L'Arctique ... DEVON ISLAND eo Depuis dix-huit mois, a la suite de la découverte de pétrole a Atkinson Point dans le delta du Mackenzie, de la dé- couverte de gaz naturel par la com- pagnie Panarctic dens les iles Melville et Roi-Christian. ct depuis Ies voyages du pétrolier Manhaitan, le Grand Nord canadien nous intéresse de plus cn plus. Ces premitres découvertes de gaz et de petrole ont mis en lumiére: la nécessité de préserver la qualité du milieu et Vindépendance économique et culturelle des habitants de ces ré- gions. : La toundra canadienne, la plus vaste ct la plus diversifige du monde, est constituce de pergclisol recouvert dune légére couche de terre favorable a la vegetation. A travers les sitctes, il s‘est eréé un cquilibre malgré la rigueur du climat ct les plantes et autres formes de vie ne disparaissent pas tant que homme ne vient pas rompre cet équi- libre. Par contre, sil se sert de trac- teurs a chenilles ou autres vehicules lourds, if défonce ie sol qui, a ces en- droits, devient moins. isolant. L’année suivante le dégel y est plus accentué, les fondriéres s’agrandissent et la vic n'y reprend pas, ni sous forme végé- tale, ni sous forme microbienne. Bien- tot, la circulation y cst impossible méme pour Ics animaux. | On connait mal la toundra a cause de la faible densité de la population de l'Arctique, de la rigueur du milicu, des grandes distances et du cottt Glevé de la recherche dans cette région. Pour se documenter sur la biologie arctiquc, afin de formuler des lois de préserva- tion de la toundra, le Canada a lancé un programme complet dctudes ccolo- giques sur Ijle Devon, Tune des iles Reine-Elizabeth situ¢es & quelque 1800 miles au nord de Winnipeg. L’étude est faite par des chercheurs de cing umiversités canadicnnes sous les auspices du Comite canadien du Programme. biologique international. Ce Comité est forme de biologistes venus des milicux gouvernementaux ct universitaires et ils sont nommeés par le Conseil national de recherches du Canada. Ce projet d’ctudes est scule- ment Tun des nombreux programmes commiandités par le Comite dans le cadre du Programme biologique inter- national (PBI) auquel soixante pays patticipent dont la Norvege, la Suede, la Finlande et FURSS. Les informa- tions recucillics seront echangees. Laide financiere au niveau gouver- nemental est assurée par le Conseil national de recherches du Canada, le Service canadien de la faune, le Minis- tere des Affaires indiennes et du Nord canadien, le Ministére de l’énergie, des mines et des ressources avec son pro- gramme d’étude du plateau continental polaire et le Service météorologique relevant du Ministére de lenvironne- ment. Les compagnies Imperial Oil, Elf Oil, Mobil Oil, Gulf Oil, King Resources, Panarctic Oil, Atlas Avia- tion ct Ies universités de l’Alberta, de Calgary, de Camrose et du Manitoba et la Laurentian University accordent aussi leur appui financier. Le CNRC a fourni 75 000 dollars environ sur les 184545 dollars du budget de l’année 1970-1971. En 1971-1972, il y con- sacrera 100 000 dollars. Le camp situé sur I’tle Devon a été installé par l'Institut nord-américain de l’Arctique en 1960. Pour les études qui ont débuté au mois de mai 1970, on l’'a aménagé afin de pouvoir loger de 30 a 35 chercheurs durant l’été. Six d’entre eux ont l’intention d’y passer Vhiver de 1971-1972. Le Dr L. C. Bliss, du département de biologic de Université de l’Alberta nous a dit: “Les recherches ont pour but de determiner quelle est Vinter- action entre Ies animaux ct Ices plantes et leur adaptation 4 Icur milieu, Yun des plus austeres du monde. La vie, dans ces régions arctiques froides et denudces. est tres precaire et seulement quelques orgarismes ont pu s’adapter a ces conditions. L*un de nos buts prin- cipaux est de découvrir ies facteurs du milicu- qui regleni [a croissance et le developpement des animaux et des plantes et d’établir jusqu’a quel point nous pouvons modifier Péquilibre na- turel. ou écosysteme, sans le détruire. Le deversement de mazout, le déplace- ment de véhicules sur la végétation dé- trempeée. Vutilisation dengrais, la si- mulation du broutement des beeufs musques et Parrachage des sols ect de plantes peuvent rompre cet ¢quilibre. On ctudicra aussi Pinfluence que peut avoir sur les animaux des basses terres la présence de 20 a 30 personnes dans ces regions. Un groupe de cherchcurs. du camp Devon passera une grande partie de lété a mesurer impact sur les animaux et les plantes de Vactivité humaine et de la recherche de gisements de pétrole et de gaz naturel. Le gouvernement fédeé- ral ne pourra ctablir et: mettre en vi- gueur des lois sur l'utilisation du sol que lorsque nous aurons déterminé les perturbations causces dans |’Arctique, les moyens de les limiter, les méthodes de réparation des dégats causés a l’en- vironnement et leur cout. Il est aussi important pour l'industrie d’apprendre a reduire les cotits de ses opérations, ces cotits comprenant a Vheure actu- | elle les dommages causés a la végé- tation, auX poOissons ct aux animaux.” L’un des objectifs principaux de cette étude est de mesurer comment un systtme biologique peut emmagasiner Ténergie solaire par action des. plantes vertes durant un temps limite de 60 a 70 jours ect retransmettre cette energie aux insectes, aux invertébrés vivant dans le sol, aux lemmings, aux oOiscaux, aux boeufs musqués, aux _ belettes et aux renards. Durant les années ot les Iemmings sont particuliérement nombreux, un grand nombre de carni- vores, comme les choucttes blanches, Iles stercoraires, Ies belettes et les re- nards se multiplient aussi en grand nombre, le sommet de cette courbe étant atteint’ durant Yannée qui suit laccroissement des lemmings. Durant V’été de 1970 les lemmings ¢tant peu nombreux ct la nourriture rare, scule- ment trois couples de stercoraires ont fait leur nid dans les basses terres et on n’a vu aucune chouette blanche. On n’a repéré que quelques renards se nourrissant surtout de petits oiseaux et de leurs ceufs. Dans Ices basses terres on trouve habituellement un beeuf musqué, cing couples de petits oiscaux ect 570 lem- mings par mile carré. On note les mémes chiffres environ pour les Prai- rics. Les beeufs musqués se nourrissent de joncs ct se reposent sur Ics hauteurs en bordure des caux ot lair est plus chaud et sec. Ces hauteurs ont été for- mées par des dépdts qui ont émergé quand les caux se sont retirces aprés la période glaciaire. Ce sont des zones plus séches ot ne poussent que des plantes naines. La végétation y appa- rait unc ou deux semaines apres la fonte des glaces alors que dans les zones de joncs la croissance des plantes dure de sept a huit semaines. Le nom- bre de bactéries, de champignons, de XIV, LE SOLEIL, 10 MARS 1972