I a I a nan 9 eg Re — La: Pintande,< = ee | un Quebec qui a reussi Etudiant en droit, M. Forget a voyagé 1’été der- nier en Scandinavie. Impressionné par la vigueur du peu- par JACQUES FORGET ple finlandais et par ses réussites politiques et écono- miques, il décrit dans cette libre opinion |’expérience de ce petit Etat dont le Québec pourrait s’inspirer. La Finlande, bien qu’étant un pays nordique, n’appartient pas a la communauté scandi- nave. Une barriére linguisti- -que l’en sépare, le finnois n’é- tant pas une langue indo-euro- péenne. Elle n’appartient pas plus aux peuples slaves qui, par l'Union Soviétique, 1'en- serrent a l’est et au sud. La Finlande, a l’extréme nord de l'Europe vit donc un angois- sant’ isolement. Bien sir, elle a des cousins lointoins, les Hongrois et les Estoniens mais ceux-ci font partie inté- cane de l’empire russe mo- ere et par conséquent, sont difficilement atteignables. Tant par sa condition dii- solement que par sa géogra- hie, la Finlande a de nom- reux points communs avec le Québec. Le pays, de 1,160 km de long par 540 de large, possede le tiers de sa superti- cie au nord du cercle arcti- que. Heureusement, | influen- ce combinés du Gulf Stream et des courants aigsprleriques dominants vient pallier cette situation et permet a la Fin- lande de jouir d’une a rature considérablement plus élevée que les autres pays si- tués a la méme latitude. En cela, la Republique finlandaise ‘s'apparente donc au nord-est ameéricain. _ Un passé colonial pesant Le: Finlande a un lointain passe colonial. Des 1155, a la suite d’une croisade, le pays devient une part du royaume de Suede. Cette premiere métropole davait marquer le pays. La langue suédoise de- meura longtemps l’apanage de la classe dirigeante et en- core aujourd’hui, le suédois est langue officielle, sur un pied d’égalité avec le finnois. _A partir du milieu du XVIIle siecle, un mouvement sépara- tiste toujours plus fort se des- sina dans le pays, excité par lincapacité de la Suede de dé- fendre et de développer les intéréts de la Finlande, 1a, comme ailleurs et comme ‘chez-nous, au milieu du XIXe siecle, la bourgeoisie voulait acceder au contréle du pays par la libération nationale. Les aspirations @ l'autono- mie furent en partie satisfaites lorsqu’a la suite de la guerre de 1808-1809, la Suéde céda la Finlande 4 la Russie. Le pays fut érigé en un Grand- uché autonome et une union rsonnelle fut établie entre la nlande et la Rusie, l’empe- reur étant en méme temps: Grand Due de Finlande, ts Finlande avait sa Diéte, soni gouvernement, son adminis- tration particuliére, sa légis- - lation et ses tribunaux, ses! postes, une armée et sa mon- naie. Elle devenait ainsi 1’é- ayant d’une province fé- ee Mais cela allait-il suf- ire? L'INDEPENDANCE La force croissante du- panslavisme la fin du siécle dernier menacait la. Finlan- de. La deuxieme métropole souhaitait ’assimilation de cette rovince inale. “Finies les folies”, la Finlan- de devait.rentrer dans le rang. Diverses tentatives de russifi- cation furent faites et le sta- tut d’autonomie du pays violé.’ Ceci provoqua une attitude de résistance passive et un dé- sir d’indépendance complete. Le 6 décembre 1917, aprés la révolution bolchévique, la Fin- lande se déclara indépendante. Cependant, le véritable com- mencement de l ‘activité politi- aus dut étre repoussé en raison u déclenchement de la guerre civile. Les forces rouges et blanches _ s’affrontérent. La ix fut néanmoins signée avec "URSS en 1920. Les relations entre la Fin- lande et l'URSS demeurérent froides, voire hostiles, dans les années 1920 et 1930. A la veille de la seconde guerre mondiale, l’URSS demanda 4 la Finlande certaines con- cessions territoriales pour améliorer la position straté gique de Léningrad. Les né -gociations qui s’en suivirent aboutirent une _ impasse. La conséquence fut la ‘“Guer- re dHiver’ qui dura trois mois et demi et qui se termina ~ par la cession. d’une partie sud-est de la Finlande 4 la Russie. A la suite du déclen- chement des hostilités entre Allemagne et l’URSS en 1941, - la Finlande, cherchant sa ré- vanche, se trouva engagée dans la “Guerre de continuation”: avec l’URSS. En 1944, un ar- . Mistice fut signé qui rendit les territoires que la Finlan- de avait occupés durant la guerre et la région de Feisano qui était son débouché sur locean glacial arctique. La neutralité A la lumiére de lexpé _Tience acquise dans ces guer- res, le fondement de 1a politi- que étrangére finlandaise fut que |’adhesion a un pope de puissances antisoviétiques ne serait pas la bonne solution au Probie de la sécurité fin- landaise. L’indépendance de la Finlande passait donc par la neutralité qui allait apaiser Moscou