Tandis que M. Bourassa s’appréte a rouvrir officieusement a Victoria les con- versations avec ses collegues des autres provinces sur le theme controversé de la politique ‘sociale, il nous tombe sous la main un document fédéral rempli de statis- tiques instructives. Devant les exigences du Québec en ma- tiere de politique sociale, Ottawa a fait la sourde oreille. se bornant a offrir des con- cessions nominales qui ne signifiaient A peu pres rien en pratique. A Vencontre des revendications du Qué- bec, on a fait valoir deux objections clas- siques. Selon ces objections, l’intervention directe du gouvernement central dans la politique sociale serait nécessaire afin d’assurer des “‘normes nationales”. Elle serait également requise comme mécanis- me de redistribution de la richesse. I] est intéressant d’examiner ces deux postulats a la lumiere des faits et des chif- fres que résume le numéro d’avril 1971 du ‘‘Bulletin statistique trimestriel”. pu- blié par le ministere fédéral de la santé nationale et du bien-étre social. e Dans cette publication. on énumére les divers régimes fédéraux qui étaient en vigueur a la fin de 1968: sécurité de la vieil- lesse; supplement de revenu garanti; régi- me de pensions du Canada: allocations fa- miliales: allocations aux jeunes: régime d’assistance publique du Canada; assistan- ce chomage; assistance vieillesse; allo- cations aux aveugles; allocations aux invali- des: subventions a-la santé et au sport amateur; subventions nationales au bien- étre: assurance-hospitalisation et services diagnostics; subventions générales a4 la santé: subventions a la construction d’hé- pitaux; caisse d'aide 4 la santé. On en- treprend ensuite de fournir la somme des montants versés par Ottawa dans cha- que province, au titre de chaque program- me. Or, des que l'on veut entrer dans le detail, il s’avere impossible de concevoir des tableaux qui situeraient le Québec sur le méme pied que les autres provinces. En vertu du droit d'option prévu dans la loi de 1964 sur les programmes établis ou Québec s'est, en effet, retiré, moyennant compensation fiscale ou financiére, des programmes suivants: allocations aux jeu- nes: assistance-vieillesse; allocations aux aveugles: allocations aux invalides; assis- tance - choOmage; assurance - hospitalisa- tion: subventions générales 4 la santé; ré- gime d’assistance publique du Canada. Sans rien toucher en retour, il a également re- fusé de participer 4 au moins deux autres programmies. Au titre des divers programmes fédéraux, le Québec aurait pu. en 1968, toucher un peu plus d'un milliard du gouvernement central. Par l’exercice du droit’ d’option, il s'est assuré la gestion directe d’au moins la _moitié de cette somme. soit environ $500 millions. Le statut distinct ‘de facto” acquis par le Québec depuis 1960 est tellement Un document fédéral instructif sur la politique sociale étendu qu’il ne reste plus, sous la direc- tion immédiate d’Ottawa, que deux program- mes importants, soit les allocations fami- liales et la sécurité de vieillesse (a laquelle Ottawa a greffé en 1968 le ayep erent de revenu garanti) (1). En moins de quelques années, on avait franchi en 1968 la moitié du chemin qui conduit a la réalisation de Vobjectif du Québec. Fait intéressant: la liberté dont s’est prévalu le Québec était également disponible pour les autres pro- vinces, mais aucune n’a jugé bon d’en user pour aucun des programmes mentionnés. Voila le langage des faits. Si l’on était parti. 4 Victoria, de cette approche concrete au lieu de se laisser aveugler par les abstractions du document de travail fédéral sur la sécurité du revenu. on eit mieux compris que MM. Bourassa et Castonguay ne faisaient que pousser a son aboutissement logique une evolution déja solidement commencée. On aurait mieux compris aussi qu’il est parfaitement pos- sible de donner droit de cité 4 cette aspi- ration québécoise sans que la politique na- tionale applicable au reste du Canada en soit paralysée. M. Trudeau, en réponse a des interven- tions de M. Castonguay, a affirmé a main- tes reprises que le Québec pourrait se do- ter de toutes les lois sociales qu’il voudra, mais a condition de les financer lui-méme. Cette réponse est un grossier sophisme. Il est étonnant qu’on n’en ait point fait. éclater plus t6t le caractere démagogique. D’abord. M. Trudeau laisse entendre que le Québec aurait l’intention plus ou moins avouée de faire financer par le reste du pays des programmes qu’il voudrait étre seul a s’offrir. Rien de plus faux que cette insinuation. Ce que demande le Québec, c’est fonciérement le prolongement et 1’ex- tension de la politique suivie depuis quel- ques années, c’est-a-dire le droit de con- cevoir et d’administrer lui-méme ses pro- grammes de sécurité sociale