> Le Soleil de Colombie, vendredi 4 mars 1988 - 13 Par Jean-Claude Boyer [Suite de la semaine derniére] Linda et moi attendons au grand soleil, pouces relevés, sacs appuyés l’un contre l'autre. Elle me raconte des anecdotes sur le périple de plus de trois ans qu’elle achéve. La circulation n’est pas celle de New York. Déja vingt minutes d’attente. Linda com- mence le récit d’une aventure terrifiante vécue lors d’un voyage de dix jours vers les iles Fidji. Le capitaine l’a invitée a dormir dans le lit pliant de sa cabine, la dissuadant de dormir sur le pont pour raisons sécuritaires. Une nuit... C’est 4 ce moment qu’un camion s’arréte. Le chauffeur: un Algérien dans la trentaine a la carrure de footballeur améri- cain. Nous montons. Présenta- tions, questions mutuelles, bla-. gues. Je joue a /linterpréte professionnel. Nous roulons modérément. Conversation amicale, détendue. Mohammed (quel nom arabe original!) quitte soudain la grand-route pour nous faire voir une petite ville typique: rues non pavées, mosquée, maisons uni- formes, carrées couleur sable. Il s'arréte devant un semblant de restaurant pour nous offrir une eau gazeuse. (Il en ingurgite deux bouteilles en... deux ' gorgées.) «En été , nous dit-il a _brale-pourpoint, “a fazt telle- ment chaud que pour voyager dans le Sahara, je couvre le fond de mon camion d'eau et reste pieds nus. Et j’endurs le devant de graisse...» Nous reprenons la route pour nous retrouver bientét dans des montagnes verdoyantes a éviter constamment des précipices... De petites habita- tions primitives (ou villages) sont perchées ca et la. Quel contraste avec les étendues de sable sans fin hier! Mohammed est visiblement frustré de ne pas pouvoir parler directement avec Linda. Mon role d’interpréte s’intensifie. I] voudrait que l’Ontarienne l’aide a obtenir un visa de sorte qu'il puisse passer ]’été 1985 au Canada. Cent détails sur le «deuxiéme plus grand pays du monde», échange d’adresses. Questions discrétes de notre part sur sa vie privée. Il avoue, entre autres, avoir fait un enfant a une Turque au cours d’un séjour de 9 mois comme militaire en Russie. Dés que je mentionne Israél, un des pays que je visiterai sous peu, il m’interrompt: «Je ne veux pas en entendre parler!» Il m’offre en souvenir un paquet de cigarettes, méme s'il sait que je ne fume pas, puis, 4 nous deux, une petite liasse de dinars. Nous devenons perplexes; il s’en montre agacé. VOYAGES Récit d'un tour du monde En route pour Alger Nous acceptons donc, ce qui parait lui faire énormément plaisir. Plus tard, lorsque je dis a notre chauffeur qu’il a l’air d’un joueur de football au_ sens américain, Linda sort de son petit sac un roman illustré dont le héros est précisément un colosse spécialiste du ballon oval. Elle le lui offre en cadeau. Il refuse a regret, ne comprenant pas un traitre mot d’anglais. Une pluie fine tombe mainte- nant sur les verts paturages. Nous traversons la ville de Mascara. Tiens! un camion échoué dans un fossé. Un panneau annonce Mohammedia. C’est ici que nous faisons nos adieux a notre aimable géant qui poursuit sa route vers le Maroc. La température est devenue idéale. Nous entrons dans un restaurant «bien», pour le niveau de vie en Algérie. Soupe trop épicée, poulet roti... Linda poursuit son aventure éprouvante lors de son long voyage en bateau vers les iles Fidji. Cette nuit-la, le capitaine s approche de son lit, la saisit dans ses bras. Elle se débat vigoureusement, mais sans crier. «ll fallazt éviter le scandale», me dit-elle. «Luz avoir fait honte, dans ces circonstances, ¢’auratt été l’inciter aux violences». I) lui déchire ses vétements. Elle se débat de toutes ses forces. (Elle ena vu d’autres comme «ouvriére de la construction» dans des chantiers australiens). Au plus fort de la «tourmente», la téte renversée au bord du lit, elle apercoit une hache sous la frange d'une tenture... L’orage cesse dans les larmes, les appels au pardon, des envolées sur les affres de l'impuissance, la culpabilité... Tout compte fait, le malheureux capitaine se condamne_lui- méme, victime de sa_virilité provisoirement retrouvée! Il se montrera par la suite comme il avait été auparavant: affable et respectueux. Par ailleurs, des hommes d'affaires ont voulu louer les services de Linda alors qu'un souteneur a tenté de parler affaire... Elle n’échappera au guépier qu’a force de courage, de discrétion et de patience. Aprés le repas, nous achetons, sur le chemin de la gare, des régimes de dattes. Prochain train pour Alger: 20h30. La gare est remplie de soldats avec leurs grands sacs kaki. Plusieurs n’ont d’yeux que pour Linda.- Nous jouons a un jeu de cartes australien. La seule autre femme a attendre est une espéce de folle qui bouge sans cesse, nerveuse- cheveux épars, ment, regard vide. Le train arrive enfin, d’Ouahran (I’Oran de La Peste) , bien aprés l’heure prévue et comble, il va sans dire, au point que les portes restent toutes fermées. Les fenétres sont prises d’assaut, avec l’aide de linté- rieur. On dirait une armée prise de panique devant l’ennemi. C'est l’indiscipline parfaite. Nous avons recours a des agents qui ont la gentillesse de nous faire monter en lére classe mais... debout devant les toilettes, serrés comme des sardines! Nous parvenons a nous asseoir sur un de nos sacs déposé par terre sur le long. Dieu sait avec quelle intensité on nous fixe des yeux. Une heure plus tard, de nouveaux passagers réussissent a monter et a sentasser sans qu’aucun de nous ne descende. Des trous dans le bas de la porte du wagon et la corde qui retient celle des toilettes ajoutent 4 ce luxe de lére classe au pays de Camus. Une autre heure se passe. C'est maintenant le 2 décembre. Vérification des billets. Les deux préposés nous. «transférent», Linda et moi, dans le corridor d’un wagon a marchandises ow se trouvent des femmes voilées, des enfants endormis et. quelques vieillards. Plus tard, nous voila encore «promus», cette fois 4 nous asseoir sur des caisses a l’intérieur méme du compartiment. Je m’assoupis, me _ ré€veille en sursaut, m/’assoupis de nou- veau... avec l’impression téné- breuse de cheminer vers un cam, de concentration. Réveil brutal. Derniers grince- ments de _ ferraille. Grand branle-bas. Le jour est 4 peine levé. Linda et moi attendons notre tour de quitter le train, a demi-somnambules. A _ notre gauche, la Méditerranée a perte de vue; 4 notre droite, Alger la Blanche qui nous raménera vite aux mille et une contingences de la civilisation urbaine. Protégeons et des énergie DES REPONSES AVOS QUESTION SUR LENERGIE... UN SIMPLE APPELTELEPHONIQUE ET LE TOUR EST JOUE. Si, dans votre maison ou votre appartement, vous avez les problemes suivants: ¢ Une facture d’énergie trop élevée « Unchauffage excessif ou insuffisant ¢ Trop d’humidité ou de condensation ¢ Un manque d’air ou de ventilation _ Communiquez avec le Bureau canadien des économies d’énergie S renouvelables d’EMR au 666-5863 entre 8h 30 et 16h 30 E w& Energie, Mines et Ressources Canada U’Hon. Marcei Masse, Ministre : Energy, Mines and Resources Canada Hon. Marcel Masse, Minister Canada