a ~ tee mcmmetmemmiem —— See Le Soleil de Colombie vendredi ler février 1980 UNE FIGURE DU PASSE: ALEX. MACKENZIE Par Alexandre J. Spagnolo Président du Cercle Fran- gaié de Coquitlam Le 13 juillet, Mackenzie et ses hommes virent des balei- nes blanches qui se perdi- rent dans I’épais brouillard, et furent contents de ne pas les avoir approchées, car, avec leurs énormes queues, elles auraient eu tét fait de balayer les embarcations et de les réduire en piéces. Mackenzie, jamais & court de noms, nomma I’endroit de \ son campement “Whale Island”, I’Ile des Baleines, sur cette mer arctique, qui, plus tard, s’appellera “Mer de Beaufort” [du nom du Vice-Amiral Sir Francis Beaufort, de la Marine Royale Anglaise], d’une superficie de 476.000 kilo- métres carrés [la superficie de la France]. Quand méme, Mackenzie _hésita: était-il au bord de Océan Arctique? II jugea que son expédition tirait a sa fin. Il fixa & terre un poteau sur lequel il grava la latitude de J’endroit de _ son campement, son nom, le nombre de ses compagnons et le temps. A ce moment, il était tard dans l’aprés-midi a Paris, la Bastille, au nom de la liberté Il y aurait certainement du travail pour plusieurs semaines, ce qui ne me déplaisait pas, d’abord du point de vue pécuniaire car cela arrondirait encore mon pécule, ensuite pour m’évi- ter l’inertie précédant le départ... Il valait mieux ne pas trop penser... Le travail de la route terminé, je pris pour quel- ques jours mon P.C. a Atha- basca méme, pour débuter sur le chantier de la riviére. Je pus louer une petite mai- sonnette qui n’avait rien de luxueux, mais a la saison ot nous étions, le logement ne réclamait pas grand confort. L’essentiel était la: une grande piéce propre, avec des meubles indispensables _et un petit hangar attenant qui faisait un trés bon abri pour les chevaux. Je n’avais donc que les repas a payer, et je les prenais avec Jean, a 1% Athabasca Hotel». * Aprés deux semaines de bon travail, les terrasse- ments étant terminés, je remontai sur la propriété ot je voulais prendre mes quar- tiers avant mon départ. Question sentimentale peut-étre. De méme que lorsqu’on va quitter un étre aimé pour une longue séparation, on cherche a profiter de tous les instants restant avant le départ, de méme pour moi, je voulais jouir jusqu’au dernier moment de ce séjour sur les terres que nous avions amoureusement dé- tombait aux mains des insurgés [14 juillet 1789]; si, cet événement marquant touchait I’Histoire de la France, pour |’Angleterre, plus tard le Canada, c’était également marquant, la découverte de Mackenzie, puisqu’elle constituait un droit souverain sur l’Arcti- que, flanqué d’un énorme delta s’élargissant progressi- vement a travers un fouillis de canaux entre 15 a 20.000 flots, a ’!embouchure d’un immense cours d’eau nommé plus tard Fleuve Mackenzie, que lui déja avait nommé Fleuve de la Déception [Deception River] 4 cause de son échec. Mackenzie avait tout de méme exploré et relevé la voie d’eau du Nord Améri- cain, qui n’est dépassée que par le puissant systéme du Mississipi-Missouri. Il trouva la, parmi des pierres éclatées, une sorte de cire jaunatre, qu'il identi- fia “petro-oleum” [pétrole], peu intéressante a son avis; son but était les bétes a fourrure. : Qui, mais nous, actuelle- ment, nous avons le pétrole de la Mer de Beaufort, richesse canadienne. Cinquante années durant, | (1764-1820) la Hudson Bay Company utilisa le fleave Mackenzie et ses affluents pour son commerce dans la région arctique. L’historien James K. Smith dans son ouvrage “Alexander Mackenzie, Ex- plorer, a hero of a failure” un héros de I’échec, est bien dur envers lui. Néanmoins, il ajoute que la magnitude des exploits de Mackenzie, en temps qu’explorateur, a ‘ombragé le reste de sa carriére dans le commerce des fourrures qui, pourtant, s’étala sur plus de trente