Septembre 1968 L’APPEL Page 9 UN CANADIEN ERRANT (Suite de page 8) Oh oui j’admets bien volontiers que parfois je répondais a la supériorité par la supériorité. J’avais “pride and honour’’ qui étaient loua- bles parfois mais déplorables d’autres fois. Un des “tough” dont j’ai parlé en d’autres parties ne cessait jamais en ces comités d’utiliser des mots vulgaires de quatre lettres qui me cho- quaient, venant de la part d’un officier assez haut-gradé; lui qui était monté du “lower deck’’. Etant connu pour parler en langage décent, je me permis de perdre la téte un jour et expliquai ma théorie sur une certaine dis- cussion en langage identique et sacrant, par exprés, exactement comme cet ignorant aux galons dorés. Il rougit de honte aux éclats de rire du groupe. A la réception qui marquait le dixiéme anniversaire de la formation de ce comité il chercha revanche en m’accusant devant le grou- pe: “You ignore ignorants don’t you Gaston.”’ Tl faut dire qu’il était fier de son ignorance, qu'il voulait déployer 4 tous son mérite d’étre monté si haut malgré ses humbles débuts et e’était en parlant son langage de matelot qu’il voulait passer pour un ‘tough’ pour un de ceux “who made it.’’ Ma réponse fut aussi arrogan- te que celle que je reproche aux anglais. “Yes, I ignore ignorants, I ignore those of us who refuse to progress with their promotions, tho- se who do not have language, manners and in- telligence to match the stripes on their sleeves” Comme excuse 4 mon attitude je dois dire que je pensais 4 tous ces francais moins igno- rants qui n’avaient aucune chance au monde d’étre promu officier tandis que des ‘show-off’ comme lui “could make the grade.” A un autre comité, un Commandant origi- naire de l'Ontario ricana devant un amiral que le Québec n’était pas de taille avec la balance du pays. “You and your old women knitting in rocking chairs’’ disait-il. “You and your stupid liquor laws, your dull sundays, your puritan clubs should compare yourself with the viva- ceous and sophisticated Montreal life and not with our peasant women” répliquai-je avec flamme dans les yeux, moi qui étais de beau- coup le plus subalterne du groupe, comme se- erétaire du comité. Je devrais écrire un livre intitulé: “How not to be promoted’. Nous avions bravé les eaux les plus terribles du monde peut-étre. Ces montagnes liquides a- vaient menacé d’engloutir le navire qui avait miraculeusement réussi 4 vaincre la furie de Neptune pour déposer la princesse Elizabeth a St-Jean, Terre Neuve, de la traverse de Charlot- tetown, Ile du Prince-Edouard. J’avais été gar- de de la future reine et été témoin qu’elle n’a- vait pu dormir beaucoup durant cette nuit qui vit des chaloupes fracassées et le navire se- coué de babord a tribord, de la proue a la poupe, sans régularités logiques. Notre mission royale était terminée. Deux jours plus tard, nous escortions le “Britannia’’ du roi en mer et aprés le salut de navire 4 navire selon le pro- tocole royal, nous mettions le cap brusquement a tribord vers les eaux bleues et limpides, et le climat tropical de Puerto Rico, notre prochai- ne destination. Pour célébrer notre “mission accomplished” nous étions assis 4 un “mess dinner” au cours duquel mon patron était le Président du diner et moi le Vice-président. Ce diner fut normal, e’est-A-dire bruyant, noyé de vins et joyeux a Vextréme. A la fin du diner selon la tradition, le Président se leva, me proposa le toast royal en commandant “Mister Vice, the King”. A mon tour je levaj mon verre pour transmettre l’or- dre du Président aux convives mais au lieu de dire “Gentlemen, the King’’ je commandai en francais “Messieurs, le Roi’’. Un froid se ré- pandit dans toute la piéce, les faces souriantes, éméchées par le vin se raidirent et un silence embarrassant changea en un clin d’oeil une exhubérance en une indignité. Tous se balancé- rent d’une facon précaire 4 V’attention. La fan- fare attaqua le “God Save the King” dont les sons semblérent drdlement faux. A la conclu- sion soulageante du premier des airs imperiaux, les officiers levérent leur verre et murmuré- rent: “Le Roi’. Tous s’assirent et le silence lugubre fut cassé par un commandant 4 la face rouge qui s’‘indigna: “That’s going too far.’’ Un vétéran des deux guerres reprit: “I’m sure this is the first time this has happened since Nelson’’. Sabre tiré, sur mes gardes, j’attendais la premiére attaque directe quand, a mon en- couragement j’observai la figure souriante du Président qui cligne l’oeil en signe d’approba- tion. C’est tout ce que j’avais besoin pour me regaillardir. Ce premier sourire, observé par d’autres fut successivement et graduellement suivi par plusieurs courageux signes d’approba- tion sympathique. Par répercussion, comme seul francais faisant face 4 une cinquantaine d’officiers de la Princesse qu’ils venaient de quitter, ma ferme ou folle bravade se changea en gratitude devant leur changement d’attitu- de. Voulant gentiment compromettre, j’expli- quai alors au groupe que le monarque dont on dit que “le soleil ne se couche pas sur son em- pire” méritait d’étre trinqué en toutes langues parlées dans ses domaines. Pour quelques se- condes toutefois, les réles avaient été ironique- ment changés et tous & a part de moi, je crois, avaient di se sentir des “canadiens errants”. a suivre OPES SPS SSSSIS FSFE PPP FP PP PP PPD PPP PPP PPA A tous mes amis et Mes clients, sachez que West, le centre de ma compagnie, Avec d’aussi bons produits, vous Y trouverez satisfaction. QUI SUIS-JE 936-7614