A2 - Le Soleil, janvier 1995 Ww) = O AJ or Un nouveau-né de taille On peut dire que Louis Cyr s'est illustré dés sa venue au monde. Alné d’une famille de 17 enfants, ce fier descendant d'une lignée de robustes cultivateurs at- teignaitle poids massif de 18 livres a sa naissance. Rien de surpre- nant toutefois lorsque l'on consi- dére que sa mére, une femme dévouée et généreuse, pesait 240 livres et mesurait plus de 6 pieds. Les encouragements du grand-pére Dés l'age de douze ans, Louis Cyr quitta I'école et partit travailler dans les bois oi il fit rapi- dement démonstration d’une force hors ducommun pour un enfant de son age. Son grand-pére, autre- fois [homme le plus fort de sa région, se prit immédiatement d'une affection particuliére pour le jeune colosse. Grand admirateur de la force physique, il fit tout ce qu’il put pour transmettre sa pas- sion a son petit-fils. Louis Cyr avait 15 ans lorsque, profitant d’une pé- riode propice a l’immigration, sa famille décida de partir s’établir a Lowell, aux Etats-Unis, oti Louisse dénicha un emploi régulier dans une ferme de la région. fort. Premier exploit et retour au Québec Un jour qu’il revenait d'une autre dure journée de travail, il apergut un fermier dont la char- rette était embourbée jusqu’aux essieux. Malgré tous les efforts du cheval pour la dégager de son enlisement, la charrette restait im- mobilisée. Louis Cyr se glissaalors a l'arriére de celle-ci et se mit a la pousser a l'aide de ses énormes cuisses. Contre toute attente, les roues se dégagérent de la boue, ce qui stupéfia les deuxtémoins de la scéne. L’historre fit rapidement le tour du pays. Malgré son jeune age, 18 ans, on!'invita a participer au championnat des hommes forts qui avait lieu dans cet état amér- cain. Le concours ne comportait qu’une seule épreuve: soulever un - une jeune femme qu'il avait con- 3 Au début de sa carriére d'homme de son temps énorme cheval de plus de 2000 livres. Louis Cyr fut alors le seul a pouvoir réaliser cet exploit. Peu de temps aprés, il décida de retoumer vivre au Québec. II Se maria avec Mélanie Comtois, nue lors de son séjour a Lowell, etrecommengaatravailler dans les chantiers. Une popularité qui fait des envieux Louis Cyr dont le poids se tenait aux environs de 300 livres, 6patait quotidiennement ses compagnons de travail par Louis (f L’bomme fe plus fort de défaite. De retour en Améri- que, il continua ses tournées. Le 27 mars 18985, il effectua un tour de force tout a fait phénoménal. Rassemblant une vingtaine d’hommes assez costauds, il les installa sur une plate-forme qu'il souleva sur son dos. Le poids des vingt personnes attei- gnait 4337 livres. Dujamais vu ! Un an plus tard, Louis Cyr af- fronta le plus coriace de tous ses adversaires, le Suédois August Johnson. Cette rencon- tre dura prés de trois heures. Mais a la fin, Johnson s’avoua publiquement vaincu. Malgré le grand nombre de levers, Louis Cyr l’emporta, mais seulement par une maigre avance de 200 livres. Frusté et mortifié de sa défaite, August Johnson déclara aprés le match: «Je peux me battre contre n’importe quel homme au monde, mais aucun homme ne peut battre cet élé- phant...» pra a gloutonnerie tue ses exploits. Cependant sa po- pularité grandissante contrariait un certain David Michaud, considéré comme l'homme le plus fort du Canada a cette 6poque. Ce der- nier le défia dans le lever de la pierre. lls’agissait de déplacer cing _pierres dontles poids variaient entre 200 et 520 livres. Nonobstant la pluie qui rendait la prise double- ment difficile, Louis Cyr étonna encore une fois en soulevant, sans aucune difficulté, toutes les pier- res. Personne n’avait auparavant accompli une telle prouesse. Premiere tournée, et grands succes Parce que le travail dans les chantiers le tenait trop sou- vent é6loigné de sa femme, Louis Cyr décida de retourner a Lowell oi les lois sur le travail étaient un peu moins rigides. Il regut alors la visite d’un dé- nommé MacSohmer qui lui proposa d’organiser une tour- née a travers les Maritimes et le Québec au cours de laquelle Louis pourrait affronter tous les hommes forts de ces ré- ‘| gions. Séduit parla promesse J d'un salaire de 35 dollars par semaine, somme considéra- ble a I’époque, il accepta. La tournée fut un véritable succés. Possédant un sens inné du spec- tacle, Louis Cyr ne se surclassait jamais exagérément par rapport a ses adversaires, se contentant plu- t6t de gagner uniquement