et garantir 4 l’;URSS une relative stabilité sur ses frontiéres nordiques. _La Finlande n’en demeure pas moins en relations tres étroites avec les autres pays nordiques. Elie est membre du Conseil Nordique depuis 1955 et signa en 1954 un ac- cord visant un marché com- mun du travail pan-nordique qui permait aux citoyens des pays membres de séjourner et de travailler dans tous les pays voisins sans aucune res- triction. Z Le pays est aussi associé _ 4 l’Association européenne du libre échange (A.E.L.E.) de- puis 1961, aprés avoir conclu un accord sur les tarifs doua- niers avec l’URSS l'année pré- cédente. Cet accord garantit a la Finlande une position juste et compétitive en Euro- pe sur ses marchés tradition- nels d’exportation du bois et stimule, tout en diversifiant, les exportations finlan daises. . Quant au commerce exté- rieur avec l’URSS, il compte pour 15 a 20% du commerce extérieur total et est basé de- uis 1951 sur des accords de ‘ans qui établissent |’arma- ture des relations commercia- les et Economiques entre les deux pays. ies L’experience tinlandaise en politique étrangere est un ex- emple excellent pour toutes les petites puissances qui, comme le Québec, aspirent a - V'indépendance aux cétés d’un colosse politique et économi- que. La neutralité et la diver- sification des contacts devien- nent alors les garants de la. survie nationale. Le démarrage économique Le parallele économique entre le Québec et la Finlande est encore plus parlant que les autres comparaisons _ possi- bles. Comme au Québec, |’in- dustrie du bois fut longtemps la principale industrie finlan- daise et encore aujourd’hui, les foréts couvrent 71% de la supe des terres. 5 "est par son exploitation que l’industrialisation du pays commenca vers 1860. mais ce n'est qu’avec_|’aprés-guerre que l'industrie _finlandaise cru et se diversifia vraiment. Les importantes réparations de guerre que la Finlande dut payer a |’ sont, en partie du moins, responsables du dé- marrage économique. Le pays dut produire pour préserver son indép endance. Cette situation se révéla heureuse et pendant les années 1950 et 1960 la production finlandaise totale crut en moyenne de 4% par année et la production industrielle de 6%. Résultat de ce développe- ‘Ment, la Finlande occupe au- jourd’hui le 15e rang de l’é chelle mondiale du niveau de vie. Un autre résultat est la ande réduction de ia part de a production primaire dans la roduction totale. La propor- ion de la production nationale totale appartenant aux servi- ces a atteint 45% tandis que la part de lindustrie et de la construction a cra jusqu’a pres de 40%. La diversification de la pro- duction industrielle finlandaise est clairement indiquée par la part croissante de l'industrie chimique et le fait que la part des industries métallurgiques =et_mécaniques s'est élevée au méme niveau que celle des industries forestieres. L’industrie métallurgique et mécanique est devenue le pre- mier employeur de l'industrie. Elle emploie aujourd'hui un finlandais sur trois travaillant dans l’industrie et représente € quart de l’exportation tota- le du pays. Un Québec réussi Le régime socio-politique de la Republique finlandaise est fort semblable a celui des pays scandinaves. Dans ce pays oil la propriété rivée domine nettement et oi le systeme coopératif a une importance certaine, 1'Etat offre, comme dans les autres pays de _ social-démocratie, une assistance sociale des plus completes. L'inflation qui frappe si dure- ment les pays scandinaves est inconnue en Finlande. Celle-ci fut contrée par un accord tri- partite entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats pour contrdler les prix et les salaires. Le sévere dévaluation de 31% ordonnée il y a trois ans n'est certes pas étrangeére a cette situation. En plus de permettre a la Finlande le plus bas taux d'inflation en Europe, la déva- luation rendit compétitive le pays sur les marchés extérieurs Isant passer les réserves a l’écha de $240 millions a $400 millions. : Les autorités _ finlandaises prevoient pour cet hiver un taux de cho: consideré comme tres éleve au pays, 5% (puisse le Québec en avoir au- tant). Il n’en reste pas moins que la Finlande, de par son trés bas taux d’inflation et sa vigueur économique, est sou- rat tenue comme eg par les autres pays nordiques. Un PNB eit entait de 7% en 1969 et de 6% l’an der- nier marque bien, lui aussi, toute la force que peut avoir Y’économie d’une nation ayant en main sa destinée, si peti- te soit cette nation et si gran- des -aient été les difficultés rencontrées. Les cing millions le Finlan- dais sont pour les Québécois un exemple éloquent et encou- rageant de réussite possible. LE SOLEIL, 21 JANVIER 1972, XIII