ee Se gee [Drog ues ose “NEWARK, New Jersey (d'apres AFP et AP) — Ro- ger Delouette, ancien membre du Service francais de docu- mentation extérieure -et de contre-espionnage (SDEC¥), s'est reconnu coupable d’a- voir conspiré pour introduire aux Etats-Unis 96 livres d’héroine d'une valeur de $12 millions sur le marché noir. Comparaissant devant le tribunal-de Newark, Delouette a reconnu qu'il avait arrangé Yopération illicite. Le pre- mier chef d’accusation decrit en détail la conspiration en- tre lui et Paul Fournier, mem- bre du SDECE et coinculpé bien qu'il se trouve en France. Les deux autres chéfs d’ac- cusation: portent. sur le fait ni-méme d’importation de Vhéeroine sur le __ territoire americain, ep aye B€tnier. = jte,., assisté de Me son avocat, a fait sa déclaration par le truche- ment d’un interprete. Delouette, assiste de Me Robinson, son avocat, a fait sa déclaration par le truche- ment d’un interprete. ‘Monsieur Delouette, com- prenez-vous bien ce que je vous dis?’, a demandé a maintes reprises le juge fe- déral Lacey. “Qui”, a répondu a chaque fois Delouette. “Vous vous rendez compte _ qu’en plaidant coupable, vous ° renoncez automatiquement, selon la loi américaine, a tout recours en appel. Vous renoncez également a tout proces avec ou sans jury au cours duquel des témoins a charge ou a décharge vien- draient déposer.”” “Qui”, répond Delouette. ‘*Plaidez-vous coupable en reconnaissant quon ne vous a promis aucun traitement de faveur ou d’allégement de pei- ne et qu'on n’a exerce aucune pression morale ou physique sur vous?:” “Oui” ‘Avant d’accepter votre plaidoirie de coupable, il faut encore que je m/assure que la -procédure correcte a arpa. a votre égard. Acceptez-volls de Yépéndre jf des questions que Je veux vous Delouette a confirmé a trois reprises qu’il plaidait coupa- ble du-premier chef d’accusa- tion, le plus long ef le plus complet des trois, qui decrit Yorganisation de j'opéeration consistant a expédier 96 li- vres d’hérdine de France aux Etats-Unis et qui met en cause comme coinculpé le co- lonel Paul Fournier, mem- bre du SDECE. Le colonel Fournier se: trou- ve en France. S'il figure dans Yacte d’accusation ou il est constamment appelé ~“‘défen- dant’ (accusé), il ne peut étre jugé au méme titre que Delouette. La procédure amé- ricaine qui exige qu’un inculpé choisisse en personne le régi- me sous lequel il est juge (coupable ou pas coupable) ne peut pas suivre son cours dans ce cas, le colonel Fournier n’étant pas physiquement la. Au cours de son interroga- toire, Roger Delouette a décla- ré qu’il avait été recruté au ‘SDECE par le colonel Four- nier en 1968 et qu’il avait com- mencé a travailler en 1969 — sans préciser quelles étaient ses fonctions. A la question de savoir s'il était toujours mem- bre du service francais de contre-espionnage, il a répon- du: ‘‘Autant que je sache, oui’. Le juge Lacey a déclaré qu'il annoncerait ultérieurement la date de la prochaine audience au cours de laquelle la. sen- tence pourrait étre prononcée. Il a expliqué qu’il avait be- soin de quelque temps pour étu- dier l’affaire et pour recueil- lir le maximum de données, notamment sur “‘la moralité’ de l’accusé. Tout au long de la com- parution, un silence religieux régnait dans la salle d'audien- ce numéro un du troisieme étage du Palais de justice fe déral de Newark. Les repor- ters étaient suspendus aux lévres du juge Lacey. Delouette, mince, élan- cé, plus de six pieds, le nez aquilin, les cheveux noirs bien ramenés sur la nuque et qui parait bien moins que ses 48 ans, est resté impassible. Il ressemble un peu a !’acteur americain Ray Milland en plus jeune que dans le dernier film a grand succes “Lve Story”. Il etait flanqué de son avocat et de son interprete désignée 7 la cour, Mme Yvonne _ Minor. Il a géclaré pouvoir lire l'angais mais ne pas pou- voir tout comprendre quand on lui parle. Derriére lui, se tient un ‘gorille’’ du bureau du “U.S. marshall’ le pro- tégeant de son large dos et je tant de temps a autre, par récaution, un coup doeil sur “assistance. D‘autre part, le colonel Paul Fournier a été entendu tres tot hier matin pendant cing heures par un juge dinstruction fran- cais a Paris. A la sortie du cabinet du juge Roussell chargé d’enqué- ter sur les révelations faites aux Etats-Unis par Roger Delouette sur les activites de Paul Fournier, ce der- nier a déclaré en reponse aux questions des journalistes: “Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Je