Le Moustique ! ... Pacifique Volume 6 - 11e Edition ISSN 1704 - 9970 Novembre 2003 Alain Stanké, Montréal) (aru dans L ‘Encyclopédie du Canada 2000, Les Editions internationales | | | Louis Riel, écrivain (1844-1885) par Isméne Toussaint? Les Editions internationales Alain Stanké nous autorisent aimablement a publier cet article paru dans « L’Encyclopédie du Canada 2000 ». A l'image de sa vie, I'ceuvre de Louis Riel souffre d'un ostracisme criant qui le relegue injuste- ment au rang des « grands exilés de Ia littérature du Nouveau-Monde », pour reprendre |'expression de l'écrivain Jean Morisset, l'un de ses plus ardents défenseurs (Louis Riel, écrivain des Amériques, revue Nuit Blanche, printemps 1985 ; repris dans Mathias Carvalho : Poémes Amériquains, VLB éditeur, Montréal, 1997). En effet, si les trois repertoires littéraires parus entre 1984 et 1996 dans l'Ouest lui rendent honorablement justice, il n'en est pas de méme dans I'Est ou, excepté le Dictionnaire des Auteurs de langue frangaise en Amérique du Nord (1989) de Reginald Hamel, aucune anthologie ne le mentionne, la critique ignore — ou feint d'ignorer — ses écrits, un important dictionnaire salit ses poémes, une certaine presse, aveugle et dénuée de toute sensibilité, roule son émouvant Joumal dans la boue. Pourtant, tout au long de sa courte vie, cet homme politique, qui fait désormais figure de « grand libérateur de son peuple » (Robin Philpot : Hommage aux Patriotes, Bulletin de la Société Saint-Jean- Baptiste de Montréal, novembre 1999) et mériterait de devenir l'un des symboles de la francophonie internationale ; cet homme de Lettres, que l'on considére aujourd'hui comme le plus important auteur manitobain du XIX® siécle et le « premier poéte québécois de portée intemationale » (Jean Morisset), s'est essayé a tous les genres, nous léguant une ceuvre considérable, inégale et en grande partie inachevée, certes, mais dont plus d'un extrait mériterait d'étre cité en exemple dans les écoles et étudié a l'Université (Les Ecrits complets de Louis Riel, 5 vol., Presses de l'Université de I'Alberta, 1985 ; dir. George Stanley). C'est précisément lors de ses années de collége (1864-1865) que cet étre hypersensible découvre sa vocation de poéte. Influencés par les grands classiques frangais, ses odes, fables, épitres, etc, révélent non seulement un versificateur doué d'une remarquable « dexténté dans I'art de rythmer et dans la variété des formes métriques » (G.H. Needler : Louis Riel, The Rebellion of 1885, 1957), mais un caractére épris de justice, soucieux, a travers les themes et les personnages qu'il met en scéne, de faire triompher le bien, le droit et la morale. Un de ses camarades de classe en publiera quelques unes dans le journal L'Opinion publique (1870) et un siécle plus tard, ses historiens-biographes Gilles Martel, Thomas Flanagan et Glen Campbell les réuniront sous le titre Poésies de Jeunesse (1977). Inspirée de Lamartine, son poéte préféré, sa seconde maniére — a laquelle il imprimera un souffle plus puissant a l'age adulte — nous plonge dans lintimité d'une Ame de héros tourmenté, inadapté, dont la plume s'abreuve, selon ses propres termes, aux « Jarmes sombres et noires » du Romantisme : la fuite du temps, la fatalité du destin, l'amour enfui, l'exil, le joug écrasant de I'ennemi, le mal de vivre, la nostalgie du pays natal, la solitude, la mort, etc. Dés son entrée officielle en politique (1869), Riel utilise le vers pour défendre les intéréts de son peuple et exhaler le trop-plein de son amertume, de ses désillusions et de sa colére. Dans la grande tradition de la poésie orale métisse, inaugurée en 1816 par Pierre Falcon (1793-1876), il célébre les exploits de ses fréres contre les forces britanniques. Sa chanson, La Métisse (1870 ), deviendra un hymne national.