ree aa 7 aN ES pgp er A quoi révent les celtes par Roger Dufrane Un jour, l’enchanteur Mer- lin se promenait dans la fo- rét de Brocéliande, aujour- d’hui forét de Paimpont en Bretagne. Il y apergut, au bord d’une fontaine, la fée Viviane dont il s’éprit. Tous deux s’aimérent de ‘‘fine amour’’. Et Viviane, sachant l’inconstance des hommes, 4 plus forte raison des enchan- teurs, soucieuse de garder son amant tout 4 elle, l’en- ferma dans un manoir de cristal, c’est-a-dire invi- sible, dans le langage des fées. Monsieur Gareth Pry- therch, professeur A l’éco- le secondaire Eric Hamber, m’est apparu, dans sa confé- rence 4 l’Alliance francaise le 8 mars dernier, épris des fées de la Bretagne armori- caine et du pays de Galles. Comme l’enchanteur des ro- mans de la Table ronde, il s’est retrouvé enjolé dans un chateau magique ot il proméne désormais ses ré- ves. Il revoit sur les murs des salles et parmi les sen- tiers, comme dans une tapis- serie ancienne ou dans un courtil médiéval, les miri- fiques images de son enfance au Pays de Galles, etcelles, non moins attrayantes, du domaine de ses voyages en Bretagne celtique. En pedagogue habile, il dé- montre A coups de craie au tableau les similitudes de vocabulaire entre le briton- nique du Pays de Galles et le cornique d’Armorique. Il fait tourner des disques, l’un de cornemuse, l’autre de bi- niou, dont les mélodies sont cousines. I] dénote un méme motif musical dans les chants nationaux gallois et — Lo ep z ILO =e Z d bretons. Les Gallois, comme les Bretons, se ressemblent par leur caractére tétu et fervent, remarque encore le conférencier. Tout cela est vrai. Mais 14 s’arrétent, a mon avis, les parentés. Is- sus d’une méme race, les deux groupes vivent depuis tant de siécles séparés que le terroir, le climat, la re- ligion, I’histoire, les diffé- rentient irrémédiablement. Ceux qui s’intéressent aux racines des peuples trouvent dans leurs rameaux divisés des ressemblances et dans leur enthousiasme inclinent A les exagérer. Le confé- rencier de ce soir ne donne -guére dans cet excés. Sur les vues de Bretagne et du Pays de Galles dont il il- lustre sa causerie, il note peu d’analogies, et celles- ci seulement, en-dehors du langage, de folklore et d’imagination. Ainsi du my- the des villes englouties, comme celui de lavilled’Ys, dont on entend les cloches sonner sous la mer, au lar- ge des cdtes d’Ouessant, les jours de tempéte. Les paysages de Bretagne et du pays de Galles que projette sur 1’@cran Mon- sieur Prytherch opposent leurs differences. Les clo- chers fins et gris de Quim- per, les calvaires longue- ment ouvragés, la lande ro- cailleuse et plate, contras- tent avec les petites monta- gnes rousses, les tours an- glo-normandes, et les gor- ges embrumées de l’autre coté de l’eau. Mais lorsque le conférencier, A l’affot d’ analogies, nous parle de mé- mes coutumes 4 propos de recettes culinaires d’algues bouillies, nous jugeons que sa sympathie l’entrafne et qu’il force légérement la note. Il y a deux sortes de confé- rences ; les unes s’inspirent des livres ; les autres de la vie. Quoique bien informé, Monsieur Prytherch a lais- sé de cdté l’archéologie et l’histoire pour 1l’expérience vécue. Son exposé y gagne en naturel et crédibilité. Nous grimpons avec lui en- fant les chemins de montagne du pays de Galles. Nous traversons avec lui adulte les villages aux maisons basses des pécheurs bre- tons. Monsieur Prytherch aime profondément son pays na- tal. Et comme il en vit éloigné, un voile de nos— ‘talgie enveloppe sa cause- rie. La langue galloise, nous dit le conférencier, s’étiole, faute de termes techniques qui lui permette de s’accro- cher aux rouages de la vie moderne. En Galles du Sud, région industrielle, on ne parle plus guére le gallois. Dans le nord agricole et pastoral, la langue se main- tient et fleurit dans une poé- sie originale ; mais elle perd du terrain. Monsieur Prytherch nous a montré au pays de Galles une montagne ot dort, pa- raft-il, le Roi Arthur. Les peuples du Moyen Age cro- yaient 4 la survie des hé- ros. Vaincus par les Ger- mains, morcelés et sépa- rés par les mers, les Cel- .tes ont espéré pendant des siécles le retour de leur Roi Arthur. Le destin ne 1’a pas voulu. Mais les poé- tes peuvent réver : cela en- tretient les traditions. Lecadran des songes Une collection de poémes de Roger Dufrane est mainte- nant en vente au Bouquineur, 1141 rue Davie. Nous vous présentons ici quelques ex-- traits du cahier ainsi que quelques mots du critique littéraire Jean Bergeaud au sujet du‘ Cadran des Songes‘. M. Dufrane est fort bien connu des lecteurs du Soleil qui ont maintenant l’occa- sion de voir un autre aspect de sa versatilité 4 travers ce recueil. La Vitesse ‘ Muse, viens avec moi dans la longue voiture : Nous bondirons 4 travers champs, Nous couperons le monde avec notre voiture Qui claque 4 l’aile des hauts vents. Nous ferons basculer le ciel sur les grand-routes Et dans notre course de feu Nous cueillerons dans l’air, en paroles dissoutes, Le sésame du pays bleu. Notre 4me tourmentée aspire A la conquéte Du monde of danse le Bonheur, LE CADRAN DES SONGES poémes Cahiers en vente au ‘‘Bou- quineur’’, 1141 Davie, Van- couver. “Vos vers sont d’une fac- ture solide, large, point mié- vre. On sent passer dans vos rythmes et dans vos rimes le grand vent de la poésie authentique et d’une musique intérieure.’’ Extrait d’une lettre adressée 4 l’auteur par Jean Bergeaud. Autre extrait du méme cri- tique : ‘*Je souhaite que d’éven- tuels lecteurs de langue fran- gaise sentent A travers ces vers qu’il est encore des écrivains capables de ce bel hommage 4 notre langue en un temps ot mal écrire‘est souvent un titre de gloire.’’ Jean Bergeaud Critique littéraire 4 Paris, professeur de francais, au- teur de jeux radiophoniques et de monographies de per- sonnages célébres. Qui lorsque nous tendons vers lui nos coeursen féte S’évanouit dans la splendeur. Au retour ralenti de nos lointaines courses, Dans tes yeux A 1’éclat changeant, Je verrai repasser les buissons et les sources Od 1’Amour nous fut indulgent. Le Mois de Mars Mois de Mars enchanteur 4 la mine indécise, Si tu n’es plus l’Hiver, tu n’es pas le Printemps. Les jardins dépouillés, frissonnant sous la brise, Allument leurs massifs de bourgeons hésitants... Les tulipes en cercle agitent leurs calices Et les pommiers joyeux leurs verdissants rameaux, Mois de Mars, mois furtif aux changeantes pelisses, Le long de l’avenue of passent les autos. VIll, LE SOLEIL, 24 MARS 1972 y