- Le Soleil de Colombie, vendredi 21 novembre 1986 Scotland Yard nak arn gah gS téléphone au monde. Lyne Londres voir & quoi ressemble Scotland Yard aujourd’hui. célébre numéro de Par Lyne Fréchet Une voiture vient d’étre déclarée volée. L’opérateur s’empresse d'interroger l’ordina- teur central. Il est assis devant un bureau demi-lune oi _ sont regroupés écrans, claviers et micro-émetteurs. L’ordinateur lui fournit immédiatement des renseignements sur l’endroit ot a été commis le vol et indique quelle station de police couvre ce territoire. Au moment de l’appel, soit trois minutes auparavant, la Jaguar recherchée roulait en direction du pont Severn de Londres. Deux autres minutes sécoulent et la voiture est interceptée sur le pont. Aprés vérification, les occupants sont arrétés. histoire est véridique. Elle dévoile les rouages sophistiqués d’une superorganisation, d’un service de police scientifique et moderne: Scotland Yard. Les “bobbies” qui patrouillent’ les rues’ de Londres, c’est bien connu, n’ont pas d’arme. Ils possédent cependant une radio personnelle. Et, quel que soit leur lieu de travail, en auto-patrouil- le, en motocyclette, en bateau, en hélicoptére ou a pied, ils sont tous reliés par radio au quartier général de Scotland Yard, le coeur de l’organisation. Un vaste réseau de télécommunication L’édifice du New Scotland Yard est situé au centre de Londres, a proximité des sorties de métro St. James’ Park et Victoria. Dans le hall principal, rien ne _ laisse deviner ce qui se passe dans les 20 étages supérieurs. Ici, on s’attend davantage a rencontrer des détectives de la lignée des Sherlock Holmes que de jeunes informaticiens en complet cravate, semblables a ceux de n'importe quelle grande société commerciale. Mais, au fait, Sherlock Holmes n’a jamais travaillé pour Scotland Yard et les méthodes de déduction ont considérablement changé depuis l’époque du héros de Conan Doyle. Scotland Yard abrite . aujour- d’hui un vaste réseau de télécommunication: ordina- teurs, téléscripteurs, postes de radio et de télévision. On y rencontre peu d’uniformes, mais plutét des chercheurs ‘en blouse blanche et des employés en civil. Ils s'affairent dans les bureaux, les bibliothéques ou les laboratoi- res €quipés d’appareils sophisti- qués, du microscope électronique en passant par le rayon laser . jusqu’aux instruments de spec- trométre 4 absorption atomique! Composez 999 Depuis 1937, les Londoniens bénéficient d’un systéme d’appel d’urgence: 24 heures sur 24, ils peuvent composer le 999. Chaque année, quelque 750,000 personnes l’utilisent, on y recoit prés de 2,000 appels par jour. L’heure de pointe se situe aux alentours de minuit, au moment ou les discothéques et les bars ferment. A chaque appel, un opérateur répond: “Quel service d'urgence déstrez-vous?” Si vous demandez la police, on vous met immédiatement en contact avec 1“Information Room” (Bureau de renseignements) du New Scotland Yard. Ici, 24opérateurs se chargent de référer l’appel au poste de police le plus prés du lieu de l’accident ou du crime. Depuis la mise en place de 800 terminaux en 1984, le Bureau de renseignements est relié a tous les postes de police de Londres, au bureau de contréle de la circulation, a celui des patrouil- leurs aériens ainsi qu’au bureau des télégraphes. Les terminaux sont eux-mémes reliés a ]’ordina- teur central de la police de tout le pays (Police National Compu- ter) qui donne accés a des - données en quelques secondes. - Enquétes par ordinateur Le premier index 4 avoir été informatisé a été celui des véhicules volés et suspects. Dans le passé, Jlidentification d’un véhicule volé pouvait prendre 10 minutes ou plus. Maintenant, tout le processus ne requiert que — quelques secondes. On a aussi ajouté a l’index la liste de tous les propriétaires de voitures qui circulent a Londres. Ainsi, la police peut obtenir en quelques secondes le nom et l’adresse du vrai propriétaire d’un véhicule intercepté, méme s'il n’a pas été. rapporté volé. Une autre utilisation de Yordinateur est de dresser une liste de personnes trouvées coupables de délits graves, de personnes recherchées ou portées disparues et de celles qui n’ont pas le droit de conduire. L’ordinateur contient également l’enregistrement des empreintes digitales. Autrefois traités ma- nuellement, ces renseignements sont maintenant fournis par le fichier vidéo de l’ordinateur. La plus récente innovation est le systéme automatique de recon- naissance des empreintes digita- les (Automatic Fingerprint Re- cognition System). C’est une méthode informatisée qui permet de comparer, en