Encore une longue promenade dans des couloirs vides et interminables, toujours rythmée au son de sa voix, et l'on débouche dans une petite salle contenant un appareil de radiographie et un radiologue. On est donc pas tout a fait seuls, mais les rares personnes rencontrées m'apparaissent, ici, tres discrétes. Le docteur me demande dix mille francs guinéens pour la radiographie. Dix dollars! A ce prix, on s'en ferait volontiers faire une douzaine. - Je n'ai pas de liquide sur moi; je vais... Le visage de Maria s'est soudain figé. Le sourire a disparu. Sévére, elle m'a interrompu pour me dire que sans argent, je n'aurais pas de soins. Je m'efforce de la calmer en lui disant que tout a été prévu et que I'Africain qui m'accompagne a certainement ce qu'il faut. Elle reste hargneuse jusqu'a ce que Ibrahim, inquiet de la tournure qu'ont pris les événements, sorte un rouleau de billets de sa poche. - Tout a été prévu, dit-il effaré, il ya méme de quoi payer les médicaments. Maria lui prend le rouleau des mains et en retire quatre billets sales et chiffonnés: - Dix mille pour le radiologue et autant pour moi, dit-elle, soudain laconique. Et elle rajoute au chauffeur, cette fois conciliante, qu'elle lui fournira les regus. Du coup, la radiographie est expédiée en un minimum de temps. J'ai tout de méme le temps de noter au passage que la sécurité n'est pas ici un sujet de grande préoccupation. Pas de couverture de plomb, pas de limite d'exposition. Cela tient plus de la photographie d'identité que de tout autre chose. II n'en reste pas moins que le radiologue se porte comme un charme et que les irradiations ont plutét l'air de lui faire du bien. Je retourne donc continuer notre petite conversation avec Maria qui m’apprend au passage qu'elle est toujours célibataire et qu'elle aimerait bien faire un beau mariage. Je m'appréte a lui dire qu'elle est encore bien jeune pour penser a cela quand, déja, on nous apporte le cliché. Je ne m'y connais pas trop mais je suis surpris tout de méme de ne pas me souvenir de ce qu'il ait eu tant de brouillard dans la salle de radiologie. Cela ressemble plus a une échographie qu'a une radiographie ! Et c'est la que je découvre réellement Maria. Un peu comme une enfant qui recgoit cette image qu'elle espére depuis longtemps et qui est la seule 4 manquer a sa collection, elle se précipite sur I'épreuve, la dévore des yeux et se lance dans une longue explication enflammée. Elle est éblouissante. Elle décortique ce crane que je reconnais a peine et me fait un long et remarquable exposé médical qui me laisse pantois et duquel je retiens surtout que l'infection ne s'est pas étendue, qu'elle ne l'aurait pas pu d'ailleurs car il me manque un sinus. Et oui, je viens de l'apprendre; je suis né comme cela. Heureusement que ma mére n'est plus la pour l'entendre, j'étais son préféré. Enfin, j'ai le nez cassé, vieille histoire | La cloison nasale est tres déformée, je dois sans doute ronfler d'une maniére tonitruante. Je m'en défends trés fort, mais elle ne m'écoute pas. Elle adore ce qu'elle fait et elle le fait ma fois fort bien. Une chiromancienne déchiffrant les secrets les mieux enfouis, rien qu'en lisant les lignes de ma main, ne m'aurait pas plus impressionné. Enfin, muni d'une prescription, de la radiographie de mon crane que je me promets de brtler a la premiére occasion et de tous les réconforts possibles, je m'appréte a la quitter. Elle m'accompagne jusqu'a l'entrée de I'hdpital ot l'on entend soudain une salve effroyable de fusils automatiques. Une véritable pétarade qui éclate dans toutes les directions. Cela chauffe de plus belle ! Je demande a Maria si elle n'aura aucun probleme a rentrer chez elle. Elle habite 4 deux pas d'ici, me dit-elle. Et, aprés m'avoir étreint affectueusement, elle disparait 4 son tour par le sentier. Je me retrouve avec le chauffeur et le tumulte qui s'éleve du quartier en contrebas. Un bourdonnement inquiétant ponctué de coups de feu. On se regarde. Qu'allons-nous faire ? a suivre dans le prochain Moustique Katana.