a - Informations. internationales Au Pakistan Le renversement spectaculaire de la situation au Bangla Desh na guere éte réeté en Occident et en Chine, dont les chancelleries s‘inquiétent d'abord de leurs intérets nationaux .dans le sous-continent asiatique. La plu- part étaient portés a deplorer cette nouvelle guerre. comme siils étaient eux-meémes la proie des armées lan- cées les unes contre les autres. L’Oc- cident spécialement se fait une spé- cialite morale et philosophique de déplorer la guerre comme le dernier des maux. tout en continuant ses tra- fics d’'armements et son soutien éco- nomique et militaire aux dictatures- sanglantes dAfrique ou dAméri- que latine. Mais pour les millions dhabitants du Pakistan oriental, l'in- tervention armée du gouvernement de Mme Indira Gandhi representait le’ salut. a la foir personnel — la fin des massacres —_et collectif: l'indépen- dance du Bangla Desh. Si les combats ‘ont cessé entre I'In- de et le Pakistan: si le noeud de la crise a éte tranche au Bangla Desh, la situation politique demeure néan- moins tres - fragile et les pro- blemes anciens et nouveaux non en- core résolus sont gros de difficultés considérables pour l'avenir prochain.: On s inquiete a juste titre du sort qui attend 1a minorite bihari. dont la col- laboration avec les militaires pakis- tanais jette maintenant ses membres dans la terreur des pires represail- les. Un nombre important de mili- taires et de personnalités bengalis sont également aux mains des autori- tés ouest-pakistanaises. L'insécurité viscerale et la haine interethnique ont atteint un point tel quil y a lieu de se demander si la coexistance de ces groupes sera encore possible sur un meme territoire et sil ne faudra pas envisager bientot de nouveaux dépla- cements massifs de population. L'Inde a déja reconnu le gouverne- ment du Bangla Desh et s efforce de lui transmettre maintenant le con- trole du territoire. Mais le defi que represente l'administration du nouvel Etat est considérable. Tous les problemes doivent étre résolus en meé- me temps: sécunteé, ravitaillement. re- prise de Tl activité économique, reorganisation administrative. Or dans bien des endroits il faudra pour les résoudre compter sur de jeunes ci- toyens inexpérimentes. les forces pa- kistanaises ayant procédé a lassas- sinat sélectif d'un nombre considéra- ble de cadres bengalis. Les pays mem- bres des Nations unies auraient pu, des le début de la crise pakistanai- se, prévenir ces hécatombes. C'est la responsabilite des Etats de re- connaitre maintenant le Bangla Desh, de stabiliser son gouvernement et de l'aider a relancer la vie économique de ses 70 millions d'habitants. Au temps ou le Pakistan sein- blait tenir. une position de force. seule !'Inde n'a pas craint daller au coeur du probleme et de soule- ver la question de l'autodétermina- tion du peuple bengali. Maintenant que le Pakistan s’est effondre, que son régime militaire a été désavoué non seulement dans la partie orien- tale mais dans la partie occiden- tale. que faut-il de plus aux ca- pitales pour enfin reconnaitre le droit a l existences politique du peuple bengali? Deéja.certains gou- vernements laissent entendre qu ils pourraient bientot reconnaitre sinon “de jure’ du moins “de facto’ le gouvernement du Bengla Desh. Plus tdt ils le feront, plus rapide- ment ils permettront a New Delhi. a Islamabad et a Dacca de sortir de la crise en fondant leurs rapports sur la réalité et pas sur des mythes. On se demande du reste quels protits, quel pétrole. quelle posi- tion strategique empéchent Ottawa, Washington et bien d'autres capi- tales de reconnaitre le Bengla Desh. Faudra-t-il quune nouvelle BELFAST probabilités. Mais quelle gravité auront les affrontements a venir, en comparaison des horreurs des 12 mois qui viennent de s’écou- _La violence et |’agitation continueront, de créer la misére en Irlande du Nord, en 1972, selon toutes ler, voila ce qu’on ne sait pas. Et l’on ne sait pas non plus i quelle portée aura précisément cette violence dans l'avenir. Un porte-parole lié a la section provisoire militante de Varmée républicaine irlandaise a déclaré n’avoir aucun doute. a ce sujet. Selon lui, une campagne