Janvier 1968 ( si bonnes conclusions toutefois et par décence, si je ne voulais pas tourner une discussion en argument, il me fallait parfois m’esquiver pour éviter un affrontement indésirable. Ce fut ma tactique un soir aprés un “mess dinner” lorsque ce méme Commodore me déclara que: “If Que- bee becomes too noisy, we'll fight.” [1 avait au- paravant soutenu que mon accent frangais était ‘phony’? méme si je lui avais affirmé que je n’avais pas parlé anglais avant d’entrer dans la Marine; que malgré mes meilleurs efforts je ne pouvais exercer de contréle sur un accent qui m’était naturel. Et ce Lieutenant en 1953, lorsque Claxton, ministre de la Défense Nationale, s’adressa a une foule d’officiers des trois services 4 Mont- réal pour les inviter 4 la compréhension du Québec, qui me défia devant un groupe d’offi- ciers: “We should fight the Plains of Abraham all over again.” J’étais le seul Frangais du groupe et je me demandais s’il m’aurait dit la méme chose dans le carré des officiers du 22éme A la citadelle de Québec? On m’a trés souvent répété cette arrogance et je leur ai pardonné comme j’espére qu’ils m’ont pardon- né leg biens rares fois ot j’ai répondu: “Let’s fight the battle of Hastings all over again.”’ Tl y a aussi bien des civils qui ont cette at- titude sur nos droits, comme Cowan ce fa- meux député du parti libéral qui a aidé telle- ment la cause séparatiste québecoise. Inutile de répéter ses stupidités, il y en a trop. Que pen- ser de la philosophie de Manning; de Bennett et de Bonner qui représentent les Colombiens? Je ne veux pas discuter tels arguments; la presse s’en chargera et lavenir décidera. N’est-ce pas tout de méme de telles discordan- ces qui portent les René Levesque a dire: “Ins- tead of all this bickering, might as well sepa- rate.’’? Et si Québec décide de se séparer, je ne sais pas encore ce que la balance du pays peut faire contre telle volonté; ne réalisent-ils pas que c’est 1968 et non 1759 et que 6 millions chantent maintenant: “Rule Quebec, rule your- self’’. Ces 6 millions se sont fait dire depuis deux siécles: ‘Speak white.’’ Ils n’avaient pas la force de répondre auparavant, mais aujourd- hui ils relévent la téte et répondent comme cet ingénieur montréalais disait récemment a un groupe de Vancouver: “You’re right, from now on we shall speak white, the purest white you’ve ever heard.’’ Il se souvenait de la fa- meuse phrase de Voltaire je crois: “L’ Anglais? e’est le francais mal parlé.’’ Les chances de reconnaissance de ces droits sont extrémement minimes et ca prendra des années sinon une génération ou deux avant d’arriver 4 une solution partielle. Prenez l’ar- ticle 23 du Manitoba Act 1870, garantissant la liberté de deux langues officielles au Manito- ba. La célébration du centenaire n’a pas méme vu l’application d’un accord pourtant trés 1é- gal. Tels accords sont futiles. Les Frangais d’un océan A l’autre ont obtenu une série de concessions au cours des deux derniers siécles ; un gouverneur-général francophone, des tim- bres, des dollars, des chéques, imprimés dans L’APPEL ( page 11 les deux langues, échanges cofiteux d’étudiants et de professeurs etc ... une série de bagatel- les qui riment a rien et qui stimulent l’aigreur des Anglais. Les écoles publiques frangaises représenteraient une reconnaissance importan- te des droits, et sont essentielles d’aprés le premier ministre Robarts, mais 4 mon point de vue, c’est encore mettre la charrue devant les boeufs. Il faut convaincre la majorité, sans heurts; il faut “vendre’’ la culture francaise aux autres provinces sans les contraindre et comme pour la vente, le meilleur moyen c’est la publicité; la télévision francaise de ]’Atlan- tique au pacifique est alors de prime importan- ce. Je n’ai jamais compris comment le gouver- nement fédéral n’a pas saisi l’urgence et le besoin évident de la télévision par relais d’Ha- lifav 4 Victoria. Le cofit est comparativement ridicule vu les conséquences désastreuses & craindre. Il n’y a pas 10% des Colombiens qui ont méme une petite idée du Québec et il n’y a aucun moyen au monde de les éduquer sans la télévision. Comment peut-on les blamer d’étre ignorants ou étroits d’esprit s’ils n’ont jamais eu l’occasion de connaitre le Québec? Pourquoi ne pas introduire la culture francaise dans leur salon, d’un seul coup, démocratique- ment, sans les forcer, par l’entremise de la télévision diffusée de Montréal? Et ce qui m’in- téresse particuliérement, la télévision est la seule chose qui garderait mes enfants frangais, méme avant les écoles qui ne feraient qu’aider mais sang solution permanente. “First things first’’ et le reste viendra par surcroit. Je don- ne au plus 3 ans 4 mes enfants avant quwils ne perdent leur franeais, s’ils doivent regarder chaque soir la télévision anglaise. Mes enfants en sont tracassés eux-mémes. Comme disait mon Robert: “Papa, déménageons done a Qué- bee ot 1’on parle francais, parmi des gens comme nous, qui ne nous poseront pas telle- ment de questions sur notre nom, notre langue.”’ “Peut-étre Robert, peut-étre’’ lui ai-je pensi- vement répondu. Pour mon fils, le “chez-nous” est done le Québec que j’ai quitté. I] n’est pas seul & penser comme cela. A un cocktail des a- mies universitaires de mon épouse, on me reprocha. “Why did you desert Quebec, Gaston?” La seule réplique que j’ai pu trouver fut: “I didn’t desert Quebec, Tommy, I invaded B.C..” J’ai repensé a cette plaisanterie plus tard et ai permis 4 mon imagination entiére liberté. Je pensais 4 nos ancétres qui en arra- chaient dans ‘les quelques arpents de neige” et me demandais pourquoi, eux qui ont. été les premiers tout de méme 4 envahir les espaces sauvages de la Colombie, n’ont-ils pas décidé de s’établir ici, de prendre possession de cette immense province et de voir leurs labeurs ré- compensés par une nature généreuse? De 1a, jai révé: “Mieux vaut tard que jamais”, pour- quoi done, le Canada frangais qui compte sept millions, ne peut-il pas laisser errer un petit million de sa population et, comme la “révo- lution tranquille’’, exécuter un “envahissement tranquille” de la Colombie. (a suivre)