Les écroulements d’Empires sont des événements effroyables auxquels peu de structures résistent. L’agonie de Rome avait fermé les écoles ; seulement quatre cents ans plus tard rouvriraient-elles, grace a ce sacré Charlemagne. N’en déplaise aux républicains frangais, seuls l’organisation et le réconfort de la religion allaient aider les peuples a survivre au sein du chaos et de la démence qui se sont ensuivis. A l’aide des saint Augustin et des Béde, la foi, seule, allait sauver l’« Occidentalité ». A la téte d’un état puissant, Nicodéme ne se faisait guére d’illusion. II savait les temps de grandeur en passe de s’estomper. Les énergies gardant les civilisations en vie se faisaient rares et de plus en plus difficiles 4 obtenir des nations, pourtant plus faibles, les possédant encore. Au méme moment ot |’ Afrique, colonies abandonnées au terme d’une courte Pax Europae, semblait basculer dans |’horreur des guerres, famines, épidémies et génocides appartenant aux premiéres heures du Haut Moyen-Age, la technologie d’autres pays rattrapait celle de Nicodémia ; elles produisaient de plus en plus une marchandise d’autant plus concurrentielle que, socialement défavorisée, leur main-d’ ceuvre travaillait pour seulement quelques piécettes. Leurs armées ne pouvaient rien contre lui, aussi pratiquaient-ils une espéce de guérilla dévastatrice. Elles ne pouvaient cependant pas décourager les Nicodamiens bien plus qu’ils ne l’étaient déja par les immenses mouvements pacifistes sapant, au coeur de sa propre armée, toute combativité. I] avait été sur le point d’engager des mercenaires comme 1’ont tenté, sans succés, les Phéniciens, et méme les Romains, en enr6lant leurs propres adversaires pour lutter contre l’envahisseur. D’autre part, les remarquables découvertes réalisées par ses chercheurs en médecine avaient eu pour effet néfaste de vieillir sa propre population, tandis que ces mémes soins, parmi les autres nations, avaient réduit la mortalité et augmenté de maniére démentielle leur croissance démographique.Enfin, et surtout, l’incroyable développement de son pays avait donné aux Nicodamiens une telle confiance et méme une telle suffisance qu’il leur semblait pouvoir tout contréler. La démocratie leur donnait méme le sentiment d’étre en mesure de se passer de lui. Le moins éduqué de ses citoyens avait des avis sur le futur du pays qu’il défendait avec l’autorité d’un cacique. La mort ne les effrayait plus : ne parlait-on pas de prolonger indéfiniment la durée de vie moyenne ? Mourir pour la patrie apparaissait alors un sacrifice impossible. La religion perdait aussi de son intérét. Chacun se demandant pourquoi sacrifier une vie pour un paradis incertain tandis qu’on pouvait entrevoir l’espoir d’une jeunesse éternelle sur terre. En fait, tous se montraient égoistes et la notion de sacrifice perdait toute substance. (a suivre) Jean Lebatty 11