mht nce tern atten tte et het ac tO ng etn te nena er hn See, — Le Francais LAFAYETTE, — Deux rencontres tmportantes de spécia- listes de l’enseignement de langues vivantes et de hauts fonctionnaires voués aux interéts de la Francophonie auront bientot lieu 4 Lafayette, Louisiane, siege du Conseil pour te développement au francais en Louisiane (CODOF'IL) La premiére, du 11 au 14 janvier, sous les auspices de Washington, réunira des autorités en bilinguisme du Canada et des Etats-Unis. On y discutera des méthodes d’enseigne- ment des langues vivantes en plusieurs régions de 1'Améri- que du Nord et. en particulier, on analysera |’ensemble au rogramme, les méthodes et techniques d’enseignement au tancais en Louisiane depuis trois ans, a la suite de la renais- sance spontanée de la culture francaise, phénomene spectacu- laire qui a provoqué une prise de. conscience des ressources culturelles des groupes ethniques aux USA. Du Quebec, on attend M. Jan Lobelle. de la Faculté des langues de 1’univer- sité McGill, an a déja fait plusieurs visites en Louisiane, M. Rudolph Maltais, du CEGEP de Jonquiére, et M. Clément Beaudoin, du Centre educatit et culturel de Montréal. L’Uni- versité de Toronto y délégue soeur Yolande Plante, coordon- natrice du i a d’enseignement des langues vivantes. _ La seconde rencontre, beaucoup plus vaste, c’est le con- grés des Amériques francophones dont on parle depuis deux ans et qui devait d’abord avoir lieu en Haiti. 1! aura lieu en avril. Les délégues seront les hétes du CODOFIL. Un bud- get de $6,000 a été voté en octobre dernier par l’Agence de cooperation culturelle et technique de la Francophonie, afin d’assurer la participation d éminents spécialistes de la dif- fusion culturelle francaise. Ce congres devait avoir le carac- tere d'une affaire familiale entre parlants francais du Que- bec. de la Martinique. de la Guadeloupe, de Haiti, des Iles Saint-Pierre et Miquelon,-des Etats de la Nouvelle-Angleter- re. et, évidemment, de la Louisiane. Le programme n’a pas . encore été définitivement établi. =~" Bes deux gands programmes d’enseignement du francais en cours dans les comtes de Lafayette et de Saint-Martin, sub- ventionnés par Washington ‘au cout de $800,000 et $300,000, . respectivement) feront le sujet principal d’étude de la rencon- tre de janvier. Me James Domengeaux, president de l‘agence gouvernemen- tale de la Louisiane (CODOF IL), se propose de dénoncer ‘‘1 i- neptie”’ de la politique du gouvernement americain en ma- tiere d’éducation d’une langue seconde — ou étrangére -, politi qe u'il juge ‘‘inefficace et criminelle, une perte d’argent et - de talent’’. _ ‘La politique du melting pot, cette chimie inexorable qui a neutralise le francais en Louisiane et en d'autres Etats, dit-il a atteint son but. Lorsqu’elle fut adoptée, les USA se composaient d’une agglomération de groupes ethniques dont le niveau d’instruction était pauvre. I! falllait apprendre une langue nationale de communication. Mais nous avons main- tenant atteint un stade d’évolution propice au développement d'une langue seconde, il faut’ reconnaitre que !’expansion de la communication sous toutes ses formes exige la connaissan- ce et la pratique d’une langue seconde chez nos groupes d’o- rigines ethniques differentes. si nous voulons entretenir des ae fructueux et pacifiques. avec les autres nations. Les USA doivent, dans l’intérét national. promouvoir cette connais- sance et cette pratique, mais non pas aux niveaux interme- diaires et universitaires. C’est au primaire et méme aux ma-: ternelles qu’il faut dispenser |’enseignement du francais, com- me |’ont démontré les meéthodes efficaces connues. ‘Je me propose de dénoncer | ineptie des méthodes adop- tées chez les plus hautes instances nationales en éducation. Le CODOFIL préconise depuis trois ans | enseignement du trancais chez les tout jeunes, a l’age ow ils sont le plus perceptifs. Ce sera bientot une réalité en Louisiane. J’espe- re, dit-il, amener les educateurs a reviser leur politique de maniere a faire une utilisation judicieuse des tonds accordes a lenseignement du francais et un empioi meilleur des res- sources humaines que nous possédons”’. Dans son numéro de mai 1971, la Gazette de Lauzanne, qui accordait plusieurs pages au mouvement francais en Loui- siane, citait les statistiques suivantes sur l’enseignement dune langue seconde aux USA: dans l’enseignement supé rieur, il y avait quelque 345,000 étudiants en francais contre 306,000 en allemand. Au total, 38 p.c. des étudiants ameéricains en langues vivantes avaient choisi le francais. Dans |’ensei- gnement secondaire, 1,686,000 éléves apprenaient