DUPLESSIS _-X) LE SOLEIL, 23 JUIN 1972 “QUEBEC — “Duplessis « est encore en vie’. tel est le titre choisi par Denys Arcand pour son documentaire. terminé a TONF il vy a quelques semai- nes. Le cinéaste laisse enten- au pays de Québec. mais la dautres angles intéressants. Imaginez si le premier mi- cela au cours d'un cauchemar. Il lui faudrait au moins deux semaines a Tahiti pour sen remettre. car Duplessis_re- venu sur terre (je présume quil se trouve soit au ciel. soit en enfer) nous aurions le loisir de faire la comparai- son complete des deux hom- mes d Etat. Jignore qui en ressortirait le vainqueur. mais Je sais que ces propos ne sont ni gratuits, ni du domaine de la petite politique. Car j’ai senti les memes questions qui cir- culaient dans Jauditoire. a lentracte de “Charbonneau et le Chef” ce mercredi soir. Un manichéisme archicon- nu rend Maurice responsable de tout. Ce manicheisme a viré a la démogagie subtile lorsqu il a été dirige vers ceux qui nont pu se faire une idee personnelle sur Duplessis. cest-a-dire les Canadiens anglais et les jeunes Quebe- cois. Meme avec les me- pas faire...de la méchante his- toire. Combien de fois ai-je entendu sur les ondes de CBC les “‘analystes’ —_ torontois louanger les trois colombes pour avoir combattu Jinfa- me dragon du nationalisme ar- riéré? Pourtant. quand Jean nistres (au cours d'une scene ou le Chef fustige les “fu- turs communistes ) il ne re- colte que des rires sarcasti- ques. Et quand le meme co- médien nous représente cer- tains tics du Duplessis humo- dans la salle des rires chaleu- reux — le public de Quebec a de ces éclats que celui de Montréal n'a pas — des rires presque affectueux. e Vous me voyez venir. sans doute. Vous pensez que je vais accepter la candidature de avantageusement connu de la Rive-Sud. Que non! Je consta- te simplement un retour des choses. Les images d hom- mes politiques. comme le prouve chaque campagne pré- sidentielle américaine depuis Kennedy. sont plus mouvantes . que- les réalités politiques. Parti dun constat historique sur la période duplessiste. on a voulu faire une image de lhomme. L’auteur anglophone de la piece “embarque’™ dans cette conception lui aussi. Il croit au mechant Maurice. a la grande noirceur. Mais voi- ci: ayant voulu faire une piece sur une injustice faite a Mgr Charbonneau. il. se retrouve aujourd hui l'instrument invo- lontaire dune justice faite a Duplessis. Comprenez bien que la justice en question est faite 2 Timage du bonhomme. non a la realité d Asbestos. Il ne reste aucun doute dans esprit du spectateur que le premier ministre fut un dic- tateur détestable. et que Mgr Charbonneau dut payer cher “son courage. Cependant. en traduisant loeuvre de Mc- Donough. qui n’était pas faite pour des Québécois. Paul Hé- bert et Pierre Morency ont . Senti le personnage du pre- chants de histoire. on ne doit , Duceppe nomme ces trois mi- | riste. ou hypocrite. jentends_ dre par la que rien ne change | phrase peut étre prise sous , nistre fédéral devait rever | l'Unité-Québec dans un comte ° ‘DUPLESSIS EST |ENCORE EN VIE™ mitt. rhinistre comme des Québécois. ils lui ont redonné sa dimension humoristique. son parler populaire. qui sont des mythes chez nous. Le résultat est étonnant:- malgré le poids objectif de l'histoire qui condamne Duplessis. plu- sleurs en voyant la piece réussissent a le trouver sym- pathique. Cette “réaction” se prépa- rait depuis longtemps. On la voulu. on I'a eu. dit la chan- son. A vouloir noircir le bon- homme. on sest preparé une espece de lavage en famille. Jacques Ferron nous _affir- mait il y a deux semaines que “la grande noirceur na ja- mais existé: la grande noir- ceur pour le Québec. cest peut-€tre maintenant’. Notre collaborateur Jean Ethier- Blais en écrivait autant il y a deux samedis. Le cinéaste Arcand titre son film dans le meme sens. La piece du Tri- dent. jouée lan dernier a gui- chet fermé (et reprise cette saison a guichet ferme) con- firme la réaction: elle nen est. pas la cause. La fiece. je le repete. a été écrite par un ecclesiastique ane lophone sur un personnage ecclésias- tique. Elle devient une piece sur le Chef, parce que les gens sont étonnament curieux. friands de nouvelles ou de ré- velations sur la personnalité du Chef. C’est preuve qu’ils nont pas été satisfaits de tout ce qu’on leur a dit et redit sur lui en douze ans. Peut-on expliquer les para- doxes, ou les simples ‘“‘retours de choses’? Chose certaine, la comparaison avec l’actuel premier ministre compte pour quelaue chose dans tout ceci. e me suis permis de la re- prendre seulement parce que depuis un an, lors du premier hit de ‘‘Charbonneau’’, je l’en- tends constamment évoquee. La petite querelle politisée, a savoir qui des deux est le vrai dictateur (ou le vrai ‘“‘an- ti-Québécois”, etc.) importe peu. Les gens ne peuvent pas sempécher de sentir toute- fois, combien le langage ou les maniéres de l'un sont plus proches du peuple que ceux de lautre. Paradoxe encore une fois, car selon Ferron, le grand-pere Trudeau fut culti- vateur a Napierville, alors que Maurice Le Noblet apparte- nait a l’authentique aristocra- tie seigneuriale. Passons, je sens que je vais me répéter. La répétition. comme. tout un chacun l'apprend. est le propre de la politique. Elle apparent au domaine pu- blic. Or, ‘Charbonneau et le chef’ est une piéce de per- sonnages publics. Ainsi que Yadmettront’ facilement_Jean- Marie Lemieux, Jean Duce pe et Paul Hébert, les trois prineipaux artisans de cette réussite, l’auteur McDonough n’a pas échappé au piége de la répétition ou de la sim- plification. Son texte, pour tout dire, ce n’est pas “‘les chars’. Bien sir, on posséde peu d’informations: sur les © personnages privés en ques- tion, bien sir, il a écrit sur Charbonneau alors que son public s’intéresse au Chef. Mais en définitive. il faut” imputer la valeur’ du spectacle aux circonstances historiques, aux comédiens et au met- teur en scene. Hebert a ajouté certains éléments historiques ° au texte dramatique insuffisant: dispositives dans le back- ground, etc. J’aurais souhai-. té voir ce court-métrage et ces témoignages filmés qu il incluait dans ‘la version 1971. Soulignons de nouveau les scenes mises en valeur par ladaptation québécoise, ou les jeux de mots revolent. Cote jeu. Lemieux et Duceppe se sont attaches a la reconstitution historique a partir de nombreuses lectures. recherches, vi- sionnements de films. ete. Autant d’éléments que lau- teur ne fournissait pas dans son texte. On _ retrouvera done la manie de Duplessis. qui se brossait le bas du veston avant de_ recevoir des visiteurs. au cas ou Yargent quil distribuait a la main ferait des “mo- tons” dans ses poches. On retrouvera lé sourire serein de Charbonneau. patricien malgré tout; ses gestes au front: un homme sensible et délicat. La face inoublia- ble de Mgr Courchesnes (Lionel Villeneuve) rappele- a également a ceux qui lont tee une discipline du -col- ege classique bien québé- VaR Sans ces petites choses, arbonneau, le Chef, et les autres, ne revivraient as devant nous pendant une eure et demie. au Grand Theatre de Québec.