suis venu voir M. Roussel personnelle- ment.” Aucun renseignement na filtré sur la teneur de cette audition. Un incidents est produit a la sortie du colonel Fournier du cabinet de M. Roussel. Le colonel Fournier a en effet été photographie a sa sortie par un reporter de Vhebdomadaire francais “L’Express’, M. Philippe Morel. Il demanda alors au photographe de lui donner la pellicule. “Vous navez pas le droit de me photographier sans mon autorisation’’, a-t-il dit. M. Morel refusa. Le colonel Fournier fit appel a des po- liciers et le photographe fut emmené en compagnie dun journaliste de la station de radio “Europe no 1”, M. | Pierre Douglas, qui etait té- ‘ moin, @ un commissariat voi- sin. ' . Les deux journalistes sont restés quatre heures et demie ' dans le ¢ommissariat. A sa sortie, Pierre Douglas a dit u‘il avait pu s entretenir une lemi-heure avee le colonel Fournier. Selon le journaliste, le colonel a déclaré: “Ce qua dit M. Roger De- louette est aberrant. Je ne minquiete pas pour moi car je ne m/appartiens plus. J'ap- partiens au SDECE qui soc- cupera de moi. Si j'avais lau- torisation de parler. a-t-il ajouté, ce serait avec plaisir. © Selon M. Douglas. le colo- nel Fournier s est refusé a répondre a toutes les ques- tions eee quil lui a po- sées. Il s'est contenté de re- pondre a chaque fois “no com- ment’. Interroge sur M. Delouette. il a répondu, toujours selon le journaliste: “Je ne considere pas qu'il a agi par vengeance personnelle. C'est un type qui ne m intéresse pas.” A Vheure oi les deux jour- nalistes quittaient le commis- sariat, on ignorait si le colo- nel Fournier était toujours a l'interieur ou sil avait pu quitter les lieux par une. is- sue derobeée. Selon le commissaire de police, aucune plainte n'a été déposée par le colonel, celui- ci se bornant a demander la destruction de la pellicule. A AIDER ‘LA.CROIX-ROUGE TOUJOURS PRETE BRUXELLES-Si le Pre- mier ministre belge M. Eys- kene a décidé de -dissoudre prématurément le Parlement et daller aux urnes pour re- cevoir une ratification popu- laire aux modifications que son gouvernement avait ap- portées a la Constitution du royaume, on ne peut pas dire qu il ait eu 1a une inspiration heureuse . Les résultats des élections See belges nont en ef et pas apporté aux partis de la majorite gouvernementa- le (Sociale, chrétien et socia- liste) le ‘‘satisfecit’ qu’ils demandaient. Ce blanc seing leur était nécessaire pour continuer, pendant la pro- chaine legislature, oeuvre de remodelage de la Belgique sur le plan régional prévue dans la constitution modifiée. Les électeurs n’ont pour autant pas désavoué formellement ces rtis qui conservent au Par- ement une majorité sensible- ment la méme qu’auparavant. C’est cette situation qui va po- ser de fameux problemes pour les semaines et les mols a venir. , Sur 212 sieges a attribuer dans la Chambre des Représen- tants, les élections en ont at- tribué 67 au Parti social-chré- tien contre 69 lors des der- nieres élections de 1968, et 61 contre 59 au parti socialiste. Le parti libéral a enregistré un net recul (34 sieges contre 47) tandis que l'on observait un bond en avant des partis 4 vocation linguistique, le Front démocratique des fran- cophones en Wallonie et la. Volksunie en Flandre. Le FDF a obtenu 24 sieges, doublant ainsi sa représentation a la — Chambre, et la Volksunie a remporté 22 sieges contre 20 qu'il détenait avant. Quant au petit parti communiste, il demeure stationnaire. , ~ La poussée des partis lingus- tiques dont le programme fedé- raliste va a contre-courant des programmes électoraux des partis traditionnels est ce qui caractérise essentiellement le scrutin qui vient de se dérou- ler. Les hommes politiques essayent d'interpréter, ce he- nomene avec d’autant plus d'in- térét que personne ne l’avait réellement prévu. On se disait généralement qu’apres l’effort consenti par les deux partis de la majorité et par M. Bys- kens pour donner a la Belgique une nouvelle tunique constitu- tionnelle, les problemes com- -munautaires et linguistiques allaient perdre de leur acui- té. Or voila que les electeurs retirent de plus en plus leur contiance a ces partis pour la placer dans ceux qui conti- nuent la lutte ef veulent régio- naliser davantate les institu- tions sinon instaurer dans le pays des structures féderales. Les citoyens _ seraient-ils en retard sur les textes votés r le Parlement au cours de précédente législature? Il faut reconnaitre que l’hermé- tisme