2 - Le SOLEIL, VENDRED! 9 SEPTEMBRE 1994 = Le Billet Elections Au Québec, c’est bientét le grand jour, celui des élections provinciales. Aprés un deébat télévisé décevant, pendant lequel l’épineuse_ et primordiale question de la souveraineté n’a été abordée que du bout des lévres, Parizeau et Jonhson n’ont fait aucun coup d’éclat pour tenter de convaincre les Québécois. Aprés tout, les enjeux sont connus. Reste a savoir s’il y a plus de partisans pour le PQ que pour I’indépendance car il est clair, qu’au Québec, personne n’a envie de voter libéral. Ceci ne veut pas dire que les électeurs soient en faveur de la séparation et c’est d’ailleurs ce qui doit inquiéter monsieur Parizeau. Celui-ci est certain de gagner ces élections, mais il est moins sir de voir le «oui» l’emporter. Le chef du PQ ne semble pas étre trop chagriné par _ cette éventualité, méme s’il s’agit - du fondement de Ia politique de son parti. Lorsqu’un journaliste le questionne a ce sujet, Jacques Parizeau se contente d’étre évasif et de dire que son gouvernement sera ce qui peut arriver de mieux au Québec depuis trente ans. Chose certaine, le Québec est plongé dans Vincertitude politique et constitutionnelle et ce, depuis plusieurs années. Les investissements étrangers continuent de chuter d’année en année, les immigrants et investisseurs préférent s installer en Ontarioou dans Vouest. Gens d’affaires et immigrants optent pour la stabilité en évitant le Québec sans compter les milliers de Québécois qui, las de cette . Situation, quittent leur belle province avec armes et bagages (et argent) en direction de... Vancouver. Ce climat malsain d’instabilité est installé pour de nombreuses années encore, que le libéral Daniel Johnson fasse mentir les sondages en remportant les élections du 12 septembre, ou que Parizeau devienne premier Ministre. Pierre Longnus Tout a commencé en 1759, lorsque les troupes menées par le général britannique James Wolfe ont défait l armée francaise du mar- quis de Montcalm sur les plaines d'Abraham, a Québec. Cet événe- ment a marqué la fin de la Nou- velle-France et la naissance du Bas- Canada, qui s'est ensuite appelé «Canada-Esb>, pour redevenir le Bas-Canada avant de finalement prendre le nom de Québec, le 1 juillet 1867. Les Britanniques s'étant approprié l'ancienne colonie fran- caise, laquelle allait plus tard faire © partie de la Confédération cana- dienne, une chose en particulier s'est davantage compliquée, quiaura en plus été exacerbée tant par les vieux liens coloniaux avec la Grande-Bretagne que par la grande proximité avec les Etats-Unis d'Amérique. De quoi s'agit-il? Et bien, delacrise d'identité dont souf- frent les Canadiens anglais, celle qui a donné naissance a une petite industrie de livres, de Commissions royales menées par le gouverne- ment fédéral et de documentaires réalisés par Radio-Canada. Dans les régions anglophones canadien- nes, «Qui sommes-nous?» et «Que sommes-nous?» sont des questions que l'on se pose fréquemment. Le Canada, qui vient de cé- lébrer son 127e anniversaire, n'est pas mieux en mesure de répondre a ces interrogations. Surtout pas le Canada-anglais. Au Québec, on ne vit pas une telle crise d'identité. Les Québécois possédent une culture clairement définie provenant de leurs antécédents historiques sur ce continent, et de leur langue unique. Il ne régne aucune confusion au sein de leurs communautés ethniques ou autochtones quant ala culture dans laquelle ils vivent. La culture ainsi que la langue du Québec sontbien distinctes. Le pro- bléme se situe en fait au niveau du Canada-anglais formé de neuf pro- vinces ou I'on parle surtout anglais, et de deux territoires qui comptent un nombre considérable d'anglo- phones. Le Canada-anglais a pour seul trait distinctif de pouvoir se définir en s'identifiant 4 d'autres pays, soit aux Etats-Unis et a la Grande-Bretagne principalement. Il s'avére effectivement trés diffi- cile pour les Canadiens anglais d'établir leur identité sans dresser de comparaisons avec ces deux pays. Dans leur tentative de déterminer leur nature, les Canadiens anglais mentionneront bien souvent qu ils sont Canadiens puisque qu'ils ne sont ni Américains, ni Britanni- ques. Si vous poussez la question plus loin et les forcez a élaborer, ils diront peut-étre qu'ils ne sont ni Américains, ni Britanniques, étant donné qu'ils sont issus d'un pays doté de deux langues officielles et d'une province francophone (trés bien), et que leur peuple est moins violent que celui des Etats-Unis (ce qui n'est pas toujours une compa- raison juste puisque le Canada ne connait pas une aussi grande va- riété de races et de cultures)! Enfin, ils feront peut-¢tre remarquer qu'ils ENformation Opinion Lac Meech: prise 2 sont moins capitalistes et plus so- cialistes queles Américains, comme en témoignent leurs programmes sociaux équitables