’ai remarqué leur manége a ce que le "tintinabulement", constant le long du sentier, c’est tu soudain. II faut dire qu’a l'exception de ma fille et moi-méme, tous les randonneurs que nous avons rencontrés portent au bas de leur sac a dos une ou plusieurs clochettes qui resonnent & chacun de leurs pas. La raison ? Eloigner les ours, pardi ! Mais j’ai du mal a croire que cela puisse avoir une certaine efficacité. J’imagine mal les ours, gros monstres poilus, s’enfuir au son de ces clochettes. Je pense pour ma part que la raison en est tout autre. Tout ce tintamarre n’est créé que pour éviter de se perdre et, probablement, afin de se rassurer un peu. Ces grands sportifs me font penser en fait aux jolies vaches suisses qui paissent paisiblement, une grosse cloche attachée au cou, sur les hauts alpages des Alpes. Nous avons refusé, ma fille et moi, d’attacher ces choses bruyantes a nos sacs. Ne serait-ce qu’en considération du poids supplémentaire qu’elles représentent. Nous avons opté plutét pour le vaporisateur de poivre que je porte virilement sur le cété. Il est vide toutefois. Pour le poids encore et surtout pour le fait que nous ne supporterions pas le spectacle d’un ours, impressionnante créature de la forét, en train d’éternuer et de pleurer devant nous. Nous avons emporté avec nous le seul conteneur a des fins de dissuasion. Nous nous sentons obligés de dire a tous ces badauds qu’il ne nous reste plus de chocolat belge. Il en resterait d’ailleurs que nous ne partagerions pas davantage. Cette religion qui est la nétre n’est pas préteuse, du moins pas de ses saintes espéces. Pour leur échapper, nous nous remettons en marche et, trés vite, nous quittons enfin le pays du sable pour celui ou le grés argileux a encrotitement d’algues brunes s’ouvre immense devant une mer en retraite. On marche a grands pas a présent. Le chocolat fait des miracles. C’est sans conteste la potion magique des belgicarum triborum. Jean-Jacques Lefebvre 8 suivre dans le prochain Moustique !