quelques secondes, les empreintes trouvées sur les lieux d’un crime avec des empreintes digitales connues. Effectué manuellement, ce tra- vail exigeait de longues heures, car l’index des empreintes de Scotland Yard en contient plus de deux millions classées selon les boucles et les circonvolutions. Une méthode de classification dailleurs mise au point en 1900 par Sir Edward Henry, commis- saire de la Police métropolitaine de Londres. L’'informatique est utilis¢e pour contréler plus de 1,000 systémes de feux de circulation dans Londres. Elle permet de contré- ler la synchronisation des feux automatiques selon l’heure, le jour et la circulation anticipée. Si quelque chose fonctionne mal, des détecteurs placés sur la route le signalent et les opérateurs peuvent utiliser l’une des 50 caméras de télévision pour trouver la cause. Ils peuvent alors prendre le contréle manuel des feux et diriger la circulation.. L’'informatique est également implantée pour le traitement des l’heure de l’informatique appels d’urgence 999. L’ordina- teur agit dés qu'un opérateur recoit un appel, en référant le cas a la sous-division d’ot provient l’appel. Partout, -de grandes précautions sont prises pour éviter que des personnes non autorisées puissent avoir accés a l'information contenue dans les fichiers. Ala poursuite de Jack l’éventreur Scotland Yard emploie actuel- lement 3,500 hommes et femmes, détectives ou agents d’investiga- tion, dans le Grand Londres. A linstar de leurs prédécesseurs, ils travaillent sans uniforme et les enquétes qu'ils ménent peuvent durer longtemps. Avant d’accé- der a des postes, ils doivent avoir accompli deux années de service en uniforme. Habituellement, ils ont également servi dans une escouade de crime locale avant de devenir des officiers du Départe- ment d’investigation criminelle. Durant leur premiére année de service, ils subissent un entraine- ment d’une durée de 10 semaines a la Detective Training School. Les nouveaux détectives y sont informés de toutes les ressources de la _ technologie moderne utilisées pour mener les enquétes. La nature méme des enquétes a énormément évolué depuis les fameuses poursuites a l’assaut de Jack L’éventreur dans les ruelles sombres de Londres. Ainsi, les enquétes criminelles se divisent maintenant en sept spécialités. Les détectives sont alors affectés a l’escouade des meurtres et autres crimes sérieux, au bureau de la contrefacon, au_ service de limmigration illégale, a l’es- couade des fraudes, aux enquétes sur les véhicules -volés ou encore a l’escouade sur le crime organisé. Les détectives rattachés’ a cette derniére escouade ont obtenu un certain succés dans leurs opéra- tions et se sont mérités il y a quelques années le titre de “gang buster”. Mais le surnom le _ plus populaire revient sans doute a la “Flying Squad”, l’équipe volante de Scotland Yard. Jusqu’en 1978, “cette escouade était principale- ment chargée. de surveiller des secteurs notoires de Londres pour la densité des délits commis, de détecter et de suivre toute personne suspecte. En 1978, les détectives de l’€quipe volante furent regroupés au sein de l’escouade des vols 4 main armée dans les banques et les grandes ~ sociétés. Aucun détective actuellement a * lemploi de Scotland Yard ne pourrait travailler sans l’aide du Laboratoire de sciences légales de Scotland Yard, l’un des plus réputés au monde en raison des - technologies modernes utilisées et de ses nombreuses découvertes en matiére de répression et préven- tion du crime. La loupe des détectives d’antan prend mainte- nant place a l’intérieur d’une mallette qui contient également tout le nécessaire pour relever les indices: flacons pour échantil- lons, sacs de plastiques, éprouvet- tes, poudre et rubans adhésifs permettant de _ relever les empreintes digitales, etc. Le laboratoire des sciences légales L’enquéte sur l’assassinat de lagent de police Yvonne Fletcher, devant 1’ambassade lybienne en 1984, constitue sans doute le plus bel exemple de l’efficacité du Laboratoire de sciences légales. La jeune femme fut atteinte par un projectile alors qu'elle surveillait une manifesta- tion a St. James Square. Pour retracer les auteurs du meurtre, les experts ne disposaient alors que de la balle retrouvée sur le corps de la victime, une autre sur un blessé qui assistait a la manifestation et, enfin, quelques fragments de balles retrouvés sur la place St. James. En étudiant la position de la victime au moment de I’assassi- nat, en se fiant a l’angle de la balle qui avait traversé le corps, les experts ont pu déterminer la provenance du tir