LE THEATRE | A PARIS par L.Kardos Ce que nous avons vu jus- qu’&A maintenant ne nous a pas trop satisfait. Certaines productions au Playhouse ou au Arts Club sont aussi bon- nes, sinon meilleures. Mais nous. n’avons vu que 3 piéces et il y a 49 the- Atres A Paris, sans compter les théatres de la banlieue, ni les music halls, ni les chansonniers, ni les cafés. théatres et sans parler des stripteases qui pullulent sur le circuit des autobus géants, qui font voir ‘‘Paris_ at night’? aux touristes avides. Au théatre Marigny sur les Champs Elysées, nous avons vu **Folies Douce’’ de J.J. Bricaire et M. Casaynes. Feydeau aurait pu écrire cette piéce, s’il avait connu toutes les complications de la vie moderne et les exi- gences du public de notre temps. Les auteurs ont eu l’ex- cellente idée de combiner l’affaire banale d’un brave mari, qui couche avec une trés brave fille et de sa femme presque vertueuse, avec une histoire de gang- ster. Francoise, la femme ver- tueuse mais presque adul- tére rentre chez elle unsoir avec Bernard, un jeune et. élégant médecin, qui est a la veille d’entreprendre un long voyage hors de France, aprés un der chez des amis communs. Le mari, entretemps était en confé- rence au ministére. La conférence s’appelait Syl- vie, la sympathique fille de moeurs légéres et complice d’une bande de gangsters. Pendant ce temps, une usi- ne de fourrure est cambrio- lée et le gardien de cette usine est jeté hors d’une voi- ture, que Francoise, pendant qu’elle flirtait avec Bernard dans une allée du. bois de Boulogne, reconnaft étre celle de son mari. Vous pouvez vous imaginer les possibilités de variations sur ce théme exploité par les auteurs. L’épouse croit “que son mari, simple homo adulteris, directeur dans un ministére est aussi un gang- ster. Bernard essaye d’obtenir les faveurs de Francoise. Il se montre chevaleresque et insistant. Malheureuse- ment, il n*y arrive pas. Sylvie s’était réfugiée chez Frangoise, car elle a peur que son mari gangster la tue. C’est lui en effet qui avait volé la voiture du ma- ri pour son cambriolage, pendant que son propriétai- re était en conférence avec Sylvie. A la fin, Frangoise par- donne 4 son mari sa fugue avec Sylvie, tellement elle est. heureuse et soulagée qu’il ne soit pas un crimi- nel et c’est elle aussi qui s’arrange pour que Ber- nard emméne Sylvie au Brésil. Tout le monde est content, sauf le gangster, qui perd sa ‘‘mome’’ et sa liberté. J’étais content, moi aussi, car le chevaleresque Ber- nard a bien mérité de Syl- vie, qui est plus jolie et plus jeune jeune que Fran- ¢oise, jouée par Danielle Darrieux. Bien que la piéce fat jouée avec beaucoup de verve et d’éclat, surtout par Danielle Darrieux, que je connaissais quand elle était toute jeune, dans ‘‘Coqueluche de Pa- ris’’, elle m’a laissé avec un petit got de nostalgie. En la voyant 30 ans aprés, je la trouvais toujours belle femme, mais je constatais de sang de sa victime, pour par ricochet que moi aussi j’avais vieilli. L’autre piéce était plus in- téressante et plus profonde que ‘‘Folie Douce’’. Au vieux et vénérable thé- Atre de l’Atelier nous avons vu ‘*David, la nuit tombe’’, piéce de Bernard Kops, un Anglais, ‘‘selfmade’’ écri- vain, qui fut successivement gargon d’ascenseur, ser- veur, docker et comédien, avant de s’établir comme libraire A Soho. Sa premiére piéce ‘‘Ham- let des Faubourgs’”’ lui a valu une bourse en 1956. Depuis, 5 piéces de lui fu- rent jouées A Londres, & New York et 4 Paris et la derniére, celle que nous avons vue, a été crée en France en 1970. . Le programme dit que cet- te piéce est une oeuvre de maturité ot l’auteur re- plonge dans les obsessions et peurs de son enfance pau- vre et de ses débuts d’écri- vain. Il