années. Les découvertes de ses deux voyages étaient plutét deux échecs que deux succés. Le deuxiéme voyage vers le Pacifique est narré ci-aprés. La route vers le Pacifique, ajoute James K. Smith, était trop ardue pour étre pratica- ble et a la portée du commer- ce des fourrures, en plus, ses" efforts. pour réorganiser ce commerce furent contrecar- rés par des complexités et des intrigues politico-com- merciales de son temps. James K. Smith ajoute encore: alors que Mackenzie fut respecté par ses compa- ' gnons-voyageurs, il rencon--- commergant et visionnaire, ‘tonnes de marchandises et tra souvent de la méfiance } de la part de ses collégues & cause de ses idées audacieu- : es et de sa nature impitoya- ble..: Comme explorateur, ce présomptueux, ambitieux Ecossais demeure une fasci- nante figure. LES EXPLO RATEURS, Le commerce des fourru- res tout aussi bien que les explorations des Anglais, dépendaient des Canadiens d’origine francaise ou des métis, excellents naviga- teurs sur les cours d’eau. Rudes, infatigables, ils avaient la force et l’enduran- ce, et étaient capables de prendre des centaines de d’approvisionnement pour des trajets de milliers de kilométres ou miles, a tra- vers le continent. Qu’ils fussent “mangeurs de lard”, “Maitres de canots” “Hommes du Nord” ou des “Pays d’en Haut”, ces hom- mes étaient indispensables pour toute expédition, pour se rendre maitres d’un “Sault”, etc. Nombreux sont ceux qui furent tués par des Indiens; Jacques Beauchamp fut tué par les Esquimaux. {A suivre] frichées. Pour moi, c’était bien 1a réalité... Aussi, les chevaux lachés dans la p&ture, je passais mon temps a visiter tous les coins et recoins de nos concessions car il y avait encore pas mal d’inconnu a explorer. En effet, les deux concessions d’Armand et de Jean avaient 1.600 métres de long et 800 de large, quant 4 la mienne 800 mé- tres de carré, ce qui, en pays’ neuf, sans chemins de servi- ce et ot tout était a faire, réserve pas mal de décou- vertes. Jefaisais donc des pro- jets sur tel ou tel empla- cement, décidant, pour mon retour, d’assécher comple- tement le «slough» dans lequel nous avions planté la tente de notre premier hi-' ver, et qui, partant du pla-' teau, aboutissait 400 ou 500 métres plus loin a la coulée qui venait du lac. Une sai- gnée a cet endroit devrait certainement assainir toute cette portion de terres qui, apres clairage, feraient des champs ou de la prairie. Pour descendre avec un chariot a la riviére, il fallait, au bout du plateau, pren- dre Ja vieille piste qui abou- tissait a l’embouchure du Baptiste Creek, a la cabane du vieux métis. Or, nous avions, au fond des banks en face de notre maison, de grandes et belles plages de galets, avec un ou deux pieds d’eau maximum, qui pourraient faire plus tard, pour mon bétail, quand il serait augmenté, un abreu- voir d’été de premier ordre. Aussi, je voyais déja une cléture enfermant ces beaux pacages descendant en éta- ges onduleux vers ]’Atha- basca et un chemin charre- tier conduisant directement a la riviére. Je pensais aussi a la question du petit lac: ou bien le conserver en |’état actuel, pour l’agrément et le plaisir des yeux et aussi pour toute la gent volatile qui y séjour- nait a la belle saison; ou bien le rendant a son état pre- mier avant les travaux des digues des castors, en faire: une prairie par un draina- ge du « muskeg » qui I’ali- mentait. Je restais ainsi des heures a réver, 4 un endroit ou 4 un autre, savourant, en fumant, des projets qui flottaient dans mon esprit comme la légére fumée de la cigarette sous la brise. Et tous ces réves pou- vaient avec du temps et surtout de la persévérance dans |’effort, devenir réali- tés. Et c’était bien ainsi. Car cette oeuvre, batie au prix de soucis, de sueurs, de dures fatigues et parfois, il faut bien le dire, d’angois- ses, vous apparaissait com- me