le francais contre 2,113,000 pour l’espagnol et 476,000 pour |’allemand. En 1971, la tendance était 4 une avance prononcée de |’es- pagnol dans les deux cycles. On compte aux Etats-Unis 20,000 professeurs américains qui assurent 1’enseignement du francais dans le secondaire et 3,567 dans le supérieur. Les professeurs francais recensés par les services culturels sont au nombre de 56, dont une trentaine en Louisiane. Au sujet des deux programmes de Washington — coiit glo- bal de $1,100,000 — en cours en Louisiane, Me Domengeaux. déclare qu’il ne dépensi:.it pas une telle somme pour |’en- seignement du francais tel que dispensé. ‘‘Ces programmes sont entrepris dans le but d’apprendre a des enfants défavori- sés une langue seconde ou leur langue d'origine afin qu'ils puissent mieux comprendre leur langue nationale’, dit-il. Depuis son bureau de Lafayette et avec un personnel res- treint, le CODOFIL soutient le renouveau francais avec la vigueur d'un tourbillon. Nantie des priviléges d’une société d’'Etat, l’agence a créé des chapitres et des comités de comté par lesquels elle étend son action a tous les domaines de la culture, que ce soit par l'éducation, les mass-média, la pro- motion du folklore et des mouvements de jeunesse. Le plus récent progrés a été, en novembre, la sanction prestigieuse des instances supérieures de |’enseignement de I’Etat, qui ont formé un Comité académique consultatif ur CODOFIL. Ce Comité guidera l’action de CODOFIL dans 4 développement et l’expansion du francais a tous les ni- veaux d’enseignement, dans le cadre des programmes coopé ratifs 4 lintérieur de l’Etat, et dans celui de la coordination avec les programmes nationaux et étrangers. Les vingt-trois universites et colleges de la Louisiane y sont représentés. En font également partie le surintendant de |’Enseignement des Langues vivantes du ministére de |’Education et les direc- teurs de l’Association des professeurs de langues étrangéres de la Louisiane. : Le CODOFIL a accompli en trois ans ce qui est presque un miracle, avec un budget trés limité. Son fondateur et fer- vent directeur, Me Domengeaux, lui a imprimé un dynamisme qui tient de sa personnalité et de sa conviction, car passées les poignées de main officielles et les boutades impitoyables, cet homme remarquable qui affiche un mépris absolu du pro- tocole et des gestes non essentiels, a mis au service du mot- Le FRAN CAIS en Louisiane ? vement francais en Louisiane non seulement son prestige d’éminent juriste, de catalyseur et de réformateur, mais aus- si une énergie qui ne lache jamais. Pas une bonne volonté qui Mait été sollicitée, pas une avenue prometteuse qui n’ait eté explorée. I] est fermement décidé a revaloriser, en leur re- donnant leur identité, et ce, sans compromission, le million d’Acadiens et de Créoles qui occupent un tiers de|l’Etat. Le caractére phénoménal de cette renaissance francai- se en Louisiane a suscité un intérét envahissant, peut-étre parce qu’elle semblait, aux yeux de maints observateurs conservateurs ou méfiants, étre une entreprise téméraire ou, au pire, une ambition personnelle. Depuis 1968, de la France, du Canada, de la Belgique, sans parier des autres Etats ameéricains ni d’autres pays ot le francais vit enco- re, sont arrivés spécialistes des langues et journalistes, dé sireux de prendre le pouls du francais en Louisiane et de jau- ger l'avenir d'une entreprise apparemment pharamineuse et impossible. Il ne se passe pas une semaine qu’il n’y ait sur les lieux quelque groupe de parlementaires, d’ensei- giants, de reporters, de délégués - officiels ou non - animés le curiosité critique. Il se passe peu de jours ot les agences de presse ne fassent mention de I’activité francai- se en Louisiane. Aux élections de décembre’ ~— le deuxiéme tour de scrutin au poste de gouverneur le démocrate Edwin Edwards, un descendant d’Acadiers, a remporté la palme ‘ace au vote ‘‘cadjun” de la région francaise de Lafayette. est 4 eux qu'il a adressé ses premiers mots de remer- ciements. La reconnaissance de la réalité francaise est de- venue un impératif pour tous-ceux qui briguent les plus hauts postes gouvernementaux. : La France, en particulier, montre un intérét croissant au renouveau culturel en Louisiane. Au cours de 1971, les délégations officielles et semi-officielles se sficcédent a Lafayette et dans les comtés acadiens et créoles. En jan- vier dernier, c’est la Commission des affaires culturelles du Sénat francais, conduite son ‘président, le. sénateur Louis Gros. En février, ?ORTF fait un documentaire sur le statut du francais en Louisiane du Sud. En mars, |’am- bassadeur de France aux USA, Charles