est David Lazarus, jeune poéte juif, quin’a écrit qu’un seul recueil de poésie. Il se croit un génie, il se pré- tend indépendant du public, mais dans son fait inté- rieur, il sait qu’il est in- capable, qu’il a manqué sa vie. De peur de ne pas pouvoir | créer, il se prétend pa- resseux. Il ne fait rien et vit misérablement, d’aum6- nes qu’il réussit 4 obtenir de ses connaissances. Il est en train de se sui- cider, quand une femme, pas trés jeune et pas trés jolie apparaft dans son taudis. Elle a lu ses poémes, elle l’admire et en plus, elle est désespérément seule. Quelqu’un d’autre se rap- pelle aussi de David : un écrivain A la mode, qui tra- verse une crise d’impro- ductivité. Ancien nazi (il garde religieusement une photo qui le représente avec Hitler) il se croit vague- ment responsable de 1’hé- catombe des Juifs et se croit, de ce fait, obligé d’aider Lazarus. : Mais ce sens de culpabi- lité est étrangement mélé & et conditionné par l’idée que le contact avec l’épave hu- maine qu’est David, lui ren- dra la faculté d’écrire. Com- me un vampire, il veut pro- fiter des derniéres gouttes se ranimer. Pour rendre les choses un peu plus compliquées, cet écrivain Edouard, est ma- rié A une blonde nympho- mane, beaucoup plus jeune que. lui. Il sait qu’elle cou- che avec David, mais il l’accepte. Une sorte de ma- sochisme, de pair aussiavec la consommation excessive d’alcool, stimule ses facul- tés d’écrivain. Autour de ces problémes humains, autour de ces an- goisses d’artistes, incapa- ble de créer, André Bar- sacq, metteur en scéne et directeur du théatre, fait évoluer, avec plus ou moins de succés, ses acteurs. J’ai trouvé Laurent Ter- zieff excellent dans le rdle de David Lazarus. I] don- nait l’impression de ne pas jouer, mais de vivre sa pro- pre vie. Terzieff a lair hagard et hanté. Il doit etre thie, const eR Fat THE AE HOUR GS ' tragiques, "LE SOLEIL, 28 AVRIL 1972, Ix excellent dans ‘‘Les fréres Karamazoff’’ ou dans ‘«T *idiot?? de Dostoievsky- La folie et la raison s’en- tremélent dans ce person- nage A un rythme infernal. Parmi les autres acteurs, il n’y a que Frang¢oise Briou, la femme nymphomane d’Edouard, qui fait croire par moments au personnage qu’elle joue. pve Il y avait aussi des détails de la mise en scéne qui me dérangeaient : le lit de David, sur lequel il flane, essaye de séduire une femme et est séduit par. une autre, est beaucoup trop court et étroit. Aux moments les plus j’avais toujours peur que le couple ne tom- be du lit. La bouteille avec laquell Edouard se versait conti- nuellement du whisky, étai' une bouteille de Porto et 1 bouteille de gaz, avec la- quelle David essayait par deux fois de se suicider, avait l’air d’un appareil de chauffage électrique. Par contre, ‘‘Ne réveil- lez pas Madame’’ de Jean Anouilh, était excellent 4 tout point de vue - trés trist et pessimiste, trés anti- femme, comme toutes les piéces d’Anouilh. L’action et les problémes tiennent le public en haleine jusqu’d la derniére minute du 3éme acte. Francois Perrier interpré- d’un acteur, directeur de théatre, dont toute la vie est influencée par une mére, ac- trice médiocre, quitrompait ouvertement son mari. Perrier est un grand artiste et la piéce est magistrale- ment mise en scéne par Anouilh lui-méme et Roland Piétri. La vie des acteurs se mé@le intimement 4 la comédie. On ne sait pas toujours si les acteurs ré- pétent une scéne ou si on assiste 4 un épisode de leurs vies. Cette piéce est A l’affiche depuis un an et demi. C’est la 450 éme fois que Perrier joue ce rdle et on a pourtant Vimpression que tout est nouveau et inédit. Je voudrais bien que le Playhouse ou le Arts Club montent cette piéce 4 Vancouver. te le rOle principal, es |