par une faible marge méme s'il était capa- ble de soulever le double des char- ges qui lui étaient présentées. Déception et nouveau départ Comme MacSohmer ne respecta pas entiérement ses en- gagements sur les montants pro- mis, Louis Cyr visiblement irrité, se déroba. Malgré cette déception, -les derniers événements prouveé- rent a Louis Cyr qu'il pouvait vivre .de exploitation de sa force. Il acheta tout le matériel qui lui était nécessaire et monta son propre spectacle. La troupe connutlesuc- cés partout oi elle alla. Mais la tournée de l'homme fort fut inter- rompue quand sa femme lui an- nonga qu'elle attendait un enfant. Louis Cyr policier Désirant alors une vie plus sédentaire, Louis Cyr se trouva une place dans la police de Mon- tréal. Il eut l'occasion d’étre impli- qué dans l'une des plus vastes opérations policiéres jamais ten- tées. C;ace a un effet de surprise, la police réussit a frapper en plein coeur de la mafia locale. Durant cet exploit, Louis Cyr mattrisa a lui seul plus d’une douzaine de mal- faiteurs. Il demeura dans la police jusqu’a la naissance de sa fille. Champion du Canada... La vie du spectacle man- quait a Louis Cyr. Aprés avoir fait Pacquisition d’une taverne, il reprit progressivementsestournées ala grandeur des Etats-Unis. Le 20 décembre 1891, devant 10,000 personnes, il résista a la traction de quatre chevaux de plus de 2000 livres, attachés a ses €normes bi- ceps avec des harnais spéciaux. Il continua de battre aisément tous les adversaires que l'on osait lui opposer. Sarenommeée devinttelle qu’elle finit par traverser |’Atlanti- que. Plusieurs hommes forts euro- péens, audacieux mais sceptiques face a ses performances, vinrent au Canada afin de se mesurer au prodige québécois. Le public de Louis Cyr ne fut pas dégu. II sur- passa complétement le CYCLOPE,MILLER, SANDOWE, et SAMSON, considérés pourtant comme les hommes les plus ro- bustes de leur pays. ... et d’ailleurs Louis Cyr partit en janvier 1892 en Angleterre afin d’y pré- senter son spectacle. Dans une Europe ot la mode était vouée au culte de la force, Louis Cyr magnétisa les foules. Son séjour se déroula sans qu'il ne connaisse eut lieu au parc Sohmer le 26 février 1906. Louis se présenta a 300 livres, gras, passablement — «rouillé», rongé par la maladie et se déplagant avec difficulté. Le match se termina par un verdict nul. Aprés cette rencontre, il con- sacra Hector Décarie champion du monde en lui léguant son titre. Louis Cyr mourut le 10 novembre 1912, a l’age de 49 ans. Pleuré a la grandeur de la province, il regut des hommages dignes des plus grands personnages. Louis Cyr, personnage légendaire dont la force phénoménale défiaittout sim- plement l’imagination, fut l'auteur d’exploits si remarquables qu’ils méritent sans aucun doute d’étre perpétués. «Je peux me battre contre n’importe quel homme au monde, mais aucun homme ne peut battre cet éléphant...» Louis Cyr était doté d'une gentillesse et d’une bonté peu communes. Il n’avait a vrai dire qu'un grand défaut. Il aimait manger. In- satiable glouton, il mettait constamment en pratiqueles conseils que son grand-pére lui avait donnés: manger pour étre fort. II n'était pas rare de le voir engloutir plus de vingt livres de viande par jour. Mais ce terrible appétit devait le perdre. Ainsi, son poids finit par atteindre 350 livres. A37 ans, il fut atteint de troubles cardiaques, d’asthme, et d'une néphrite aigué qui pour untemps, luiparalysalesjam- bes. En 1905, en dépit de la maladie qui le tenaillait, il ac- cepta le défi que lui langait Hector Décarie. Larencontre Photo prise lord d'une de ses nombreuses tournées. Editeur : Jacques Baillaut du gouvernement du Québec 1645, 5émeavenue Ouest Vancouver, C.B. : V6JIN5 730-9575 Fax: 730-9576 TPSNoR 103242624 Rédacteurenchef : Pierre Longnus Recherche-rédaction: Jeanne Baillaut Conception graphique et artistique: Eveline Tonner Infographisme :SuzanneBélanger Administration et gestion :SandrineLejeune Chronique dulivre: MoniqueTruchon-Cashman Collaborateurs: Philippe Aubel, Huguette Gagnon, Madeleine Helm,Stéphane Maher, Sandra Robinson. PubliéparleSoleildeColombieLtéeaveclesoutien _ du Ministéredel'EducationdeColombie-Britannique, et lacollaborationdu Service Culturel du Consulat Généralde Francede Vancouver etdel'Alliance Francaise de Vancouver. Laloisurlecopyrightinterdit lareproduction decejournal, yoompris parla photocopie, sous peinede poursuitesjudiciaires. a