16 - Le Soleil de Colombie, vendredi 4 mars 1988 REPORTAGE Une interview de Franck Piccard, médaille d'or du slalom super G et médaille de bronze en descente « Cest le moment sportif qui prime »» Samedi 27 février. Soirée spéciale au club France: Yensemble de la délégation francaise est présente. Che- veux courts, pull over rouge, jean, teint halé, Frank Piccard est de la partie, un verre de champagne a la main. Une médaille d’or en slalom super G et une médaille de bronze en descente ont fait de lui un homme heureux et permis au ski francais de renouer avec lIa_ victoire. Pourtant, homme respire la simplicité, le naturel: «On se tutoie?» - Avec quelques jours de recul, peux-tu exprimer ce que tu as ressenti en montant sur la premiére marche du podium? - Durecul, je n’en ai pas encore suffisamment. En fait, le grand moment, c’est surtout l’arrivée sur la piste et les minutes qui suivent. On se dit que ce n’est pas possible, on est complétement pris par l’événement. Pendant la descente, on domine, on attaque, on sait ce que l’on fait. A larrivée, avec la victoire, tu es perdu. C'est sar, le podium signifie quelque chose mais c’est le moment purement sportif qui prime. - La marseillaise? - Cest sar, ca dérange. Tu te dit que tu es 1a, que tout le monde te regarde, c’est... (silence). - Ces médailles, tu les dédies a quelqu’un? - Non, elles m’appartiennent. Simplement, je tiens 4 remercier ma famille, mes amis, la Fédération Francaise de_ ski, aussi... - Tu aurais aimé que ta famille soit a l’arrivée? - Non, surtout pas. J’aurais eu trop de mal a réaliser ce que j’ai fait. - N’ayons pas peur des compa- raisons. Aprés le super G, tu t’es retrouvé numéro un. Comme Ben Johnson aprés un sprint ou Serguei Bubka aprés un concours de saut a la perche. Tu réalises? -C’est quelque chose de difficile 4 imaginer. Prenons le cas de Johnson. Quand je l’ai vu courir et battre le record du monde du 100 métres l’an dernier, j’ai frissonné devant ma télé. Alors, je me dit: est-ce que les téléspectateurs et les specta- teurs ont, eux aussi, frissonné en me voyant descendre? Ca laisse une impression bizarre, je n’ai pas de réponse. - Le ski ne fait pas partie des sports les plus populaires en Vous étes 4 Vancouver, vous allez a Calgary. Quatre solutions s’offrent 4 vous: la voiture, le bus, I’avion, le train. Passons sur la voiture, les douze heures d’exercice soli- taire de la conduite, le désert du bitume, les caprices de la batterie... Le bus? Bonne idée: la célébrissisme compa- gnie Greyhound, non contente de pratiquer des _ tarifs raisonnables, vous propose d’expérimenter la position foetus. Aprés dix-sept heures passées recroquevillé sur 0,25 métre carré, vous n’avez plus qu’a réapprendre a mettre un pied devant l'autre. Comme a la troupe! L’avion alors? Evidemment, l’avion... Le confort, la rapidité, les hétesses et tout... Mais bon, primo, c'est pas donné, secondo, en période olympi- billet vous vaudra la médaille dor de la débrouillardise. Reste le train. A priori, rien de trés engageant: le voyage dure 22 heures. Oulal! Prise de téte garantie! Seulement voila, il parait que ¢a se supporte et que ca vaut le coup d’oeil. Alors va pour le train. Curieux, les départs en gare de Vancouver. Pchiiiit. Le train crache une €paisse fumée, rappelant les quais opaques chers 4 Hitchock. On n’y voit goutte. Premiers pas dans le train, repérage de la couchette et hop, direction le wagon panorama, une voiture suréle- vée recouverte d'un _ toit que, décrocher le précieux ~ inti MLO ACUU Dieta Au train ou ¢a va... convexe en verre. Personne ne se connait, tout le monde se parle. Votre regard vient-il a croiser celui du voisin, aussit6t la conversation s’engage sur le mode «How are you, Where are you from, nice to meet you et caetera». Convivial. Rapi- dement, la nuit tombe. Repas, pipi, dodo. Demain, il fera jour. Et comment! Au _ matin, festival des pupilles, la naturé part en feu d’artifice. Décor grandiose. Verte, blanche, bleue, l’Alberta a revétu les couleurs de l’hiver ensoleillé. Les sapins rongent de leur cime aigiie la dentelle neigeuse devenue fine et fragile parure naturelle sous les_ effets réchauffants du ciel bleu. Les montagnes enneigées forment une haie d’honneur dans laquelle s’engage péniblement . le convoi que son ombre semble dépasser. I] martelle les rails, transperse les tunnels et tousseteux, serpente avec effort et régularité. A ses cétés, les riviéres ressuscitées limi - tent, l’eau se frayant un fréle passage entre les blocs de glace. Entre deux onomato- pées, les voyageurs