et, complé- mentairement, quand il exerce son droit d’option par rapport a un programme fédé- ral, le droit 4 une compensation fiscale équivalente a la somme qu’Ottawa. dans ce cas, eit dépensée dans le Québec. Il ne de- mande rien de plus. rien de moins que ce qui est donné aux autres. C’est d’ailleurs ce qu’établissait nettement un document qué- bécois remis aux participants 4 la confé- rence de Victoria: ‘Suite a 1’application des propositions du Québec, aucune provin- - ce du pays ne devrait se trouver dans une situation privilégiée en ce sens qu’el- le bénéficierait d’avantages _ financiers provenant du gouvernement fédéral qui se- raient supérieurs 4 ceux dont elle dispo- serait dans l’hypotheése oii la politique so- ciale serait une responsabilité prioritaire- ment fédérale’’. Les avocats de la these fédérale ont éga- lement laissé entendre & maintes reprises que les lois sociales d’Ottawa auraient un effet égalisateur essentiel pour l’ensemble du pays et qu’Ottawa ne saurait renoncer A une telle action sans renier sa vocation. Une étude sommaire des chiffres conte- nus dans le ‘Bulletin’ statistique trimes- triel” réserve 4 cet égard quelques sur- prises. ; En 1968. nous dit la publication fédérale, le revenu moyen par téte était supérieur en Ontario d’environ 26% a celui du Qué- bec ($3,065 vs $2,406). Or. une compilation des sommes recues d’Ottawa par les ci- toyens ontariens au titre des program- mes analysés dans la brochure permet d’établir que ceux-ci auraient recu en 1968 environ $160 par téte. alors que ceux du Québec auraient touché (équivalence fiscale et paiements compensatoires compris) environ $174 par téte. La différence, dans ce cas, ne serait que de 10 p.c., alors ~ quelle était de 26 p.c. au chapitre du re- venu. Si ces chiffres sont exacts (un léger ajus- tement pourrait s’imposer en raison d'un decalage de quelques mois dans les pério- des servant de base a la comparaison), ils montreraient qu’on a raison de se me- fier de M. Trudeau quand iil fait miroi- ter aux yeux des Québécois le 30 p.c. de ensemble des dépenses fédérales qu’ils recevraient au titre des allocations familia- les. Pour ce dernier programme, le pour- centage, en 1970, n’était plus que de 29 p.c. alors qu’il était de 31.2% pour la pé- riode allant de 1945 4 1965. Pour l’ensemble des programmes analysés dans le Bulletin statistique trimestriel, il se situait plutét, en 1968, autour de 26 p.c.. alors que la proportion de la population québécoise dans le tout canadien etait de 28 p.c. et que le revenu par téte au Québec était infé- rieur de 10 p.c. a la moyenne nationale. _ Ces chiffres nous rappellent opportuné- ment qu’il existe au Canada des zones plus pauvres que le Québec. Ils indiquent aussi que les formules fédérales de re- distribution restent @ maints égards insa- tisfaisantes et surtout qu’on aurait tort de faire croire au Québec qu’il est. en ver- tu, de tous ces programmes fédéraux, “Ya femme entretenue de la Confédéra- tion”. @ On a essayé, 4 Victoria, la méthode de l'approche dite globale et logique. Cela a eu pour effet de’ figer les autres parte- naires. Si l’on veut rouvrir le dossier de la po- litique sociale, il faudra le faire a partir des faits et des chiffres des dix derniéres années. A l’aide de ces données, le Queé- bec peut faire admettre au reste du pays que la formule d’un statut distinct dans son cas n’a rien de terrifiant ou d’injuste pour les autres. I] pourrait aussi amener d’autres provinces & reconnaitre que, tout compte fait. des politiques de péréqua- tion plus raffinées*auraient. en bien des cas, des effets égalisateurs plus certains que les politiques centralisatrices d’Ot- tawa dans le domaine social. @ Le Devoir, Claude RYAN (1) I n’est pas question, dans la publication étudiée, de la loisurla formation profession nelle et de |’assurance-ch6 Mage. meester iDirecteur- Rédacteur en chef: Directeur administratif ; Rédacteurs : Avec la collaboration de : Gilles Aerts Jacques Baillaut Alain Clerc Brigitte Clerc Gerry Decario Roger Dufrane Le Soleil, anciennement Le Soleil de Vancouver, fonde en 1968 et L’Appel, fondé en 1965, est un journal indépendant publié chaque semaine par Le Soleil de Colombie Ltee, Case Postale 8190, Bureau L, Vancouver 14, C.-R. Myriam Bennett . Robert Bennett Jean-Claude Arluison Daniel Montroty Edmond Girault A.A. Hards Ladislas Kardos Jennifer Lulham Carmen Primeau Jean Riou Le Soleil Tél. 266-9422 ;, 266-9422 Abonnement [_] ‘Réabonnement. O ‘NOM se ec ec eee ecccccccccccccccccosoccccedes d’‘abonnement ADRESSE 3 © © © © © © OH8KHSHHCOSHSEHSOHSHOHSSEABEOHEEE” VILLE 3: 2. 2. ce eee Lets PROVINCE : cccccccces DATE 3s.0cccceeeeeeees . .Boite Postale 8190 ‘Station L Mancouver, 14, B.c. lan: $6.00 6 mois ; $3.50 II, LE SOLEIL, 6 AOUT 1971