accélérée de guerre de guérilla se prépare en Ulster, et cette guerre représentera la phase finale et triomphante d’une lutte pour la libération de l'Irtande qui dure depuis que les Anglo-Normands ont envahi ce pays, il y a-800 ans. Evidemment, ces prédictions sont niées par les porte-pa rele britanniques en Ulster, lesquels affirment. depuis un certain temps, que l’Ira est durement frappée par les effets de la politique dinternement pratiquée ici depuis aout ders nier. : Par desespoir = —— | Un représentant de l’armée britannique a meme été jusqu’a laisser entendre que les soulévements futurs de vio-! lence, de la part de \’IRA, pourraient étre un signe de| désespoir, plutét qu'une avance finale vers la victoire. \ dictature sinstalle a Dacca pour quenfin ces “‘démocraties” lui fassent Ihonneur d'une reconnais- sance ofticielle? On se plait a répeter a Ottawa, que dans ces grandes crises les petites nations nont guere de poids ni d influen- ce sur le cours des événements et quil ne sert a rien de faire des declarations qu n’ont pas deftet dans la realite. Voila un cas patant ou la derniere des petites nations a le pouvoir d’agir. En reconnaissant Dacca, le Ca- nada briserait la glace et incite- rait d'autres pays a entrer dans le mouvement. contribuant ainsi dune facon positive a la soition politique du contflit. Car il ny a plus d’autre solu- tion au probleme interne du Pakis- tan. Jamais plus la foi musulmane ne pourra servir de lien entre les deux troncons du pays. Pendant qu'un nouveau gouvernement s ins- talle dans le Bangla Desh, le gou- vernement militaire ‘de Yayah Khan sest effondré. La dictature militaire qui pesait sur les deux parties du pays a du, avec la dé- faite, remettre la direction des affaires a des représentants élus. Or, méme le nouveau gouvernement de M. Ali Butho ne peut plus main- tenir cette “‘unité nationale’ que les militaires ont a jamais discré- ditée dans la partie orientale. Le nouveau gouvernement, en ef- fet, sil peut rejeter sur les mili- taires la responsabilité non seule- ment de la defaite mais de la crise, n'est guere en meilleure position politique pour maintenir les préten- tions d’Islamabad. M. Butho n'a Bae plus de légitimité 4 lest que heik Mujibu Rahman pouvait en avoir a louest. Islamabad ne peut - exiger du groupe de la ligne Awami, majoritaire non seulement, a l’est mais dans. l’assemblée nationale, qu'il reste au sein dun seul Pakistan sans, du méme coup, lui remettre le pouvoir. Pendant que le Bangla Desh s'installe a Dacca, le parti “populaire’’ de M. Bhuto fait de méme a {slamabad. M. Rutho n’a visiblement pas l’intention de s’en remettre a la majorité “nationale. fl détient la majorite -régionale a louest, comme la ligue Awami de- tenait la majorité a l’est. Tout au lus le nouvau gouvernement dIs- amabad: peut-il négocier le partage des biens qui furent autrefuis ceux du Pakistan. En reconnaissant le Bangla Desh, les capitales étrange- res aideraient les deux parties a passer aux discussions essentielles. Car il est bien évident que méme si, a fa limite, Butho pouvait arracher de Mujibur Rahman, encore prison- nier, un quelconque reglement po- litique, il ne pourrait raisonnable- ment esperer le mettre en pratique sans l’accord de ceux qui, a Dacca. tiennent maintenant le-.pouvoir et les armes. Mais les porte-parole de l’armée ont également fait re- marquer que tout peut arriver, dans la situation explosive qui: est celle de I'Ulster en ce moment. Ceci est particuliérement, © vrai aprés une année au cours de laquelle des centaines de civils_et de soldats ont été tués, et oi des quartiers et des villes, comme Belfast et Londonderry, qui sont contrdélés par IRA, ont été coupés des représentants habituels de la struc- ture gouvernementale de ]’Irlande du Nord. A la fin de 1971, les politiciens antiunionistes en Ulster discutaient Vidée d’étaolir des forces policiéres administrées localement, dans ces régions, afin de rendre leur abstention du systeme de gouvernement Stormont encore plus radicale qu’auparavant. ; : Ce projet, plus d’autres aspects de la situation en Uister, sont devenus suffisamment inquiétants pour amener les politi- ciens britanniques a vouloir faire