qui correspon- dait selon leurs “déductions” a une fenétre d’un bureau de l’'ambassade lybienne. Des fouil- les sont alors entreprises et on y découvre effectivement une balle du | type déja identifié. Les résidus qui s’échappent habituellement d'une arme au moment du tir sont également, découverts et identifiés grace 4 un instrument qui sert principalement a lanalyse quantitative des mé- taux: le spectroscope a absorp- tion atomique. A la section des armes 4 feu de Scotland Yard, qui posséde une collection de plus de 1,000 armes différentes, les experts ont pu identifier l’arme utilisée: une mitraillette Ster- ling. Le laboratoire de sciences légales de la police, fondé en 1985, loge aujourd’hui dans le quartier Lambeth de Londres. La microscopie y est largement utilis¢ée pour détecter les taches minuscules, identifier les fibres, déterminer les groupes sanguins, etc. En ce qui concerne les fibres par exemple, celles retrouvées sur les lieux d’un crime pourront étre comparées a celles de la collection des matériaux biologi- ques qui renferme plus de 1,000 sortes de fibres synthétiques et de poils d’animaux permettant didentifier un manteau de fourrure. Au chapitre des découvertes, c'est 4 une femme, le docteur Wilson de Scotland. Yard, que l’on doit l’identifica- tion du groupe sanguin par la salive et le sperme. Une méthode aujourd'hui répandue mondia- lement pour identifier l’auteur d’un viol et méme pour savoir si un viol a réellement eu lieu. Les analyses chimiques, quant a elles, sont effectuées avec des - instruments et des méthodes qui ont révolutionné la _ chimie moderne des 10 4 15 derniéres années. Outre la spectrométrie, la chromatographie en phase gazeuse est également utilisée pour l’analyse de l’alcool et des drogues dans le sang, pour détecter les traces de pétrole, de paraffine et de peinture. La spectrométrie a émission est mise a contribution pour l’analyse des pigments de peinture et d’autres matiéres minérales ou métalli- ques. Encore a ses premiers balbutiements, le rayon laser sert aussi a détecter les traces de matiéres invisibles a l’oeil nu. Pour les cas de falsification de documents, le plus gros du travail comprend d’abord la comparai- son des écritures 4 la main. Mais sil le faut, les experts auront recours a linfrarouge ou Vultraviolet’' pour détecter toute altération sur un document. Ainsi, il est possible grace a ces instruments d’avoir la preuve qu'une écriture a été falsifiée sur un chéque ou un contrat. OnI’appelle “bobby” En bas dans les rues, a l’ombre de la science du Laboratoire, dans un costume d’une autre époque au haut casque cylindri- que, le policier, surnommé amicalement “bobby” poursuit sa ronde. Son travail consiste le plus souvent 4 renseigner les touristes. Actuellement, quelque 26,000 “bobbies” sont a l’emploi de la Police métropolitaine de Lon- dres. Ils exercent leur activité dans l’agglomération londonien- ne, soit une superficie totale de 787 kilométres carrés et une population de plus de sept millions d’habitants. Contrairement a ce que l’on pourrait penser, la compétence de Scotland Yard ne s’étend pas a tout le pays, mais seulement a Londres avec ses quelque 200 postes de police répartis dans 24 districts désignés par les lettres de l’alphabet, et méme a Londres, le. mille carré de. la Vieille Cité reléve d'une police autonome. Un principe de base de la police britannique veut que la sécurité des policiers soit assurée par le fait quiils ne sont pas armés. Selon les chiffres méme de Scotland Yard, 99,7% de tous les crimes commis en Angleterre n’impliquent pas _ J utilisation d’armes 4 feu. Cependant le nombre d'incidents dans lequel des armes furent utilisées aurait pratiquement triplé entre 1974 et 1984. Lors d’une émeute dans le Nord de Londres, en octobre 1985, les manifestants ont ouvert le feu sur des policiers qui n’avaient pour toute arme qu'une matraque de bois et des écrans protecteurs. Au cours de la manifestation, un policier fut enlevé et abattu a coups de couteau. © Peu- aprés, Sir Kenneth Newman, commissaire de la Police métropolitaine a fait savoir 4 la population qu'il se préparait a équiper les policiers d’armes munies de balles en plastique. Plusieurs s’opposent a cette mesure, invoquant que ces balles ont déja tué 12 personnes et blessé des centaines d'autres depuis 1975. Ces balles ont en effet été utilisées en dernier recours pour contréler les foules lors de manifestations. Quoi qu’il en soit, les avis sur la question demeurent partagés et, pour le moment, un policier sur six est autorisé a étre armé. Justice, novembre 1986 Se