VOUT 2 i Caiwion = — OF UCtoore 1777 Page ¢ LE WIUUSUCUC M ono i Og ue. ..» Suite du mois précédent. C'est ainsi qu'en me retournant, j'ai vu enfin I'escalier vert. Quelle soudaine exaltation ! Jen avais tant entendu parler. Jamais je ne l'avais apercu. Tous les jours passés, de tous les propos, il en avait été le centre. Tant6t une simple injonction accompagnée du regard sévére d'une religieuse se voulant des plus dissuasives, tant6t, dans le confinement d'une cornette, d'étranges et horribles aventures m'étant contées sur cet escalier de tous les dangers. Et, il était la ! Facile 4 reconnaitre par les inquiétantes descriptions qu'on m'en avait donné. A la fois gréle et prodigieux, il s'élancait du tapis vert, dans lequel il semblait prendre racine, vers un ciel bleu pale éclaboussant de luminosité ov il paraissait se perdre. Sans l'ombre d'une hésitation, je me précipitai. Cette image avait enclenché une nouvelle quéte, le départ d'une longue marche dans des territoires encore inexplorés. Jamais je n'aurais pu penser combien ce gazon était immense. C'était l'océan a franchir pour meériter de fouler des terres nouvelles. Je me langai sans savoir si mes petites jambes m'y porteraient, s'il ne s'agissait de quelque mirage ou si une tempéte de cornettes et de percaline blanche n’allait pas m'emporter pour finalement me noyer dans un abime de reproches. Mais j'étais 4 présent un explorateur averti. A combien de mystéres n'avais-je pas déja touché ? Et le danger ne pouvait plus m’arréter. A avoir tenu jusqu’a la, je devais étre invincible ; le monde m'appartenait. Les interdits étaient devenus les clefs de I'inconnu, la source d'impressions nouvelles que je m'essayais de présager. Sans plus ressentir la fatigue ni les chutes impatientes, je courrais presque, le visage et les bras tendus vers l'impossible. Car je me voyais déja_ tout en haut. Plus haut que les aloés, plus hauts que les adultes, peut-étre plus haut que le ciel. Et c'est ainsi que, presque sans m'en apercevoir, j'ai eu traversé le pays du gazon. L'herbe s'arrétait brutalement, butant sur une ligne infinie marquée par un dallage de béton semblable a celui qui menait 4 mon dortoir. Etais-je au bout du monde ou revenu sur mes pas ? Ou bien le monde était-il effectivement un motif décoratif, une répétition des mémes objets a I'infini : gazon, dortoir, gazon, dortoir ? Au moins, il y avait l'escalier qui faisait toute la différence. Ancré dans le ciment, . alors que je le pensais excroissance vert pale, issue de la masse herbeuse, I'escalier en pente accore s'accolait au mur grisatre d'un batiment 4 toit plat. Il ne montait pas non plus jusqu'au ciel, mais semblait accéder a la terrasse du toit par une petite plate-forme métallique du méme vert tilleul que les marches dont chaque hauteur me venait a la moitié du corps. L'entreprise devenait des plus hasardeuses. J'ai cru un moment impossible de franchir ce dernier obstacle. Que dis-je ? Ces obstacles, car il m'allait falloir escalader chacune des marches de cette voie ou un vide périlleux s'ouvrait 4 chaque halte. Mais cet escalier me plaisait. Je n'en avais jamais vu de semblables ou je pouvais presque aisément passer tout le corps entre deux marches. Aussi, en le grimpant, chaque fois que la fatigue me prenait, j'appuyais les coudes sur le replat de la marche du milieu et, les pieds sur la marche du bas, je passais la téte sous la marche d'en haut d'ou je pouvais admirer alors, de loin en loin et pour la premiére fois de ma vie, la terre qui semblait s'agrandir 4 chaque fois, C’était une aventure extraordinaire et également toute nouvelle car on m'avait toujours porté, dans les quelques escaliers que j'aie pu connaitre. Mais la position était dangereuse car on pouvait me voir de loin et il semble qu'une certaine agitation gagnait le clan des nonnettes que I'on voyait de plus en plus souvent virevolter entre les aloés, dans un lointain tumulte d'appels et de serge froissée. I] n'était plus question de flaner, il fallait 4 tout prix mener I'expédition a son terme avant que l'une de ces moniales ne la fasse échouer avec ses bonnes intentions, ses veeux d'humilité, ses raisons et bon sens. Les anges gardiens peuvent parfois se montrer pesants ! J'avais déja la conscience profonde que l'idée de sainteté n’était pas particuligrement rigolote et je n'en aimais pas trop l'odeur. J'avais assimilé la technique, acquis le rythme : appui sur les coudes, lancer la jambe droite, coincer le pied sur la marche supérieure, se pousser en avant jusqu'a en