Le Soleil de Colombie, vendredi 19 février 1988 - 13 VOYAGES [Suite de la semaine derniére] Par Jean-Claude Boyer L’aprés-midi du. méme jour, jachéve ma visite de Toulouse, commencée, en fait, en 1979 et poursuivie la semaine derniére. Basilique Saint-Sernin, les Jaco- bins, o& se trouve le tombeau de saint Thomas d’Aquin. Grand marché aux puces. La pensée que jarriverai demain, pour la premiére fois, en terre africaine (Maroc) me met des fourmis. dans les jambes. Je me retrouve bientét, sans pratiquement m’en étre rendu compte, a Irun, ville frontaliére espagnole. En remontant dans le train, je me retrouve seul dans un compartiment avec un vieux fermier de Lourdes qui dégage une odeur de... pipe agréable. II se .montre vite intarissable: «Dans ce temps-la, on labouratt avec des patres de boeufs et on s éclatratt a la lampe @ huile...» J'ai beau lui dire que j’ai besoin de sommeiller, montrer des signes évidents d’ennui, installer mes €couteurs sur les oreilles, m’étendre de tout mon long, il continue 4 parler comme si de rien n’était pendant encore un bon moment. Au réveil, le soleil éclate a Vhorizon, réchauffe’a l’excés la campagne aride. Mon fermier n’est plus 14. Devant moi, un couple espagnol bavarde sans interruption. Je m’étire comme un chat trop longtemps enroulé sur lui-méme. Nous approchons de Madrid. — A la gare Chamartin, il n’y a plus de consigne depuis le dernier attentat terroriste qui a fait plusieurs morts, me dit-on. Je dois me rendre, pour consigner mon sac a dos, a un petit local dans une rue avoisinante. Prés de la, une sorte de petit village gitan croupit dans une mini-vallée, comme une plaie ouverte au coeur de la capitale. En me dirigeant vers un restaurant, j_apercois un billet de 100 pesetas (0,90$) le long d’un mur. Je doute, bien sir, que ce soit 14 un faux. Je le tendrai tout de méme par curiosité a la caissiére pour payer une partie de mon repas... Elle tourne le billet vers la lumiére du jour et, n’y voyant pas - apparaitre la «téte» qui sert a certifier sa légalité, me fixe de ses grands yeux noirs devenus percants. A ses paroles et a ses mouvements vifs, je comprends vite l’essentiel: «menottes» et «déchirer». Je lui souris en faisant un signe de téte. Elle détruit le faux billet et saisit celui que je m’empresse de lui tendre. En retournant 4 la gare, je m/’arréte devant la petite agglomération de cabanes pour prendre discrétement quelques photos. Des lavandiéres en jupes longues battent leur linge de leur battoir tandis que leur progéni- ture joue a je ne sais quoi en ‘langant parfois des cris aigus; plus prés de moi, deux anes et un cheval broutent l’herbe jaunie; en arriére-plan, d’élégants pal- miers se dressent, figés, au pied de nobles édifices modernes. Alentrée de l’hétel Chamartin, attenant a la gare, un jeune homme al’allure de millionnaire Récit d'un tour du monde D‘Albi a Algésiras demande au portier de lui appeler un taxi. Celui-ci fait un simple geste de la main et voila qu’un taxi arrive aussitét; il ouvre la portiére et recoit aussitét un pourboire. Je reviens a la gare, Algésiras. Le Port. vaste, moderne; des plantes vertes pendent du plafond. Je suis déterminé a y passer la journée en attendant le train de nuit qui m’aménera 4 Algésiras, la ville portuaire ot j’embarquerai demain pour le Maroc. Ainsi, je me reposerai a l’air climatisé sans avoir besoin d’acheter d’autres Leen Algésiras. La rue typique. devises espagnoles. Je lirai entre autres «L’Humanité» (le grand journal communiste frangais trouvé dans le train, ce matin) et visiterai une’ exposition de tableaux ici méme dans la gare. Une gitane = «multicolore», anneaux de taureau aux oreilles et bébé sur la hanche, s’approche pour quémander, se trainant les pieds et la voix. Tiens! un Musulman quise prosterne 1a-bas dans un coiz, les pieds nus, sur un petit tapis; c’est le premier que je vois de ma vie. Dieu sait que j’en verrai désormais souvent, pres- que partout. Je ne sortirai de la gare que pour aller dévorer un steak tendre avec un jeune Marocain d’une gentillesse raffi- née (il me vante son pays