et leurs syndi- cats plus puissants et influents (pas mal, mais encore insuffisant pour définir une nation). Les Canadiens anglais ne se font pas beaucoup confiance; ce sont des gens essentiellement an- xieux. Leur insécurité provient d'un complexe d'infériorité sérieux et profond. Cela n'a pas sa raison d'étre. A l'échelle mondiale, le Ca- nada est l'un des pays ou la qualité de vie est des plus enviables. C’est un endroit propre, ordonné et rela- tivement paisible. Le pays est bien équipé du point de vue infrastruc- ture, mais déficient 14 ou c'est le plus important: au niveau de la superstructure. C'est toutefois un probléme auquel on pourra remé- dier si les Canadiens anglais réus- sissent un jour a se reprendre en main. Si nous simplifions cette question et l'associons au domaine des sports professionnels, la crise d'‘identité des Canadiens anglais de- vient alors encore plus évidente. Les sports professionnels sont de- venus une métaphore de la vie, en ce sens qu'ils servent de miroir a la société. IIs peuvent révéler le carac- tére et la nature véritables d'un peu- ple. Au cours du vingti¢me siécle, les sports ont revéti une importance allant bien au-dela des simples ré- sultats. Ils sont devenus un moyen de se rapprocher des objectifs poli- tiques, sociaux et économiques. Les sports peuvent, d'une part, contri- buer 4 promouvoir un sentiment nationaliste, et d'autre part, avoir un role a jouer dans la construction d'une nation et dans la définition de son identité. Mais quelle est la situation des sports professionnels au pays? Prenez la Ligue «canadienne» de football. Jadis une institution uni- que et fiére au Canada, la CFL s'est développée du cété des Etats-Unis en 1993, pour prendre encore de l'expansion en 1994. Pourtant, elle s'appelle toujours la Ligue «cana- dienne»! Cherchez donc 4 com- prendre! La Ligue canadienne de soccer étant disparue en 1992, il n'y a, A présent, pas méme une seule ligue sportive professionnelle au Canada. Pas une seule! Ill existe des franchises canadiennes dans le cas de la Ligue nationale de hockey, de la Ligue américaine de soccer professionnel, de la Ligue de baseball majeur et il y en aura a compter de 1995, pour I'Associa- tion nationale debasketball. Quand on pense qu'il y a environ deux cents pays dans le monde et que le Canada, en dépit de son statut de puissance moyenne, est leseul a qui il manque une ligue sportive pro- fessionnelle... Le fait que les anglo- phones canadiens ne peuvent trou- ver ni la volonté, ni la facon de former des ligues sportives qui leur sont propres constitue un symbole révélateur de la crise d'identité ca- nadienne anglaise. Rappelez-vous la ferveur patriotique déclenchée par le tournoi de soccer de la Coupe du Monde, démontrée méme par des gens ayant depuis longtemps quitté leur terre ancestrale; cela vous donne une idée du pouvoir et de l'influence que peuvent exercer les sports Si le Québec venait a se sé- parer, le Canada perdrait ainsi sa nature distincte; l'un de ses princi- paux traits caractéristiques dispa- Taitrait. Désormais, nous ne serions plus la «Belgique» ni la «Suisse» des Amériques. Il resterait alors un Clin d'oeil P ensemble de fragments dont cer- tains seraient assez forts pour sur- vivre, alors que d'autres auraient probablement mieux fait d'essayer de se joindre aux Etats-Unis. La conservation d'une seule entité ca- nadienne s'avérerait extrémement difficile vue l'écart béant au centre du pays et la perte de continuité géographique. L'un des moyens d'éviter qu'on en vienne a faire référence a I'«anciem» Canada, tout comme le Suite page 3 LES PREMIERS MINISTRES PROVINCIAUX | DONNENT LEDR APDDI 2A DANTEL JOHNSON Président-directeur : Jacques Baillaut Rédacteur en chef: Pierre Longnus- Infographisme : Suzanne Bélanger Yvan Brunet, Louis Anctil, Christian Héno. Tél : (604) 730-9575. Fax : (604) 730-9576. Ltée. No 0046. - TPS No R 103242624 Impression : Horizon Publications OPSCoS Le seul journal en frangais 4 l'ouest des Rocheuses "SANS PEUR NI FAVEUR" Journaliste-coopérante : Genevidve Gouin Administration et gestion : Sandrine Lejeune Correspondant national : Yves Lusignan (Agence de presse francophone) Collaborateurs : Claudine Lavallée, Marielle Croft, Catherine Lannoy. Collaborateurs Arts et spectacles ; Sara Léa, Nigel Barbour, Marie Michaud, Ouverture du Journal : 9h a 17h, du lundi au vendredi Toute correspondance doit étre adressée au Soleil. 1645, Séme avenue Ouest, Vancouver, C.-B., V6J INS. L'abonnement annuel cofite 25$ au Canada, 55$ 4 I'étranger. Le journal Le Solell de Colomble-Britannique est publié par Le Soleil de Colombie Enregistré comme courrier de deuxiéme classe. Membre de [Association _ ABE = de la presse francophone =——Fe a Hebdomadaire fondé en 1968 par André Piolat de Colombie-Britannique Tél. : (613) 234-6735 Téléc. : (613) 234-6313