Lucet, fait une reconnaissance des efforts de |’Etat louisianais pour la preservation de la langue et de la culture francaises. En avril, l’attaché culturel francais 4 la Nouvelle-Orléans, M. Jean-M. Pettinelli, visite les écoles du sud de la Louisiane. Plus tard, c’est le vice-président de l’Association nationale des maires francais, M. Pierre-Albert Dumas, de Cham- berry, qui vient 4 Lafayette. Le gouverneur John J. McKeithen se rend en France consolider les rapports France-Louisiane. Une librairie créée en association avec Hachette ouvre ses portes dans le quartier universitaire de la Nouvelle- Orléans. Des représentants de maisons commerciales vien- nent tout au long de l'année tater le marché. La France fi- _hance une salle de cinéma francais; un festival de films s’an- -honce pour bientt. L’intérét du Québec s’est manifesté, pendant ce temps, ar la présence de deux délégations du ministére des essources naturelles, en mars et octobre. Des rencontres propres a établir d’excellents rapports entre la province et l'industrie pétroliére louisianaise ont eu lieu. La conti- nuation du programme culturel de Jonquiére semble cepen-, dant incertaine, les appropriations: budgétaires n'étant pas en- core prévisibles. Quelle sera la participation du Québec au Congres des Ameriques francophones? C'est encore un point d interro- tion. Ni le theme du congres, ni le programme, ni le carac- tére des délégations ne sont connus de CODOFIL. Trois agences de voyages invitent des amis de la Francophonie a “une rencontre cultureile’’ a Lafayette, depuis le début de l'au- tomne: Tourex, de New York, les voyages Saint-Augustin. de. Paris, et !es Voyages-Missions, de Montréal. 11 s’agit d'une entreprise conjointe tourisme-loisirs-éducation. Les efforts déployés par ces agences laissent croire que l'on vise une presence nombreuse. {1 est encore trop tét pour savoir qui sera en Louisiane francaise en avril. Au bureau du- Quebec a Lafayette, M. Léo LeBlanc, re- présentant offiriel de la province en Louisiane, ne connait pas les intentions de son gouvernement. “Il serait idéal que le Québec ait les moyens de profiter de cet évenement, pour faire la preuve de la viabilité du francais dans le contexte ethnologique nord-américain, pour démontrer le dynamisme de. la société québecoise’. [1 mentionne par exemple des mani- festations d’ordre culturel telles que des expositions de pein- ture et de livres, des concerts populaires avec des artistes ui ont fait connaitre le Québec en France et ailleurs, des estivals de disques et de films quebécois. ‘‘L'occasion serait propice, dit-il. Elle ne se produira peut-tre pas de sitot”. M. LeBianc travaille en étroite collavoration avec l’'agence d Etat CODOFIL, sur le plan culturel. 11 entretient aussi des relations sur le plan économique: tourisme et pe- trole, surtout. Depuis la création par la législature louisianaise de son Conseil pour le développement du francais, un projet de loi vote @ l'unanimité et pa l’elément anglophone et par 1’éle- ment francophone, le CODOFIL a fait un long chemin, avec l'approbation et la collaboration ae Washington. Le mouve- ment a gagné tous les niveaux de l'éducation de I'Etat. La France a multiplié les formes de sa présence. Il y a un va-et- vient ininterrompu de parlants francais de tous les pays mem- bres de la Francophonie... méme si la Louisiane ne fait pas encore partie de 1a ande famille francaise, officiellement. Cet Etat que l’on découvre depuis trois ans en raison justement de la survivance de sa culture francaise. aura-t-il un destin francais? En dehors des considérations d’ordre po- litique ou intergouvernemental, plusieurs facteurs jouent. In- téréts économiques, bien stir. Influences internationales aussi. Il y a de plus, et c’est ce que l'on est a percevoir mainte- nant, la torce de l’aspiration 4 une identité propre. Cette aspiration grandit chez les classes dirigeantes de |'éduca- tion et de la culture. Le caractere meme du Louisianais est un autre facteur. Le Louisianais, tit-il un magnat dau perale ou un simple ‘‘cadjun’, est le produit de plusieurs éritages, de plusieurs sangs melés, conditionnés par te climat du sud. fl ne se laisse pas brusquer ni courtiser, a moins que cela se fasse a son rythme de vie. : fl est une entité différente, impondérable, une inconnue. Lorsqu’on a une terre riche tleurie toute l’annee, un sol qua- si inépuisable, une aeoptaphis encore inexploitée, et qu’au surplus, on a pour soi le soleil et la mer, on a aussi le temps. On peut se permettre le loisir de choisir. Aura-t-il un destin francais? Ii est encore trop tét pour le prédire. XIV, LE SOLEIL, 17 MARS 1972