mitraillent a travers les vitres criblées d’empreintes digitales. Arrive la plaine: Calgary approche. Quelques arbres squelettiques, hirsutes dans leur nudité, regardent, blasés, passer le train. Une voiture, quelques maisons et puis au loin une immense tour d’ou séchappe une flamme au parfum olympique. C'est Calgary. P.R. France. Il passionne moins que le soccer ou le tennis par exemple, Tadouble performance risque de ne pas étre appréciée a sa juste valeur. Ca t’inquiéte? - Non. Je me considére comme un sportif de haut niveau. Le ski est un sport trés physique, et qui demande beaucoup de prépara- tion. Les gens finiront bien par Y'admettre. D’ailleurs, les choses commencent a changer * en France, ¢a se sent. - A quel niveau? - Déja, les résultats des Francais. Ca faisait un moment que nous n’avions pas eu de médaille. C’est un signe qui ne Franck Piccard , 23 ans, 1,75 m, 68 Kg: 2 médailles. trompe pas. Ensuite, la présence des. journalistes francais a Calgary. Incroyable! -Justement. Du jour au lendemain, tu es devenu connu. Quels ont été tes rapports avec les médias? -Ca s'est bien passé. J’étais préparé a ca. Tous ont été corrects avec moi. J’étais fier, oui c’est le mot, fier. - Parlons argent. Des médail-. les, ¢a rapporte? - 200 000 francs pour la médaille d’or, 75 000 francs pour la médaille de bronze... (1) - Plus les retombées 4 venir... - Oui, mais jestime que c’est Carte Gd mémoire Vas-y ma puce |! Les Jeux Olympiques sont une période propice 4 toutes sortes d’essais. Ainsi, Philippe Gautier, Directeur de ITA (1) était venu, a Calgary de France, pour expérimenter une carte 4 micro processeur. L’utilité de cette carte se retrouve dans ses quatre domaines principaux: contré- le d’accés physique, contréle d’accés logique, fichier porta- tif, carte bancaire. Son atout principal? La sécurité. «C’est le seul outil capable de se refermer comme une huitre quand on tente de le violer. Aucune fraude n’est possible.» explique Philippe Gautier. Cette carte est un fruit de la technologie francaise: Moto- rola, Thomson et Bull ont participé a sa _ création. Pendant la période olympi- que, elle a été expérimentée au Club France. Elle réapparai- tra sans doute dans les manifestations sportives et dans les stations de sports dhiver. En attendant, ITA lorgne vers la France et Alberville ot auront lieu les prochains Jeux Olympiques dhiver en 1992. Car Alberville est en Savoie. Et ITA est une société savoyarde. Alors... (1) ITA, Le Boyat-Curienne 73190 Challés-les-eaux France mérité. C’est logique dans la mesure ow j'ai travaillé. Je vais gagner plus d’argent mais je ne peux chiffrer ce gain. Ca me permettra peut-étre d’assurer Vavenir. Une chose est stire, ¢a ne changera rien 4 ma facon de vivre. Ca me permettra de continuer a skier dans de bonnes conditions. C’est tout ce que je demande. - Que — fais-tu déchausses les skis? - Je me repose, J'ai besoin de calme. - Si sage que ¢a? - Jécoute pas mal de musique, du rock essentiellement et je fais de la randonnée en moto. - Les prochains Jeux Olympi- ques auront lieu en France, en Savoie. Tu seras chez toi... - 1992, c'est loin. En quatre ans, il peut se passer beaucoup de choses. Bonnes et mauvaises... Propos recueillis par Patrice Romedenne. (1) Au total 275 000 francs soient environ 62 000 dollars canadiens. lorsque tu Voyage L’un des milliers de ballons lachés le 13 février dernier lors de la cérémonie officielle ouverture des Jeux a atterri au Danemark, précisément a Jelling, 4 250 kilométres de Copenhague. Il a parcouru 7200 kilométres. Ce sont deux petites filles, Johanne Pinholt (6 ans) et sa soeur Katherine (3 ans) qui l’ont retrouvé.- Argent 309 millions de dollars: c’est la somme payée par la chaine américaine de télévision ABC pour avoir l’exclusivité des Jeux de Calgary. Shopping Les athlétes soviétiques ont remporté la médaille d’or-de la consommation. «ls achétent tout» disent les commercants de Calgary. Leurs préféren- ces: les jeans et les disques. Gros appétit 800 steaks, 2500 oeufs, 1400 kilos de fruits frais: voila ce que les 2000 athletes présents a Calgary ont englouti chaque matin pendant la durée des Jeux Olympiques. Chamois « X »» Le COJO (Comité Organisa- teur des Jeux Olympiques de 1992 A Alberville, en France) a trouvé une mascotte: c’est un chamois. Reste a lui trouver un nom. Pour cela, un concours va étre organisé. Petites soeurs Calgary, représentée par son maire Ralph Klein, et Alberville, représentée par son maire Henry Dujol et par Michel Barnier , président du Conseil Général de Savoie sont jumelées. eS ae