de nouvelles et puissantes tentatives pour résoudre le probleme de l'Irlande, une fois pour toutes. : v La réunification de Wilson Ainsi, Je chef de l‘Opposition, Harold Wilson, a retenu l'attention générale, a Belfast, Londres et Dublin, lorsqu’il a suggéré une réunification éventuelle de !Irlande, comme membre indépendant du Commonwealth, Cette idée de réunification a été immédiatement approu- vée des leaders de la République irlandaise du Sud. Mais ils ont rejeté le concept les obligeant a rendre de nouveau hommage 4 la reine, et cette proposition a également été dénoncée par |'IRA, qui a d’ailleurs rejeté dans son entier le plan: proposé par Wilson. ; La controverse au sujet de cette formule de réglement va surement se poursuivre en 1972. Tel qu'il fallait s’'y attendre, les unionistes de l’Ulster se sont rehiffés a la seule mention d‘une fusion entre leur province, a majorité protestante, et la république du Sud, a prédominance catholique. . Pourtant, le Dr Gerard Newe, introduit dans le gouverne- ment de Brian Faulkner comme catholique modéré. et le seul de cette dénomination 4 faire partie d’un cabinet en Ulster, déclare que jes catholiques sont las de la violence, et qu’ils n’ont rien a gagner en appuyant I’IRA. La situation étant ce qu’elle est en ce moment, cependant, il y a tres peu de chances pour que méme la perspective d’un cessez-le-feu soit de nature a calmer les tempéraments bouillants des Irlandais en colére, ceux du Nord comme ceux-du Sud. La reconnaissance du Bangla Desh et le reglement négocié des séquel- les de la crise s'imposent mainte- nant, et d’abord aux Etats qui hier s'abstenaient dintervenir dans ce contlit qui risquaient d’échapper au controle des premiers antagonistes. Si un reglement nintervient pas, en effet. si les problemes de ravi- taillement, de réfugies et de pri- sonniers ne sont pas réglés, l'Inde va continuer de porter un fardeau qui, écrasant New Delhi, pourrait ouvrir une ‘nouvelle crise majeure dans le sous-continent. En interve- nant comme elle !’a fait dans la cri- se pakistanaise, Inde a pris un ris- que de grande puissance. Mais elle n’a pas les moyens éconor.tiques des grandes puissances. Si la situation actuelle devait pourrir, apres le Pakistan cest ‘l'Inde qui risquerait d’entrer dans des convulsions poli- tiques majeures. Pour le moment, I'Inde a tait chez elle l'union sacrée contre l'ennemi pakistanais. Mais elle n’a guére sur ses Etats plus de contréle absolu que le régime d’Islamabad n en avait dans ce qui est maintenant le Ban- gla Desh. Les problemes internes de l’Inde restent ‘considérables. Pour régler le probleme des réfu- giés “‘pakistanais”, New Delhi a da s’engager dans un engrenage dont nul ne peut prédire le denouement. La defaite a fait tomber le gouverne- ment pakistanais: une victoire qui ne donnerait pas de paix ou de soulage- ment économique au gouvernement indien ne le mettrait pas moins ,en peril. Si l'insécurité politique devait durer au Bangla Desh ou au Pakistan occidental, la tension qui en résul- terait pourrait 4 son tour entrainer | en Inde des bouleversements qui ne seraient pas moins explosifs pour la paix en Asie, vette dans le monde. Bref, labces pakistanais a été crevé. Un peuple vient de naitre dans l'horreur des massacres: le Ban- gla Desh a merité d’étre reconnu par les nations du monde. Non seule- ment les Bengalis ont-ils gagné d’in- dépendance, mais la population mé- me de ce qui reste du Pakistan vient d'accéder a un nouveau régime, qui n’est peut-etre pas aussi democrati- | E que qu’il le chante, mais qui repré-. sente néanmoins un gain historique par rapport a la dictature militaire anterieure. [1 aura fallu un gasp lage humain et matériel he dépasse lentendement pour qu’enfin la réali- té reprenne ses droits dans les deux parties du Pakistan. - Il importe maintenant pour la paix de ces deux nouveaux Etats qu’ils soient traités sur un pied d’égalité par la communauté des nations. Ce faisant, tant les pays socialistes que les Etats occidentaux contribueront, : dans le méme mouvement, a préve- nir Féclosion de nouvelles catas- trophes dans le sous-continent in- dien. gopeiget, : XVI, LE SOLEIL, 14 JANVIER 1972 eS oes a ae