a tour de bras) et, a la fin de la soirée, pour aller reprendre mes effets . personnels. Je remonte enfin dans le train pour mon dernier voyage en Europe, mon billet de trois mois (premiere classe) expirant ce soir a minuit. I] sera cependant valide jusqu’a la fin de ce dernier voyage puisque le train que je viens de prendre part avant minuit. Mes trois compagnons de voyage, aux traits typiquement espagnols, et moi-méme gardons le silence. Mon nouvel ami marocain entre tout a coup dans le comparti- ment. I] avait envie de quitter sa deuxiéme classe pour «monter» me rendre visite dans la mienne. Nous conversons en francais, évidemment. Aprés son départ, jose demander a mes trois compagnons s’ils ont compris quelque chose. L’un d’eux (un prof de science) me répond «oui» avec un sourire amusé. Une conversation fort intéressante s'engage, moitié en francais, moitié en espagnol, et se poursuit jusqu’a ce que nous tombions de sommeil. ; Au petit matin, jouvre mon journal a la page 216 pour y noter quelques lignes, puis «21-11-100». C’est en effet aujourd’hui le 21 novembre, centiéme journée de mon périple. Et nous arrivons finalement a Algésiras, sur la céte méditerra- néenne. Le Rocher de Gibraltar est 14 devant nous, me rappelant Villustration que j’en avais vu ‘dans le livre de géographie de mon enfance. ; ‘ Descendu du train, je m’efforce aussitét d’éviter les ardeurs du soleil. Il me faut tuer quelques heures, le prochain bateau pour Tanger ne partant qu’au début de l’aprés-midi. Je finis tout de ‘méme par m’aventurer dans de vieilles rues pittoresques aux maisons blanches comme neige, dans une église rococo ou une ‘grande madone semble prés de s‘écrouler sous le poids de ses décorations que je trouve farfelues, puis sur le quai, parmi les pécheurs en train de réparer leurs filets. Quelques coups de pinceau impressionnistes pour évoquer ces moments: trafi- quants de drogue, palmiers, cactus, fleurs, soleil; «Hash?», infirmes-vendeurs de billets de loterie, cireurs de souliers, grand marché (escargots, faisans), miséreux, soleil; caisses de poissons, fleurs, ~ touristes, «Hash?», soleil, crieurs de toutes sortes.. Un monde fou. Une chaleur suffocante, méme a Vombre. Plus d’un ici a l’air d’un aliéné mental. On en_ voit certains, ici et 14, qui parlent tout seul, les yeux dans le vide. Tableau étrange et inquiétant. Un passant est soupconné de vol a létalage; forte prise de bec. «Hash? Hash?» J'ai du mal a m’adapter 4 ce vacarme et a ces comportements typiques des pays en voie de développement: tout ceci me dépasse et m’affole! Une bonne nuit de sommeil, me dis-je, et tout rentrera dans l’ordre. Mais, mon Dieu, que de trafiquants de drogue, que de gens au physique douloureux. Et quelle chaleur! Mon deuxiéme long séjour en Europe qui s'achéve est compara- ble a la fois 4 mille arcs-en-ciel qui s'entrecroiseraient, 4 cent livres d’histoire lus en diagonale, ou a un carrousel de chevaux de bois débridés. Autant ce bout de la_vieille Europe: me fascine, .autant il me rend plus cher mon beau pays du nouveau continent aux espaces immenses comme la mer. traditions et leurs croyances. Immersion. Jeanne Baillaut au 255-4157. “RACINES” LANGAGE DE NOS ANCETRES Vocabulaire riche de nos aieux ot les mots évoquent des images anciennes et des coutumes d’autrefois. La criée, Le temps des sucres, La poudrerie, autant de canadianismes qui illustrent /’@ge d’or du Québec. LES «FILLES DU ROY» Entre 1663 et 1673, elles seront 800 a venir s’établir en «Nouvelle France». La majorité d’entre-elles sont orphelines et ont moins de 25 ans. «Filles 4 marier,» bon gré mal gré, elles seront face a l'adversité dans ce nouveau pays les pionniéres d'une génération de femmes fortes qui contribueront a la fondation du peuple québécois. Courageuses, patientes, elles affrontent les péripéties d’un long voyage, les rigueurs d'un dur hiver et la rudesse d'une vie rustique pleine d’embaches. Ces «Envoyées de Sa Majesté» implanteront fortement leurs Pour écoles ¢lémentaires, secondaires, programme cadre et Pour de plus amples renseignements contacter: