Monologue ... Suite du numéro précédent. Alors que construit assez recemment, c'est bien un hépital d'Afrique. Des batiments sans étage s'étalant sur la plus grande surface possible et reliés par d'étroites allées, bétonnées, recouvertes d'un large toit plat pour protéger des pluies torrentielles. On n'y voit presque personne. Les gens ne sont-ils pas malades le dimanche ? Quelqu'un se montre toutefois et me renseigne. - Le Docteur ne tardera pas, il habite dans les parages. L'emplacement, situé sur une petite colline, est aéré et calme. C'est a peine si l'on entend la rumeur des manifestations montant des rues en contrebas. L'endroit est presque propre, agréable. Quelques oiseaux gazouillent dans les branches d'arbustes occasionnellement arrosés. Cela me surprend toujours d'entendre les oiseaux chanter quand les hommes s'entre-tuent. On a chacun ses problemes ! Le docteur n'est pas trop en retard. Il nous arrive a pied par un petit sentier que je n'avais pas remarqué. C'est une jeune femme toute noire, toute ronde et toute souriante. Elle s'avance vers moi, la main tendue, et avec un fort accent latin, elle me demande si je suis bien son malade. Elle ne risquait pourtant pas de se tromper, on est quasiment seuls. Elle m'annonce qu'elle est cubaine et qu'elle s'appelle Maria quelque chose, un nom a charniéres dans lequel je reconnais, au passage, "y Conception". Je lui demande si je peux l'appeler Maria tout simplement. Large sourire, voila un probleme de moins. Mais il y en a d'autres. - Je vais peut-étre devoir vous faire attendre, je n'ai pas la clef de mon bureau, dit-elle avec le plus charmant des sourires, c'est mon assistant qui I'a gardée, mais je ne sais ou il est. Et puis, rassurante : - Toutefois, s'il ne vient pas, je peux toujours vous ausculter ici. Dans ce jardin, on y sera tranquille. Elle n'a sans doute pas tort. Mais, tout de méme, heureusement que c'est a l'oreille que j'ai mal ! Je lui parle de La Havane; elle me parle de Conakry. Le temps passe agréablement pendant que l'on se bat plus bas. Elle est venue avec les Russes et les Cubains. Ils sont presque tous partis a présent. Elle se sent seule parmi tous ces Africains. Ils sont si différents ! Elle a le mal du pays, c'est certain. Et probablement qu'elle ne le reverra jamais ! Puis elle retrouve son sourire : - Voila mon assistant et il a la clef. Elle n'était pas sire, apparemment, que ce soit lui qui l'ait. Cela ne l'empéche pas de réprimander vertement I'assistant qui disparait prudemment par le méme sentier que tout a I'heure. Toujours en babillant, elle me montre le chemin de son cabinet et je prends conscience que I'hépital est encore plus vaste que je ne le pensais. Les piéces, par contre, sont minuscules. Nous voici quasiment seuls dans un immense batiment et, cependant, obligés de nous coller l'un a l'autre pour nous installer dans ce cagibi qu'elle m'avoue, en plus, partager avec un autre spécialiste. Si j'ai du mal a glisser mes jambes entre ma chaise et la caisse métallique qui lui sert de bureau, elle a bien de la peine a parvenir a son tiroir et a l'ouvrir pour prendre son otoscope. Et encore beaucoup plus de difficulté a me l'enfoncer dans le conduit de I'oreille, reduit a un mince canal par infection. Et de surcroit, cela fait diantrement mal ! A-t-il souffert tout a l'heure, le pauvre chauffeur de taxi ? Probablement qu'il n'en a pas réellement eu le temps. Méme s'il avait eu les moyens de parvenir jusqu'ici, aurait-on pu le soigner ? - C'est une otite, me dit le docteur, mais j'aimerais vérifier si I'infection ne s'est pas propagée vers les sinus; nous allons faire une radiographie.