de la réforme est com- plet et qu’en tout état de cause elle ne fut qu’un compromis, une cote mal taillée adoptée a la faveur de certaines dé- fections dans les rangs de Y’opposition. es citoyens ont-ils plutot voulu. signifier quils. en avaient assez dentendre par- ler de ces querelles” intesti- nes stupides alors que les po- liticiens devraient davantage se soucier de la situation économique qui, dans le con- texte mondial actuel, promet a bref délai de s‘aggraver? Ou bien les Belges veulent- ils réellement d'une Belgique féderale? : Telles sont les questions que l’on se pose a Bruxeiles en attendant que se dessinent les lignes et le programme d'une nouvelle coalition gou- vernementale. Celle-ci ne semble par ail- leurs pas pres de naitre. On pourrait croire, a premiere - analyse, que la reconduction du gouvernement social-chré- tien/socialiste, sous la hou- lette ou non de M. Eyskens, s'impose. C’est ne pas tenir compte des traumatismes que les lecons fédérales du scru- tin ont portés sur les ailes francophones et flamandes de ces partis marginaux. Chacu- ne d’elles, tout en se ques- tionnant sur le sens général des résultats, va étre tentée de prendre ses distances par Spor aux autres pour éviter daller a l’encontre de cette . volonté: méme si !’on deétient la majorité, on ne peut aller a contre-courant d’un mouve- ment toujours minoritaire mais qui vient de marquer des points et pourraient un jour venir chercher leur clientele si les choses sta- gnaient. D autre part, pour achever Yoeuvre entreprise, c’est-a- dire pour faire voter les lois dexécution qui doivent étre présentées pour faire passer dans la realité les grands principes de la nouvelle cons- titution, le gouvernement qui succedera a celui de M. Eys- kens devrait pouvoir disposer au Parlement d'une majonte ,des deux tiers. Les deux par- tis de l’actuelle coalition ne la possedent pas, contraire- ment a ce qu’ils espéraient. Ils pourraient donc étre obli- gés d’ouvrir leurs rangs et d’accueillir Jes libéraux pour mener’ & ‘bien ‘cette tache. Mais d’une part la formule de la tripartite a toujours été rejetée par les socialistes et, d’autre part, les libéraux, se trouvent dans un tel état de désagrégation qu'il est impos- sible que l'on puisse sérieu- sement compter sur eux pour gouverner. Tout pourrait toutetois s‘ar- ranger a bref délai — en politi- que on finit toujours par s ar- qangey — s'il n'y avait Bruxel- Cy Mais il y a Bruxelles qui se situe entre les deux Com- ‘munautés, entre les deux re- tions, entre les ailes despar- tis politiques comme une vé- ritable pomme de discorde. ‘Et le cas de Bruxelles a pris des proportions grandissantes avec ces élections, puisque c'est dans la capitale que le parti du Front démocratique des francophones a réussi a faire une percée: il y a rem- porte 10 sieges de 3 pe sur les 33 a pouvoir. Il ris- que fort de voir gonflet encore cette avance dimanche le 21 novembre,- date a laquelle doivent avoir lieu les ele¢tions pour le Conseil d’aggloméra- tion, nouvelle institution pre- vue dans la Constitution et dont le réle est de chapeauter les divers conseils commu- naux qui composent la ville de Bruxelles. Pour le 21 novembre. le FDF a un slogan: ‘‘Prendre le pouvoir a Bruxelles”. Sil réussit, c est peut-étre toute Yoeuvre de la réforme de la Constitution qui sera menacée Car celle-ci fait de Bruxel- les une capitale ou la parité entre Flamands et franco- phones doit juridiquement étre respectée. L’arrivée du FDF au pouvoir remettrait ce principe en question &, de fil en aiguille, tous les autres principes de parité établis dans le pays, au niveau du gouvernement notamment, pourraient étre remis en ques- tion 4 leur tour. Comme dans un pile de boites a consefve lorsqu’on retire celle du des- sow! Dans la perspective de ces élections qui, théoriquement, ne devraient influencer en rien les affaires pe au niveau national, les partis ne parviendront certainement pas a se mettre d’accord pour la _+ formation d'un —_gouverne- ment. Et apres, il est bien tpossible que la chose soit i plus difficile encore a réali- ser! Meme Thabileté de M.. Eyskens pourrait étre mise en échec... Voila, résumées, les a Pa relles et les affaires belges au lendemain des élections législatives et a la veille des élections pour le Conseil d’ giomération ‘te Bruxelles. ~. faut presque Pieper pour .$’y- retrouver. encore! ~ Rien ne dit que les électeurs y voient si clair que cela! LE SOLEIL, 3 DECEMBRE 1971, XV