l’enfant chéri que !’on berce dans ses jeunes ans et dont le moindre mal est pour nous source d’inquiétude; ainsi de la terre que l’on a prise dans sa gangue sauva- ge, et que, a chaque jour OMe “A Se 5 pm LA ROUTE j D’ALEXANDRE MACKENZIE DE FORT 3 CHIPEWYA A LILE DES BALEINES’ EN 1789. ae d’une longue année, a cha- que heure de chaque jour, l’on a amoureusement facon- née pour en faire, dans la réalité, le reflet de celle dont on a révé. Et ce fut cet amour de la création personnelle, joint 4 la volonté de ne pas aban- donner ni faillir, qui me poussa 4 me maintenir dans la voie sur laquelle la fougue de mes vingt ans m’avait ‘engagé. Un matin, passant a la Post Office, je trouvai la lettre de ma soeur qui m’an- nongait le 3 octobre comme date de leur départ. Nous devions les trouver tous deux ala gare de Calgary, pour les voir avant ce départ qui était d’ailleurs pour ma soeur une délivrance: revoir son petit enfant qu’elle avait quitté si jeune. Il était convenu que je partirais moi-méme seule- ment en janvier suivant, afin de pouvoir régler sur place les derniers problémes qui me restaient a résoudre... Le séjour a Paris d’Ar- mand fut assez court: quel- ques jours lui suffirent pour mettre au point avec G. le processus de sa réintégra- tion dans l’Inspection de la Compagnie du S. dont le directeur général était, a l’époque, M. M. Quand 4 ma soeur elle avait déja rejoint nos parents et le petit bam- bin qui avait déja grandi. Ils avaient done remis le pied a I’étrier qu’ils avaient abandonné, dans un moment de vertige, ot Armand dans sa nature trop impulsive, avait comme la fable de ce bon monsieur de La Fontaine, laché la proie pour l’ombre. Enfin, les fonds qu’ils rapportaient du Canada leur suffisaient lar- gement pour une réinstalla- tion correcte; ils avaient, en effet, réussi assez bien dans la pension de famille qu’ils avaient créée a Victoria, et qui était connue dans la ville comme une des plus correc- tes et des mieux fréquen- tées. En effet, la parfaite édu- cation de Marguerite et son aisance dans son réle de mai- tresse de maison, jointes a la compléte connaissance de la langue anglaise que possé- dait Armand, avaient séduit certains membres de la hau- te société de la ville qui, au cours de conversations entre amis, avaient recommandé la «French House». C’était en somme |’équiva- lence du 8 ou 4 étoiles dé- cerné a nos hétels ou restau- rants chics. Ils avaient pu ainsi céder leur affaire pour plusieurs milliers de dollars a une autre famille fran- cgaise qui, d’aprés eux, pou- vait trés bien maintenir son standing. Elle comportait une trés vaste et belle villa, avait un cuisinier chinois, deux valets _de chambre de méme natio- nalité, et une femme de chambre finlandaise. Le pécule qu’ils rappor- taient ainsi était largement suffisant pour leur réinstal- lation et voir venir. Les indications qu’ils nous donnaient nous rassurérent et nous donnérent confiance dans l'avenir. De plus, pour ma part, je savais mes vieux parents déja entourés et moins seuls et c’était un baume sur mes grands sou- cis. J’avais done décidé de partir, moi-méme, vers la mi- mi-janvier, ayant tant de choses 4 régler pour cette absence de cing mois. Je trouvais cette durée bien longue mais, aprés réflexion, je pensais que, sur le plan affectif, je ne devais pas donner a mes chers parents l'impression que ce passage n’était, pour eux, qu’un réve - et que la joie des retrou- vailles était, a peine apaisée, estompée par le déchire- ment d’un nouveau départ. La vie continuait pour moi dans le calme de «Bellevue», coupée par des descentes a Athabasca, pour le régle- ment des sommes dues par mes acheteurs de bois de chauffage. Or, un jour, le manager de la Hudson’s Bay me proposa de faire le voyage vers Fort Mac Mur- ray, pour le transport de marchandises vers leurs pos- tes du Nord. (A suivre)